La vie militaire

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21/01/2018

Cela fait maintenant six jours que je suis au camp. J'ai peu à peu renoncé à mon tout premier plan, qui était de mettre au maximum le bazar. Au final je n'en vois pas trop l'intérêt et en plus je n'ai pas vraiment d'opportunités où le faire. Mes amis de la fac seraient contents de moi, pour une fois je fais profil bas.
Nos journées se déroulent selon le programme suivant :
7h30 : lever
7h30-8h00 : préparation
8h00-8h30 : petit déjeuner commun
8h30-9h00 : retour dans les chambres, fin de la préparation matinale
9h00-10h40 : sport (endurance/vitesse/abdominaux/marche au pas...)
10h40-11h20 : vestiaire/récréation
11h20-12h30 : cours théorique sur la France.
12h30-14h00 : déjeuner/pause
14h00-15h00 : test français, anglais, ou maths
15h00-15h20 : pause
15h20-17h00 : différents exposés sur la laïcité, l'égalité, la démocratie...
17h00-18h00 : Techniques de combat/ maniement des armes.
18h00-19h30 : pause au foyer mis à disposition des élèves
19h30-20h30 : dîner
2oh30-21h30 : foyer
21h30 : retour dans les chambres/préparation du soir
22h30 : extinction des feux.

La vie du camp me plait. Les exercices physiques sont durs mais comme je me suis toujours maintenue en forme, j'arrive à les surmonter. Plusieurs ce sont déjà écroulés depuis les six jours que nous sommes ici. Par contre, sur le plan intellectuel c'est loin d'être stimulants. Les différents tests sont d'une facilité déconcertante, surtout le français et l'anglais. Et les exposés sont complètement barbants, ce sont vraiment les gros points noirs, cette acharnement à vouloir nous éduquer dans un seul sens, une forme de propagande désuète. D'ailleurs je ne suis pas la seule à le penser, Charlie aussi. On en discute souvent au foyer le soir.
-"Hé, tu rêves ou quoi ? Tu penses être venue ici pour dormir ?"
Ça c'était l'instructeur en chef, un gros militaire boudin qui se prend pour le roi du monde. J'étais partie dans mes pensées tellement son cours est d'un ennui pathétique.
-"Parfois le repos appelle à la conscience de l'âme. C'est en fermant ses yeux que l'on visualise l'ensemble, même ce qui ne peut être vu et entendu"
-"Ostras, vous vous foutez de moi !Demain ce sera réveil à 6h30 pour vous et vous me ferez une dizaine de tours de stade, ça vous apprendra à ne pas répondre."
Je baisse la tête, je me mords violemment la bouche pour ne pas répliquer car je sais qu'il n'attend que ça. Cet imbécile a eu ce qu'il voulait et ce grâce à moi : il a pu raffermir son autorité. Quelle conne je fais.
Dès que 17h00 sonne je me précipite dehors, bouillonnante de colère.
-"Hé Maé attends nous !"
C'est la voix de Théa, je ralentis peu à peu le pas.
-"C'était trop classe ce que tu lui as sorti sur le sommeil. Enfin... j'ai pas tout compris mais c'était bien fait pour ce gros pâteux."
-"Moi j'ai compris" enchaîne Charlie "mais je ne suis pas tout à fait d'accord."
-"Pfff encore repartie pour une de vos discussion philosophique. Moi je vous laisse."lance Théa en s'accrochant au bras de Roan et en l'entraînant au loin.
Je continue ma discussion avec Charlie. Ce mec a une intelligence de dingue, il a réponse à tout et c'est presque tout le temps à moi de m'incliner devant la sagesse de ses propos.
On arrive sur le stade de maniement des armes et une nouvelle fois on est obligé de s'arrêter de parler et de se mettre en ligne.
-"On en reparle au foyer" dis je "pas envie de me récolter une nouvelle punition à cause d'un bavardage."
Pour toute réponse il m'ébouriffe les cheveux.
Depuis deux jours, ce cours est dédié à l'explication sur le maniement d'une arme. Aujourd'hui, enfin, nous allons faire nos premiers tirs, dans un endroit sécurisé et avec des balles à blanc, bien sûr.
Mon tour arrive, je me répète les différentes consignes de sécurité. Il me suffit de me rappeler la scène ayant eu lieu juste avant pour me donner la rage nécessaire pour réussir ce tir.
Il ne me faut que cinq secondes de préparation. Une pour me placer. Deux pour viser. Trois pour inspirer et réajuster. Quatre pour appuyer sur la détente. Cinq pour expirer et tirer en même temps. La balle se fige à quelques centimètres du cœur. Je me sens super fière, la trajectoire était quasiment parfaite. Au final, je vais peut être devenir une tueuse hors pair haha.
Au final, c'est Roan et un autre garçon, Henri, qui s'en sortent le mieux. Ils arrivent tout les deux à atteindre le cœur et lorsqu'ils se font applaudir à la fin ils se mettent tout les deux à rougir.
-"Trop mignon !" me souffle Théa, les yeux fixés sur Roan.
Leur minuscule idylle me fait trop rire. Ils ne sont pas encore officiellement ensemble mais tout le campus en fait déjà des gorges chaudes.

Le soir au dîner, je me suis beaucoup calmée. Je ressens encore de la rage mais Mathilde et Théa me font tellement rire que je laisse tout ça de côté et j'en profite pour me joindre à leurs délires. Je ressens juste un peu de tristesse lorsqu'ils partent tous au foyer parce que je préfère décliner leur invitation et rentrer directement me reposer pour être en forme demain matin, à 6h30, pour effectuer ma punition.

Le lendemain matin. 22/01/18 7h30 stade du campus.

Je cours depuis près d'une demi-heure. Le réveil a été super difficile. L'autre crétin d'instructeur est venu vérifier que je faisais bien ma punition et j'ai même eu le déplaisir de voir un petit sourire satisfait s'afficher sur son visage. Je le déteste. Soudain j'entends des pas derrière moi. Je me retourne et qui vois-je ? Charlie, en train de commencer à trottiner pour me rejoindre, tout frais alors que je suis déjà rouge comme une tomate.
-"Mais qu'est ce que tu fous ici ? C'est l'heure du lever normalement !"
-"Je suis venu te soutenir. C'est quand même plus sympa nan ?"
-"Ouais, si tu veux."
On continue pendant quelques instants en silence, car je peine à reprendre mon souffle. Il enchaîne.
-"Tu sais Maé... j'ai bien vu la rage que t'avais dans tes yeux hier. Je sais bien que t'aimes pas cet endroit, ou du moins ce qu'ils nous apprennent. Tu ferais n'importe quoi pour descridibiliser l'instructeur maintenant non ?"
-"Heu ça dépend. Qu'est ce que tu veux dire par là ?"
-"Tout ce que l'on fait ici...c'est juste des conneries. On sait très bien toi et moi que tout ceci n'est que du bourrage de crâne. On pourrait leur expliquer, à tous. Faire une minuscule révolution en montrant combien l'ensemble est stupide et à quel point ils perdent leur temps ici. À nous deux, avec nos discours, ils nous écouteraient et on pourrait mettre le campus sans dessus dessous en un rien de temps ! Qu'est ce que tu en dis ?"
-"C'est vraiment n'importe quoi. En fait je ne vois pas l'intérêt d'aller aussi loin. Mettre un peu le bazar... passe encore. Mais là... hors de question. On n'y ici que depuis à peine une semaine ! Et puis j'ai déjà eu assez de problèmes comme ça."
Charlie s'arrête brusquement de courir. Ses yeux noirs lancent des éclairs.
-"Je ne te pensais pas comme ça. Avec tout ce que tu disais je croyais que tu étais vraiment anti-système. En fait ce n'était que des paroles en l'air. T'es juste hypocrite et très lâche."
Et après m'avoir dit toutes ses gentillesses, il tourne le dos et s'en va. Très bien. Parfait. Que monsieur aille bouder et faire sa révolution tout seul, moi j'ai des tours de stades à terminer.

Le service militaire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant