Sortie et délivrance

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20/02/18

Il est près de trois heures du matin lorsque j'entends de violents coups sur les murs de notre habitation. Je me jette hors de mon lit, enfile des baskets et arrive dans le couloir. Gaia et Charlie, les mines sombres, sont déjà sortis de leurs chambres.

-"Restez ici !" crie Gaia "je vais partir en éclaireur"

-"Attends nous, on t'accompagne" souffle Charlie.

-"Hors de question que vous veniez, le plus important est qu'il reste des témoins, au cas où il m'arrive malheur. On ne sait jamais, les personnes qui essaient d'entrer ne nous veulent peut être pas du bien. Elles ont peut être pour mission de nous tuer afin d'éviter notre témoignage. Alors si vous sentez que la situation dérape fuyez, et ne m'attendez pas !"

Et tout en disant cela elle sort un revolver et l'arme. Je reste bouche bée. Depuis quand a t'elle une arme ? Sait elle au moins s'en servir ? Mais avant que je puisse dire quoi que ce soit, Gaia est déjà partie en courant vers les bruits qui frappent les murs.
Charlie me jette un regard appuyé et m'entraîne vers sa chambre. Là il nous pousse à l'intérieur, ferme la porte et pousse une commode.

-"Ça ne suffira pas à les retenir longtemps..." souffle t'il.

-"Je ne suis vraiment pas sure qu'ils nous veuillent du mal. Si c'était le cas ils ne feraient pas autant de bruit. Ils auraient adopté un mode plus discret pour entrer et nous flanquer une balle dans la nuque pendant notre sommeil."

-"On est jamais certains Maé. Mieux vaut être prudents."

-"On fait quoi si Gaia ne revient pas ?"

-"On se battra. On a aucune chance mais on se battra quand même."

Son plan me va, de toute façon il n'y en a pas d'autres non ?

Une heure passe, puis deux... Soudain nous entendons une voix derrière la porte.

-"Les gars, c'est moi, Gaia ! Vous pouvez sortir, il n'y a plus rien à craindre, on est sauvé !"

Pas de doutes, il s'agit bien de la voix de Gaia. Mais si c'était un piège ? Si quelqu'un, à l'extérieur, la forçait à dire tout ça ?

-"Tu es sure qu'actuellement personne ne te pointe un pistolet sur la tempe ?" ne puis je m'empêcher de crier à travers le mur qui nous sépare.

-"Ce que tu es bête Maé ! J'ai tout vérifié, ça a pris près d'une heure avant que j'accepte de baisser l'arme que je pointais sur eux. Et j'aurais préféré me tuer plutôt que vous dire de sortir alors qu'il y a un quelconque danger."

Elle semble normale et... rassurée. Ça se sent par le son de sa voix. J'ai envie de lui faire confiance, de sortir, de voir. Je regarde Charlie. Depuis le début il n'a rien dit, il semble hésitant.

-"Allez, je murmure "on essai"
-"Ce sera peut être le dernier essai de notre vie. Mais ok, je te suis."

Je souris et lentement nous poussons la commode. Charlie ouvre la porte brutalement et le spectacle qui nous attend me laisse complètement bouche bée.

Gaia est en face de nous, un sourire moqueur (comme d'habitude) sur les lèvres. Tout autour d'elle, six policiers habillés avec des gilets pare-balles. Et dans tout l'appartement, d'autres s'activent, fouillent et ramassent. Ma tête tourne, je n'arrive pas à y croire.

-"Êtes vous armés ?" Lance l'un des policiers, celui qui semble être le chef.

-"Non"

-"Bien. Je suis le lieutenant Stone. Veuillez décliner votre identité."

-"Je suis Maé Ostras et voici Charlie Lestr."

-"Vous êtes bien ceux que nous cherchons. Nous sommes ici pour vous sauver. Suite aux différentes disparitions d'enfants, une dizaine environ, qui ne sont pas revenus de leur service militaire, le gouvernement a été obligé d'avouer son impuissance. Depuis le 15 février, vous êtes recherchés activement et vos cas ont suscité un boulversement médiatique important. Les recherches se sont amplifiées et les soutiens se sont multipliés, on vous appelle les "jeunes traqués". Le gouvernent a été montré du doigt et désigné comme responsable, surtout depuis que le scandale à propos du camp des anti systèmes a été révélé, il y a six jours. L'Australie et les États Unis, pays vous ayant extradés, ont accepté de nous donner vos positions à condition qu'un procès contre l'état français et les responsables du camp des anti-systèmes s'ouvre dans le plus bref délai. Nous allons donc vous escorter hors d'ici. Il vous faudra donner votre rapport et accepter les différends tests et soins médicaux. Ensuite, et seulement ensuite, vous pourrez revoir vos famille."

Cela fait beaucoup d'informations mais je pousse quand même un gros soupir de soulagement. Enfin sortis du cauchemar. Je sens Gaia qui s'effondre en larmes à côté de moi.  J'oublie souvent que cela fait plusieurs mois qu'elle est enfermée ici alors que pour nous cela n'a été l'affaire que de quelques semaines. Lentement j'aperçois l'un des policiers qui s'approche d'elle et lui injecte un produit sous la peau à l'aide d'une seringue.

-"Attendez !"
Le lieutenant Stone me retient.
-"Elle en a besoin. C'est juste pour la tranquilliser, elle n'a pas mal."
Je me dégage rapidement, l'air furibond. Déjà le regard de Gaia se fait flou, puis elle s'endort dans les bras du policier responsable de sa piqure.

Nous remontons et quittons le bunker...À l'extérieur une dizaine de camions, aussi bien ceux des pompiers que des policiers mais aussi des voitures avec des journalistes, qui tentent à tout prix de nous photographier.

-"Ça t'a déjà tentée de devenir célèbre princesse ? Car là je crois que c'est le cas." me souffle Charlie.

-"Au secours. Une nuée de moustiques qui ne réclament que du scandale..."

Le personnel médical se précipite sur nous et nous emmène dans les camions afin de vérifier si notre état de santé est correct. Puisqu'aucun de nous n'a besoin d'aller à l'hôpital, les policiers nous emmènent un peu à l'écart pour nous interroger. Nous racontons tout. Notre rencontre, Nicolas et les coups qu'il a reçus, le test psychologique, l'évacuation, l'horreur du camp des anti-systèmes, l'espionne australienne et enfin le bunker. Les enquêteurs nous interrompes parfois pour avoir quelques précisions et je sais que notre conversation est enregistrée et prise en note. En tant que témoins potentiellement gênants, j'avais peur qu'ils cherchent à nous coincer à tout prix sur des détails, mais cela ne semble pas être le cas.
Ils se contentent juste de nous remercier et nous laissent nous éloigner quelques instants, avec deux policiers armés en guise d'escorte. J'en profite pour attraper la main de Charlie. Il ne dit rien mais ses yeux murmure "je t'aime". Et ça me suffit. Durant notre petite promenade au milieu de ce raffut, beaucoup viennent nous voir, proposant soin psychologique, boissons, ou explications. Nos gardes du corps les tiennent à distance.

Soudain je reconnais une voiture qui ne m'est pas inconnue. Je lâche la main de Charlie et me mets à courir. La voiture freine brutalement et, comme dans un rêve, ma mère, Gas, Joshua et ma meilleure amie Sally en sortent. J'ai l'impression de mourir de bonheur. J'avais si peur... j'ai eu si peur de ne jamais les revoir ! Je me jette dans leurs bras et je sens ma mère éclater en sanglots. À ce moment là j'en ai véritablement conscience. La fin d'une histoire a sonné. Mais une autre page s'ouvre. Celle qui parle de vengeance, de douleur et d'un procès que je suis, moi, Maé Ostras, victime et témoin, bien décidée à gagner.

Le service militaire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant