Chapitre 8.3: Vieilles blessures

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Combien de temps restai-je dans ses bras ? Une minute ? Cinq ? Vingt ? Peu importait. Je laissai libre court à mon chagrin dans ses bras alors qu'elle me berçait. Elle avait de l'expérience. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait à faire face à mes crises d'angoisse. Ça ne la déstabilisait plus comme les premières fois maintenant. Elle savait y faire. Elle avait toujours un sac en papier au cas où dans son sac, même si je ne savais pas par quel miracle elle avait pu deviner que je viendrais ici.

Une fois calmée, je reniflai bruyamment en me redressant.

- Je...

- Non mais ça va pas ? hurla-t-elle avant que je ne puisse continuer. Qu'est-ce qui t'a pris de faire ça alors que tu sais pertinemment que ça finira comme ça ? Tu es folle ?

- Je... désolée...

- Tu fais bien d'être désolée ! Encore heureux ! Ecoute, June, reprit-elle plus calmement, je sais que tu ne t'es jamais remise de la mort de ton père. Mais mets-toi définitivement dans le crâne que ce n'était pas de ta faute. Ta voix t'appartient, il ne l'a jamais prise avec lui.

J'émis un petit rire triste en essuyant complètement mes yeux. Je secouai la tête. Combien de fois me l'avait-elle répété ces trois dernières années ?

- Je sais tout ça. Je ne suis pas idiote. Ce n'est pas de ma faute s'il est mort en venant me chercher en voiture. Je n'ai plus quatorze ans. Mais j'y arrive pas. Chaque fois que j'essaye de le faire, c'est comme si tout mon corps se faisait engloutir par de l'eau et j'étouffe.

- Mais ça n'excuse pas le fait que tu as été inconsciente. Que se serait-il passé si je n'étais pas arrivée ?

Je préférais ne pas me poser la question. Elle avait toujours été près de moi dans ces moments-là. Quand Dan ou Mickey n'était pas là, elle était toujours dans le coin et me sauvait à chaque fois.

- Tu es ma super héroïne, lui assurai-je en lui prenant la main. Les héros n'abandonnent jamais les gens, non ? Et je me demande bien comment tu as fait pour savoir que j'étais ici.

- Je t'en donnerai moi de l'héroïne. Je t'ai suivie. Hop-op-op ! Je n'ai pas eu le choix, tu te comportais trop bizarrement ces derniers temps. Alors quand tu t'es éclipsée de la classe, je t'ai suivie. Je t'ai un peu perdue de vue à la sortie mais avec un peu de jugeote, j'ai fini par deviner que tu serais là et encore heureux ! Mais plus sérieusement, pourquoi t'as fait ça ? Qu'est-ce qui se passe ? Et tu n'as pas intérêt à me raconter des salades !

Je poussai un profond soupir. Décidément, c'était bien la seule à qui je ne pouvais rien cacher.

- Je ne suis pas sûre que tu me croies...

- Essaie toujours, je suis la seule à pouvoir en juger.

Je lui racontai tout ce qui s'était passé au cours des dernières semaines. La lettre, Les Darring, la maladie de Jamie, tout y est passé. Les mots se déversaient en un déluge incessant et je m'étonnai qu'Ann réussisse à comprendre un traitre mot de ce que je lui disais. A la fin de mon récit, Ann avait les yeux ronds comme des soucoupes et la bouche ouverte.

- Euh, Ann ?

Elle me donna une chiquenaude sur le front.

- Aï-euh !

- J'en reviens pas que tu m'aies caché ça pendant aussi longtemps ! Tu aurais au moins pu m'en parler, non mais !

- C'est que... c'était tellement... irréel. Je ne savais même pas par où commencer.

Je me sentais à la fois coupable de ne pas lui avoir dit la vérité sur ce qui m'arrivait plus tôt et soulagée d'avoir enfin tout déballé.

- Je comprends maintenant pourquoi tu étais si distante ces derniers temps. Pas étonnant avec tout ce qui se passait. Mais qu'est-ce que tu comptes faire à présent ?

Une famille entière voulait me trucider ou accrocher mon corps en haut d'un arbre et me taper dessus mais à part ça, tout baignait dans l'huile.

- Je ne sais pas... répondis-je d'une voix incertaine.

- Ce n'est que mon point de vu, mais je trouve que c'est un peu louche. Il y a trop de zones d'ombre à commencer par le fait qu'ils aient emménagé juste à côté de chez toi. Ça ne peut pas être le simple fruit du hasard, je suis désolée. Et la lettre ? S'il t'a vraiment oubliée, d'où provient-elle ? Et pourquoi ne t'ont-ils pas contacté tout de suite quand c'est arrivé ?

Maintenant qu'elle soulevait toutes ces questions, c'était bizarre, en effet. La lettre, leur déménagement et le fait que ce n'est que dix ans plus tard que j'en ai entendu parler. C'était assez suspect en réalité.

Soudain, un grand bruit en provenance d'une rangée de siège retentit. Ann et moi bondirent sur nos pieds en scrutant la salle, mi apeurées, mi curieuses. Personne n'était entré après Ann, alors ça ne pouvait être que quelqu'un ou quelque chose qui était déjà là lorsque je suis arrivée.

- Qui est là ? cria Ann.

Sa voix résonna dans toute la salle. Impossible de ne pas l'avoir entendue.

- On sait qu'il y a quelqu'un !

- La ferme ! répliqua une voix familière.

Lentement et assez péniblement, une main se posa sur l'un des sièges de la colonne de droite. Une épaisse chevelure noire ébouriffée apparut, suivie d'un sweat à capuche de la même couleur. De toutes les personnes susceptibles de se trouver ici, pourquoi avait-il fallu que ce soit lui ? Du coup, je songeai au fait qu'il avait sûrement entendu toute notre conversation et avait assisté à ma crise de panique. Il devait sûrement bien rire intérieurement.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda Ann en passant devant moi.

Chase n'avait pas bougé de sa place, cette fois confortablement installé sur un siège.

- Quoi ? Cet endroit est ouvert à tout le monde, non ? Si tu veux tout savoir, je dormais.

- Ici ? Après les cours ? T'as pas un truc qu'on appelle « lit » dans un endroit qu'on appelle « maison » ? Ça ne te suffit pas de suivre June jusque chez elle, dans sa classe, il faut maintenant que tu la suives comme ton ombre ? C'est à se demander si toute cette histoire d'amnésie là, c'est pas du flan.

- Je ne te permets pas ! répliqua-t-il en se levant de sa chaise.

- Non mais qu...

- Ann, laisse ! intervins-je en la prenant par l'épaule, le regard braqué vers Chase.

J'avais quelque chose à lui dire, quelque chose que j'aurais dû dire deux jours plus tôt. J'attrapai mon sac, descendis de la scène suivie de près par Ann et remontai les escaliers jusqu'à lui. Arrivée à sa hauteur, je m'arrêtai.

Un sourire mauvais étirait ses lèvres.

- Rassure-toi, je n'ai aucune envie de savoir ce qui t'es arrivé. D'ailleurs, j'ai déjà oublié tout ce que j'ai entendu. Je ne m'apitoierai jamais sur ton sort, tu le mérites.

S'il s'imaginait que ses paroles allaient m'affecter, il se trompait lourdement.

- Je le ferai.

Son sourire faiblit sans toutefois disparaître.

- De quoi tu parles ?

- De quelque chose que vous n'avez pas su faire en dix ans...

Ses sourcils se froncèrent, ses yeux se durcirent. Bien.

- Le guérir.

Sans demander mon reste, je pris la direction de la sortie, Ann sur mes talons...

A suivre...

@Tous Droits Réservés

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Teaser du prochain chapitre: Junya a déclaré la guerre à Chase. Sa mission: rendre les souvenirs de Jamie et le guérir définitivement de ses maux. Mais la route risque d'être longue, et difficile...

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A bientôt😉

Souvenirs, Souvenirs - T.1 : La Promesse [Derniers Chapitres Dépubliés]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant