Installées sur une des petites tables du Blossom, Ann et moi buvions en silence nos infusions. La particularité de cet endroit c'est qu'il avait un thème floral et tout ce qu'il servait, ou du moins la plupart, avait comme base une fleur. J'adorais cet endroit même si mes poches ne me permettaient d'y venir que dans de rares cas. Là, c'était une mesure d'urgence, il me fallait une glace aux bonbons violette.
En face de moi, Ann me jetait des coups d'œil à la dérobée. Je poussai un gros soupir qui signifiait littéralement : « Qu'est-ce que tu veux me dire ? », soupir, soit qu'elle ne comprit pas, soit qu'elle ignora superbement. Je décidai de jouer carte sur table. Mais au moment où je m'apprêtai à parler, elle reposa sa tasse qu'elle n'avait pas lâchée depuis un moment.
- Tu es sérieuse ?
- De quoi tu parles ?
- Tu sais très bien de quoi je veux parler, June.
Je sais, après une telle déclaration de la mort qui tue, j'aurais dû être prête à traverser les chutes du Niagara à la nage et à contre-courant s'il le fallait mais rien que le ton d'Ann suffit à ce que je me mette à table. Ses yeux de miel me fixaient. Elle attendait une réponse.
- Je ne plaisantais pas.
- Comment est-ce que tu comptes t'y prendre pour guérir une personne souffrant de troubles mentaux depuis une décennie ? me demanda-t-elle l'air de dire : « June, tu es cinglée ma chérie ! ». June, tu es folle, c'est clair !
Bingo !
- C'est vrai, admis-je, je ne sais pas comment procéder, ni même s'il est possible que ça change quelque chose...
-... et surtout si toute cette histoire n'est pas juste un tissu de mensonge !
- Tu aurais dû les voir, Ann. C'est impossible de jouer la comédie à ce point. C'est vrai qu'il y a des zones d'ombre mais quoi qu'il en soit, j'ai la sensation que si quelque chose peut changer, il n'y a que moi qui soit capable de le faire.
- J'espère que ce n'est pas juste ton sentiment de culpabilité qui te guide.
- Bien sûr que je culpabilise ! Mais ce n'est pas tout ! Quelque chose me dit qu'il faut résoudre le problème à la source...
- Autrement dit...
- Oui. Moi.
***
Le trajet du retour à la maison me permit de réfléchir un peu. Il faisait froid dehors. L'automne était bel et bien là à présent, colorant les arbres d'une magnifique couleur de feu. Pourtant, le soleil luttait, essayant tant bien que mal de nous réchauffer malgré l'intervention obstinée de gros nuages gris souris. Je resserrai un peu plus l'écharpe que je portais autour du cou, les yeux rivés vers le ciel. J'inspirai la brise automnale à plein poumon et expirai. Je l'avais déjà dit, maintenant, il ne me restait plus qu'à agir.
Arrivée devant le portillon de la maison, je vis Peggy sortir de celui d'à côté. Elle sortait les poubelles. Au moment de rentrer chez elle, elle jeta un coup d'œil dans ma direction et me toisa sans retenue. Je soupirai avant de faire de même.
***
Samedi matin, je fus réveillée par le déluge qui se déversait à l'extérieur. Malgré le fait que je dormis beaucoup mieux après avoir tout avoué à Ann, il était encore très tôt. En m'approchant de la fenêtre, je ne vis qu'un amas de nuages gris foncé, presque noirs dans le ciel et des litres d'eau sur la terre. Rien que ça me filait le cafard.
Trois coups discrets résonnèrent sur la porte de ma chambre. Tout de suite après, la porte s'entrouvrit tout doucement et ma mère passa son visage en travers.

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Souvenirs, Souvenirs - T.1 : La Promesse [Derniers Chapitres Dépubliés]
Ficção AdolescenteAlors qu'elle aurait normalement dû se préoccuper de sa rentrée en dernière année de lycée, Junya est à mille lieux de là. Une lettre était venue semer le trouble dans son esprit et avec elle, un nom : Jamie Darring. C'était celui d'une personne qu...