Chapitre 6, ou la forteresse des Estres

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De l'autre côté de la porte, il faisait une nuit d'encre, on n'y voyait presque rien.

-OK, ai-je marmonné, ce serait peut-être mieux avec un peu de lumière.

-Il y a sûrement un interrupteur, avança Millard, optimiste.

Je me suis retournée vers lui ; il était juste derrière moi, et fixait la pièce en face de lui comme pour essayer de percer les ténèbres.

-Tu ne devrais pas retirer tes vêtements ? lui ai-je demandé. Comme ça, vu que tu seras invisible, si je me fais prendre, toi, tu ne te feras pas avoir, et...

-Pas question ! me coupa t-il fermement. Primo, ils savent qu'on est ensemble à cause des Estres qu'on a croisé dans la ville hier. Secundo, ce serait égoïste de me cacher pendant que toi tu te feras prendre ! Et puis...

-Ce ne serait pas égoïste, au contraire ! l'ai-je interrompu. Si on se fait attrapé tous les deux, qui nous délivrera ?

-Je sais ouvrir les portes avec mon aiguille, affirma t-il, mais comme elle reste dans mes vêtements, si je les laisse ici ça ne nous servira pas à grand chose...

-Je croyais que tu préférais rester invisible !

-C'est vrai. Mais bon, même avec mes vêtements, je peux être discret si j'en ai envie !

-Je te crois. Bon, dans ce cas, j'imagine qu'on devrait avancer plutôt que de débattre sur un sujet que j'ai perdu d'avance !

Millard eut un petit rire amusé, avant de me dépasser pour entrer dans la forteresse des Estres. Je le suivis, refermant la porte derrière moi. Il faisait encore plus sombre sans la pâle lumière du jour, et on n'y voyait strictement rien. 

-Je n'y vois rien, me suis-je plain.

Au même instant, une ampoule s'alluma au plafond, illuminant toute la pièce. Je pus ainsi voir Millard, à ma droite, la main sur un interrupteur.

-Il dit : que la lumière soit, et la lumière fut ! se moqua t-il.

-Ah ah ah, très marrant, ai-je grommelé tout en observant la pièce autour de moi.

C'était une sorte de réserve à vêtements. Ils étaient tous étiquetés, rangés en fonction de leurs couleurs, de leurs tailles, de leurs valeurs ou encore de leur ancienneté. 

-C'est quoi cet endroit ? ai-je soufflé.

Je n'attendais pas de réponse, mais Millard m'en a quand même fournit une.

-Aucune idée. Jacob et Emma nous en avaient parlé, je crois. Ils l'ont dépassé quand ils sont venus ici pour nous sauver. Si les Estres n'ont pas changé les plans de leur construction, on devrait être sur la bonne voie.

-C'est bien joli tout ça, mais on ne va pas pouvoir aller très loin comme ça. Je te rappelle qu'Ikarios n'est plus avec nous, et...

Je fus coupée net dans mon élan par un léger grognement, et le chien blanc jaillit de sous une rangée de blouses blanches classées par longueur. Ikarios remua la queue, et secoua la tête d'un air impatient, comme pour dire : "Alors, vous venez ?". Ensuite, il tourna les talons et fila par une porte ouverte à l'autre bout de la pièce. Je ne me suis pas posé de question : je me suis élancée à sa suite, sans vérifier si Millard me suivait. Je me suis retrouvée dans un long couloir, avec des rangées et des rangées de portes. Vu que le sol montait en pente douce, j'ai deviné que nous étions dans une sorte de tour. Mais bon, on ne voulait pas monter, mais descendre, au contraire.

-Je me rappelle qu'Emma nous avait parlé d'une espèce de cour qui menait vers un autre bâtiment, chuchota Millard, qui m'avait rejoint. On devrait commencer par la chercher. Elle ne doit pas être bien loin.

L'Arpent du Diable, tome 2 de Le monde des particuliersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant