Nous terminons notre repas comme si de rien n'était et je paye l'addition, en bon gentleman que je suis. Nous sortons du restaurant et décidons d'aller à Calgary, plus précisément au parc où je m'étais perdu dans mes réflexions la fois passée.
Nous nous installons sur un banc près d'un arbre nous protégeant du soleil grâce à ses feuilles abondantes. Deux filles sont assises un peu plus loin et discutent. Nous jouons à les épier puis à continuer leur discussion. Nous en arrivons finalement à une fin improbable où une des filles a vendu son rein pour se faire de l'argent, alors que son amie aurait pu la loger dans une de ces 402 villas aux quatre coins du monde.
- Carmen ?
Je viens de me faire une réflexion dans ma tête et je dois absolument lui en faire part.
- Oui ?
- T'es déjà allée à une fête ? demandé-je, curieux.
Je ne sais pas pourquoi je me pose cette question. Ces temps-ci, j'avais envie de liberté, de faire la fête, mais comment faire la fête si on est invités nulle part ? C'est un problème.
- Euh, oui... hésita-t-elle.
- Et tu y es allée ? dis-je, intéressé.
- Oui... mais ce n'est pas aussi bien qu'on le dit. L'alcool affluait un peu trop à mon goût. La musique était forte, ça me donnait mal à la tête. J'y étais allée quand j'étais chez mes cousins, ils avaient insisté pour que je vienne...
Je suis sûr qu'elle ne dit ça que pour ne pas me rendre jaloux, parce que moi je n'y suis jamais allé. Je ne l'aurais pas été de toute façon. Je n'ajoute rien et glisse mes mais dans mes poches.
- Tu veux aller au cinéma ? dit-elle précipitamment, comme pour se faire pardonner.
J'accepte sans réfléchir, et c'est ainsi qu'une fois de plus nous roulons à un coin totalement opposé de là où nous sommes. Arrivés devant le cinéma, nous regardons les affiches gigantesques plaquées partout à l'entrée. Un film d'action, un film d'amour, un film de science-fiction... mouais. Nous optons finalement pour un film comique.
Carmen paye nos deux places, bien que je sois gêné qu'elle le fasse. Elle aussi est un vrai gentlemen.
On s'installe dans le fond, le plus haut possible. L'écran géant diffuse des pubs et nous nous goinfrons de popcorns. Les lumières s'éteignent subitement et le film commence avec un niveau bas et inquiétant de nourriture.***
Nous sortons deux heures plus tard, après avoir bien rigoler. Avec Carmen, nous lui accordons la note de huit sur dix. Je la raccompagne jusque chez elle, on se dit à lundi.
Je fais la route jusqu'à chez moi mais quelque chose attire mon attention : quelqu'un marche sur le trottoir d'une démarche qui ne m'est pas inconnue...Milo. C'est lui qui marche là, sans m'avoir vu. Je ralentis et il m'aperçoit enfin, m'affichant un de ces sourires charmeur.
- Tiens, salut ! crie-t-il en me faisant des gestes.
Je souris et ralentis, passant sur le trottoir. Je descends de mon vélo et me place face à lui. Mon cœur recommence à s'emballer sans raison.
- Salut, plutôt étonnant de te voir dans le coin, dis-je.
Les mots ne me manquent pas cette fois. J'ai encore notre discussion de la semaine dernière en tête. Je remarque d'ailleurs qu'il porte un t-shirt orange.
- Tu habites dans le coin ? J'étais quelques maisons plus loin, c'est là que vit mon grand-père. Il aime bien que je lui rende visite.
Cette remarque me fit sourire. Quelle attention, c'est mignon.
- Mon amie habite là-bas (je désigne la rue derrière nous) et moi ici (celle de devant).
Il hoche lentement la tête.
- Moi j'habite en centre-ville, dans un appart.
- Et comment tu vas rentrer ..? me demandé-je alors.
- D'habitude je prends le bus... mais j'aime bien rentrer à pied aussi, dit-il en haussant les épaules.
- Tu vas marcher jusqu'à la ville ?
Il hocha la tête, ne voyant pas le problème. Pourtant moi j'en vois bien un.
- Mais, il fait presque nuit et il te reste de la marche à faire !
- Tu vas m'inviter chez toi alors ? dit-il d'un air rieur.
Le rouge me monte aux joues et je me mets à sourire. Cette idée ne me déplait pas, mais on ne s'est parlés que très peu de fois. Alors pourquoi j'ai très envie d'accepter ?
- Tu en aurais envie ? dis-je en me prenant au jeu.
- Seulement si tu me l'autorises !
Après tout... Pourquoi pas ? Il prendrait le dîner avec nous et je demanderais à mon père ou à ma mère de le ramener chez lui ensuite. Ça semble plutôt bancal et étrange, mais j'accepte.
Et c'est ainsi que nous nous mettons à marcher jusqu'à chez moi, nous qui ne nous étions jamais adressés la parole encore une semaine auparavant. Cette pensée trotte dans mon esprit, mais qu'importe. Je m'étais lancé dans quelque chose, ça c'est sûr.
- J'ai hâte de voir à quoi peut ressembler la maison d'un fan de mythologie grecque !
- Si tu t'attends à entrer dans un musée, sors-toi vite cette idée de la tête ! La déco, c'est le plaisir de ma mère.
Il sourit alors, mais pas avec ses dents apparentes comme d'habitude. Un sourire plus fermé, confident. Je vis alors deux fossettes se creuser au coin de ses joues.
Mon regard ne se détourne pas de lui jusqu'à ce que nous arrivons à la maison. Je mets mon vélo dans le garage et m'amuse à le regarder plisser les yeux en observant les fenêtres.Avant d'entrer, il envoie un texto à ses parents leur disant où il est et à quelle heure il rentrera. Nous nous fixons une heure maximale de 22h00. Ça nous laisse du temps.
J'ouvre la porte à l'aide de mes clefs. Ma mère, nous entendant, arrive dans l'entrée. Elle est plutôt décontenancée en voyant Milo.
- Bonjour madame... madame. Je suis un ami d'Ulysse. Excusez-moi de cette intrusion, votre fils m'a invité.
Ma mère, assimilant les informations un peu en décalé, hocha la tête et serra la main de Milo.
- Enchanté... dit-elle. Tu ne nous dérange pas, c'est juste plutôt étrange que personne ne nous ai prévenu !
Je pince les lèvres. Elle n'a pas l'air en colère, mais plutôt prise au dépourvu. Mon père et ma sœur, alertés par cette voix nouvelle, arrivent à leur tour.
- Tiens... on se connaît ? dit mon père.
Milo secoue la tête et se présente à nouveau puis s'adresse directement à ma sœur :
- Toi tu dois être Calypso, j'aime beaucoup ton prénom, dit-il en embrassant sa main comme dans les films romantiques.
Il lui fait son sourire que j'aime maintenant qualifier de charmeur, Calypso ricane en mettant une main devant sa bouche, elle qui pourtant a aussi un très joli sourire.
Mes parents semblent conquis par cet étrange personnage, et après un petit questionnaire auquel il a répondu tout naturellement, je commence à lui faire visiter la maison.
Il semble boire mes paroles, m'écoutant attentivement, observant avec minutie les différents pièces de la maison. Cette attention soudaine me fait bafouiller et rougir.
- Ta famille est vraiment charmante, finit-il par dire.
Nous arrivons dans ma chambre. Je me laisse tomber sur mon lit et le regarde. Entrer dans ma chambre, c'est comme violer mon intimité. Ma chambre contient tout ce que j'aime, et même peut-être des secrets. Donc, laisser entrer un presque inconnu me brusque un peu...
Il finit par s'assoir à côté de moi, ce qui me fait frissonner. Il est tout près, et me toise de ses yeux envoûtants.- C'est exactement comme ça que j'imaginais la chambre d'Ulysse le littéraire, me lança-t-il.
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Sans regrets
Fiksi RemajaUlysse, 16 ans, se cherche encore. Il semble en découvrir sur lui un peu plus chaque jour. Il tente des choses, quitte à faire des erreurs. C'est ce qu'on appelle la merveilleuse et inévitable période de l'adolescence.