Étoile phosphorescente

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- J'ai acheté de la peinture, dit la voix de Milo à l'autre bout du fil.

Nous avons seulement eu cette idée hier, et il a déjà prit les choses en main ? Plutôt impressionnant. Je ne pensais pas qu'on allait réellement le faire...

- Je dois venir, c'est ça ?

- Yep, tu sauras retrouver le chemin ? demande-t-il.

- T'inquiètes.

Je raccroche et me prépare rapidement. J'enfile un vieux t-shirt qui date du collège. Je n'ai pas vraiment envie d'abîmer mes pièces préférées avec de la peinture.

Je dévale les escaliers et laisse un de mes fameux post-it sur le frigo avant de sortir, un gilet à capuche sur les épaules.

Le temps semble plutôt stable aujourd'hui. Soleil radieux, quelques nuages blancs sur un fond bleu profond. Je me saisi de mon vélo et me met en route vers la ville, à une allure de course.

Petit Ulysse ne roule pas à mes côtés, aujourd'hui. Est-il au moins toujours là ? Est-ce que l'enfant que j'étais règne toujours quelque part, au fond de moi-même ? Je ne sais pas. Les choses ont changé depuis que Milo est entré dans ma vie.
Il rend mes journées incroyables et mes nuits pleines de rêves fous.

Lorsque j'arrive en ville, les sons de moteurs m'emplissent le crâne et me donnent déjà la migraine. L'air est moins pur par ici, les pots d'échappement laissent place à l'odeur de la pluie ou de l'herbe fraîchement tondue.

J'arrive dans sa rue et laisse mon vélo accroché à un poteau avec mon cadenas. Je monte les marches et sonne à sa porte.
Je le découvre, tout souriant. Lui aussi s'est déniché un t-shirt usé, troué. Il m'invite à entrer.

- Tu as petit-déjeuné j'espère ? me demande-t-il, sourcils haussés.

- Mh, non...

- Alors interdiction de travailler avant que tu aies mangé quelque chose !

Il me prend par les épaules et me force à m'asseoir à la table de la cuisine. Je n'ai même pas le temps de protester qu'il me sort toutes sortes de pain, confiture, céréales et autres boissons. Il s'assoit en face de moi. Il se tartine une biscotte avec du beurre. J'hésite et me sert un bol de céréales.

Il m'explique que ces parents sont partis très tôt ce matin pour passer une journée entre eux. L'occasion parfaite, quoi. Je mange mes céréales, encore légèrement endormi, mais rassasié.

Nous allons finalement dans la chambre de Milo. Il a recouvert son lit et son bureau avec du papier journal. Une petite échelle est posée dans le coin de la pièce. Un gros pot de peinture et deux pinceaux se trouvent juste à côté de moi. Les roses sont toujours sur leur rebord.

Milo place l'échelle au centre de la pièce et la déplie.

- Tu préfères monter sur l'échelle ou le lit ? me demande-t-il.

Je réponds sur le lit sans hésiter. Nous ouvrons le pot de peinture. Moi qui m'attendais à du jaune, je suis plutôt déçu.

- C'est quoi cette couleur ? dis-je avec une petite grimace.

C'est une espèce de vert mélangé avec du blanc, mais pas un blanc éclatant, un blanc sale. En fait, on dirait un chewing-gum à la menthe mâché et recraché depuis des lustres.

- C'est du vert phosphorescent. Y'a écrit que ça brille dans le noir ! dit-il, visiblement fier de sa trouvaille.

Pas con, les étoiles elles brillent dans le noir. Vraiment pas con cet enfant. Je souris en voyant son air impatient et plonge mon pinceau dans cette mixture étrange. Je monte sur le lit et tend le bras vers le plafond. Je regarde d'abord comment Milo fait son étoile, pour ne pas me tromper totalement non plus. Cinq branches. Ça devrait aller.

Sans regretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant