Semaine normale. Non, rectification : semaine longue et ennuyante. Milo avait des examens -et très peu de temps à m'accorder- et Carmen était vachement lunatique, je crois qu'elle pense encore à Eddy. De plus, le soleil a refait surface dans notre beau ciel canadien. J'adore.
Le week-end arrive comme une délivrance des chaînes de l'éducation. Quel soulagement de s'éloigner du monde du savoir. Et les vacances s'approchent de plus en plus. Enfin, je vais pouvoir passer du temps à faire mon activité favorite : rien. Le bonheur. Doigts de pieds en éventail avec un bon Ice Tea, à l'ombre d'un arbre. Ça, c'est des vraies vacances.
Mais pour l'instant, pas question de relâcher la pression. Je ne veux pas me retrouver avec une moyenne dégringolante. J'ai une réputation académique à conserver, tout de même.
Je suis dans ma chambre, en train de manger des fraises tagada sur mon lit lorsque mon téléphone vibre. Je l'allume, c'est Milo qui m'envoie un message.
Demain rdv chez Ray à 20h00, soirée films, jtm
J'hausse un sourcil.
Ce type, je l'ai vu une fois dans ma vie. Et voilà que je vais me retrouver à regarder des films en sa compagnie. En plus, les soirées films, c'est avec ma famille en temps normal. Comment leur expliquer la trahison déchirante ? "Je vais faire une soirée film... chez quelqu'un d'autre" c'est encore pire que d'annoncer qu'on a eu zéro en histoire. Bon, j'exagère un peu, sûrement.Et puis, il est cool ce Ray. Quand il est défoncé, en tout cas. Et le mérite peut lui revenir : c'est à sa soirée que tout a démarré ! Même si je crois qu'il n'en a pas conscience. Je me demande s'il est tout le temps défoncé.
- Maman ! crié-je, espérant qu'elle m'entende.
Pas de réponse. Je tente à nouveau ma chance.
- Quoi ? réplique ma mère, sur le même débit vocal.
J'ai peut-être un peu abusé.
- J'ai le droit d'aller chez... Milo demain à 20h00 ?
Elle ne répond pas. Elle me demande de répéter, ça commence à m'agacer. Je me lève et descends avec mon paquet de Tagada et lui explique encore.
- Oh, oui, pourquoi pas.
Heureusement que je n'ai pas fait l'erreur de dire "chez Ray". Elle m'aurait demandé qui il est, elle se serait souvenue que c'était l'hôte de la soirée, elle m'aurait dit que je le connais très peu et m'aurait traité d'irresponsable.
- Merci, dis-je sans plus de cérémonie.
Voilà. Encore une affaire réussie pour super agent secret Ulysse 31.
***
J'attache ma ceinture, assis du côté passager. Maman a tenu à m'emmener.
Elle passe la clef dans la fente et fait rugir le moteur. La radio se lance, sur une de ces stations qui diffuse des vieilles chansons. Maman et moi chantons l'air de Take On Me du groupe A-Ha. Les notes sont beaucoup trop aiguës pour nous, mais peu importe. On chante à s'en déchirer les cordes vocales. Lorsque le morceau est fini, on se regarde et on se met à rire. On pense surement à la même chose.
Lorsque j'étais petit, mes parents m'avaient filmé alors que je chantais cette chanson avec un petit jouet en micro. Maman dit que j'étais adorable, moi je me trouve un peu ridicule.
Elle s'arrête devant la soi-disante maison de Milo. Je suis vraiment en train de mentir sur un sujet aussi banal ?
- En fait, c'est pas la maison de Milo.
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Sans regrets
JugendliteraturUlysse, 16 ans, se cherche encore. Il semble en découvrir sur lui un peu plus chaque jour. Il tente des choses, quitte à faire des erreurs. C'est ce qu'on appelle la merveilleuse et inévitable période de l'adolescence.