Chapitre 3

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Sur le retour vers la maison je n'avais fait que pester au manque de délicatesse des Jiangshis, frappant du bout du pied dans chaque pierre que je trouvais. Or, regarder constamment le bout de mes orteils cachés dans mes vans ne m'avait pas aidé du tout et rapidement je m'étais retrouvé à beaucoup trop m'enfoncer dans la forêt. A l'aide de mon odorat j'avais tenté de me repérer, or la seule odeur que je pouvais capter était celle des pins qui suintaient de sève. J'avais alors continué à marcher, m'enfonçant peu à peu dans l'obscurité froide. Les arbres avaient des feuilles plus denses de ce côté, le soleil ne passant que très rarement entre les feuillages. J'avais d'ailleurs de plus en plus froid, sans oublier que l'inquiétude grimpait toujours plus rapidement au fil des pas dans la terre meuble et la mousse. Même les senteurs avaient changé dans ces alentours, et l'odeur de sève laissa place à celle de pourriture, de chair en décomposition.

J'avais voulu fuir cette odeur en détournant mon chemin, mais j'avais perdu tout sens de l'orientation et mes pas commencèrent à frapper plus fort le sol de la forêt. Je m'étais d'ailleurs rapidement retrouvé à courir à toute vitesse, sentant mes cheveux gris tomber dans mes yeux. J'avais chaud de partout, mon cœur battant la chamade tandis que mon souffle brûlait. L'effort était si intense que j'en avais senti un goût métallique dans ma gorge qui commença à remonter tout le long de mon œsophage. J'avais peur d'où j'allais bien pouvoir atterrir mais plus je courrais plus j'approchais d'une lueur. Celle-ci représentait en soit ma seule chance de survie tant j'avais la désagréable sensation d'être suivit.

Une fois arrivé à cette lueur, j'avais remarqué qu'elle représentait en fait la sortie de la forêt. Je m'étais immédiatement retrouvé au milieu d'un village aux allures post apocalyptiques, le sol rongé par des végétaux qui couraient entre les fissures du macadam. Les maisons étaient faites de rondins, comme des chalets, alors que tout était évidemment déserté. Tout sentait fortement le cerf, comme l'un de mes paternels, et j'avais même reconnu l'odeur de ma famille dans l'une des maisons. Elle était à l'entrée du village et j'avais eu le courage d'y entrer. Elle était vide, dévastée même, mais quelque chose attira tout de même mon attention. Le salon était vide de meubles de tableaux, de tout à vrai dire, mais du sol en lattes de chênes, s'échappaient des dizaines de mouches rondes et bleues. Elles bourdonnaient à mes oreilles, tournant dans la pièce tandis que plus que jamais j'avais senti l'odeur de la mort. Je n'avais jamais fait face à ce genre d'évènements mais voilà que mon nez s'affolait à l'odeur de sang et de pourriture.

J'avais envie de m'enfuir en courant, de suivre la rivière jusqu'à la cabane de mes parents, mais j'étais incapable de laisser tomber ce mystère. J'avais donc pour nourrir ma curiosité, pénétré plus loin dans le salon pour enfin trouver une trappe taillée dans le sol. J'avais alors ouvert la trappe et près d'un millier d'insectes volants s'en échappèrent en même temps qu'une bouffée d'air nauséabond m'avait sauté au nez. Je n'avais pu retenir mon haut-le-cœur, commençant à suffoquer face à l'odeur de pourriture dans la cave, mais ce fut encore pire lorsque mon regard paniqué s'aventura dans l'obscurité, découvrant avec horreur des corps amoncelés dans un coin. La chair était déjà verdie, les membres du corps se détachaient peu à peu, alors que des insectes passaient partout sur les peaux en décomposition.

C'en était trop pour moi alors j'avais en vitesse refermé la cave et j'avais couru hors de la maison. J'avais traversé l'allée principale, sautant par-dessus les plantes largement développées qui pointaient leurs ronces vers le ciel. D'ailleurs, dans la panique, je n'avais pas réussi à échapper à certaines épines qui se logèrent dans mon pantalon et mes chevilles, griffant, lacérant la peau dessous. Or, je n'avais pas les mêmes capacités que mes pères et ma régénération était plu lente, mon sang coulait abondamment et rapidement j'en devenais faible assez aisément. Je ne savais d'où je tirais cela tout en sachant que mes parents étaient deux hommes forts, qu'ils avaient des capacités hors norme, et moi je commençais déjà à pleurnicher car j'avais une épine directement plantée dans la cheville et que mes jambes commençaient à rougir. D'ailleurs, à bout d'un instant j'avais stoppé de fuir, m'appuyant contre une des mains pour regarder les plaies. Elles suintaient déjà de lymphe et il me fallait soigner tout cela. Or, je n'avais rien avec moi, pas même un sac où j'aurais pu mettre une petite bouteille d'eau. J'avais alors juste arraché le bas de mon t-shirt, enroulant le tissu autour des plaies après avoir retiré les épines évidemment. Or, j'avais mal aux pieds et je ne voulais plus marcher, je voulais juste que l'on me retrouve. Mais je savais que si je ne bougeais pas je n'allais pas pouvoir espérer être secouru, surtout dans un village abandonné. De plus, je saignais et pour les prédateurs une proie blessée était aisément repérable et surtout un bon plan pour se remplir l'estomac sans efforts. Il me fallut donc me remettre sur pieds et marcher sans arrêt, commençant à me sentir de plus en plus faible. Mon souffle était toujours court après la course et j'avais beau avancer, je ne trouvais toujours pas mon village.

My Real Nature [TOME II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant