Vous me sortez par les yeux

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Le lendemain matin, j'arrive en avance pour l'entretien. Ce n'est pas pour faire bonne figure ou quoi que ce soit. C'est simplement parce que je déteste être en retard.

Et s'il y a quelqu'un d'autre qui semble maniaque de l'heure, c'est bien Bastien le vaurien qui ouvre la grande porte cinq minutes en avance.

— Bonjour, lance-t-il d'un ton grave.

On dirait qu'il se lève juste avec sa chemise de bucheron, pourtant son visage et ses cheveux me prouvent le contraire.

Pas de porte tenue, pas de main m'invitant à entrer, pas de sourire accueillant. Rien. Le con est aussi froid qu'un iceberg. Mais ce n'est pas grave, ce n'est pas ça qui me déstabilisera. J'ai bien remarqué qu'il n'était jamais souriant en ma compagnie et il le sera encore moins lorsque je lui aurais planté un couteau dans le cœur d'ici quelque temps...

— Bon...

— Je vais commencer par regarder vos références, me coupe-t-il, peu désireux de m'entendre le saluer. Puis on fera un essai pour voir comment vous vous débrouillez en situation.

Impossible de lui répondre et de lui faire remarquer son manque de politesse car voir ma discothèque favorite vide est trop étrange. Sans sa musique, ses clients, ses projecteurs et tous ses autres artifices, elle est méconnaissable. La piste de danse ne ressemble à rien et les fauteuils rouges sur le côté font dépareillés avec le reste de la salle. C'est clair que lorsque les lumières sont tamisées, ça change tout.

— Bon je vais être clair [...] et puis [...] Donc euh mademoiselle... ?

C'est la main qu'il remue devant mon visage qui me fait réaliser que je n'ai pas écouté un piètre mot de ce que le con vient de dire.

— Votre nom. Vous ne me l'avez pas donné.

— Dumas.

— Très bien mademoiselle Dumas, souffle-t-il à première vue agacé, suivez-moi.

Dire que je l'imaginais simple employé la veille, voilà qu'il m'emmène dans son bureau. Le bureau du patron (enfin du service de restauration, si je peux l'appeler ainsi). Le dernier supérieur que j'ai eu en date était bien différent. Mais au final ils portent pratiquement le même surnom. Le connard pour un, le con pour l'autre. Et je devine sans mal que la fin sera similaire (non pas que je me sois envoyée en l'air avec Vilard, berk) puisque je compte planter le nouveau aussi.

Je m'assois sur la chaise (pas très élégante au passage) et lui tends mon CV ainsi que ma lettre de motivation. Puis j'attends quelques secondes qu'il décortique mes dossiers en tapant des ongles sur son meuble, question de lui montrer qu'il a beau être derrière le bureau, je ne suis pas impressionnée pour autant.

— Un parcours sans faute, remarque-t-il.

Évidemment.

— Mais je ne comprends pas. Pourquoi vouloir travailler dans un bar si vous êtes banquière ?

J'abandonne la contemplation de la pièce pour le regarder. La question qui fâche.

— Disons que j'avais envie de changement. Je ne dis pas là que je quitte le monde de la banque, mais un peu d'aventure n'a jamais tué personne.

Mes propos sont carrément ignorés puisqu'il continue, tel un inspecteur :

— Je ne vois aucune expérience dans le domaine. Est-ce que vous connaissez le métier de barmaid au moins ?

Lui qui n'avait pas quitté mes feuilles des yeux, relèvent ces derniers sur moi. Gris, ils me sondent longtemps en silence. Je hausse un sourcil pour lui faire comprendre que son petit jeu de regard du grand méchant loup ne marche pas sur moi et recommence à taper des ongles sur son bureau.

Le syndrome des Dumas 2 - Maëlys et le miroir (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant