Sombre secret

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Suite à la remarque de ma sœur, l'autre con est parti. Il est rentré dans la résidence, sans se retourner.

Après cinq bonnes minutes de pleurs intensifs, je parviens à reprendre le contrôle de mes émotions. Cependant encore affaiblie, je n'ai pas le choix que de m'asseoir sur le petit muret du parking.

Mon cœur bat à tout rompre. Mes mains tremblent. Mes jambes sont si fragiles que je me demande comment je vais faire pour avancer ne serait-ce que d'un pas.

— Comment l'as-tu appris ?

Anaïs me rejoint sur le muret. Délicatement, elle pose sa main sur la mienne puis m'offre un regard compatissant. Je sais que la dévouée à l'humanité essaie d'apaiser les choses. Mais je doute qu'elle n'y parvienne.

— Lucie t'a parlé dans la grande bibliothèque ce jour-là. J'ai cru qu'elle allait te donner quelque chose alors je me suis cachée derrière le grand bureau de maman avec l'intention de dénoncer sa préférence. Lucie ne s'occupait jamais de moi et avec ma naïveté d'enfant, je croyais que tu avais des traitements de faveur. Cependant, malgré mon jeune âge, j'ai compris que tu avais vu quelque chose que tu n'aurais pas dû voir et que notre nounou t'interdisait d'en parler à qui que ce soit. Ce n'est qu'après, quand l'on m'a dit que tante Martine s'était pendue que j'ai compris.

Le discours de ma sœur fait ressurgir de mauvais clichés. Impossible de les chasser.

— Tu aurais dû le dire aux parents.

— Et tu crois vraiment qu'ils m'auraient cru ? demandé-je, énervée par ses mots et ma famille mais surtout par moi-même. J'ai essayé une fois. J'ai essayé ce jour-là. Mais Lucie était à côté de moi et elle a mis cela sur le dos de l'imagination débordante des enfants. Ni papa ni maman n'a cherché à plus en savoir. Ils n'avaient pas envie d'entendre ma version. Maman n'en voyait que par son boulot et nous étions toi et moi des boulets qu'elle devait faire garder pour ne pas perdre sa place de femme parfaite. Quant à papa, il la suivait tel un toutou dans toutes ses démarches.

Ma sœur baisse la tête. Elle ne sait pas quoi répondre.

J'avais sept ans lorsque l'incident est arrivé. Nos parents travaillaient sans arrêt et étaient plus absents que présents à la maison. C'est pour cette raison que notre mère avait déniché une nourrice : Lucie. Elle avait à peu près l'âge que j'ai désormais. Mais loin d'être exemplaire, cette dernière profitait des temps de garde pour discuter au téléphone avec ses petits amis (oui je dis bien « ses » et non pas « son ») du moment.

C'est pour cette raison que j'allais tout le temps chez Martine. Mon oncle et ma tante habitaient à un peu plus d'un kilomètre de la maison. Ils avaient une petite ferme. Martine me donnait des bonbons en cachette et elle m'amenait voir les agneaux.

À l'époque, il n'y avait qu'elle que je considérais comme ma mère.

Ce jour-là bien évidemment, n'a pas échappé à la règle. Alors que Lucie était occupée à faire je ne sais quoi à la maison et qu'Anaïs jouait avec ses poupées, je suis partie chez ma tante. À mon arrivée, elle avait un œil au beurre noir. Mon oncle et elle s'étaient disputés. Elle n'était pas en forme et elle pleurait.

À cette époque, j'étais loin de la Maëlys pleine d'assurance. J'étais timide, je ne parlais pas beaucoup et je ne me trouvais pas jolie. Autant dire que j'étais l'inverse de ce que je suis maintenant, ou presque. Mais cela ne m'a pas empêchée de crier à mon oncle qu'il était un monstre de faire souffrir une femme.

Quelques minutes plus tard, Martine ne pleurait plus et j'ai cru bêtement que mon héroïsme qui m'avait causé des douleurs au ventre affreuses ainsi que des tremblements de la tête aux pieds, avait apaisé son chagrin. Mais j'ai eu tort. Mon oncle était parti depuis quinze minutes lorsqu'elle m'a donné le panier tout entier de sucreries.

Le syndrome des Dumas 2 - Maëlys et le miroir (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant