1.[Akira]

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Avant-propos:
Ce "livre" se lit à plusieurs voix. Le personnage qui parle est entre crochets.
L'histoire écrite ici concerne la première année de l'histoire, premièrement écrite en 2013, que je décide de réécrire. L'histoire continue à avancer, même maintenant, je suis dans la troisième année en ce moment! En espérant que vous me suivrez jusque là! :)
J'espère que ça vous plaira!

1. [Akira]

Juin 2013, Tokyo, Japon

Le temps ne passe pas, enfin, on ne dirait pas. Chaque jour se ressemble. Rien ne change, et peut importe ce que je fais, tout se répète sans arrêt.
Mon quotidien est ennuyant. Oui, je m'ennuie. Je m'ennuie à n'en plus finir, alors que tout le monde autour de moi semble déborder d'enthousiasme.
Dans ma classe, tout le monde sourit, tout le monde vit. Ils discutent, rient, s'amusent, étudient, ont des amis... comme si ces choses-là leur donnaient une raison de vivre, d'être heureux.
C'est ennuyeux. Et moi, je suis seul. Et je m'en fiche pas mal.
Il fait beau, très chaud, alors qu'on est seulement en juin. La chaleur me dérange. Comme la majorité des choses qui m'arrivent.
Je suis affalé sur mon bureau, au dernier rang, à côté de la fenêtre, et le vent chaud me caresse les cheveux, comme pour rajouter une couche à cette ambiance étouffante déjà. Tout le monde range ses affaires, c'est la pause de midi.
Moi, je ne bouge pas. Je sortirai quand tout le monde sera sorti, quand il n'y aura plus personne de susceptible de me parler et donc de déranger ma journée paisible encore plus qu'elle ne l'est déjà, faute aux cours et à la chaleur, déjà bien assez fatigants. Je ferme les yeux et ignore donc à la perfection tous leurs bruits et discussions parasites.
Bientôt, plus personne n'est là. Le professeur sort, en me jetant un dernier regard, espérant un geste ou autre chose de ma part, que je mets un point d'honneur à faire semblant de ne pas remarquer. De toute façon, lui aussi, il me gêne. Il ne sait pas se faire respecter, n'impose aucune discipline à son cours et se fait complètement marcher sur les pieds. C'est tellement bruyant que je ne viens pas, d'ordinaire.
Aujourd'hui, je ne suis venu que parce que j'avais pas le choix, pour éviter de me faire convoquer par tel ou tel professeur inquiet de ma situation scolaire à cause de mes absences trop, selon eux, répétitives et injustifiées.
Je me lève lentement de ma chaise, réajuste mon écharpe bleue rayée autour de mon cou - oui, on est en été, je ne l'enlève jamais de toute façon- et je sors de la classe. Les couloirs sont bruyants, et des gens courent dans tous les sens.
L'école a beau être immense, il y a toujours du monde partout.
Notre école est divisée en pas mal de bâtiments, en 94 classes et 112 sections (ou autrement dit, options) et dans chaque bâtiment, il y a plusieurs étages, qu'on appelle "ailes". L'aile un est au rez-de-chaussée, donc le premier étage est la deuxième aile.
Ma classe, la 5-11, est dans la quatrième aile droite du bâtiment principal, autrement dit, une des deux seules classes à être dans le même couloir que le bureau du principal.
Je descends les immenses escaliers de marbre de l'école, évitant tout contact ou regard à quiconque, pour rejoindre la cantine, qui est dans la deuxième aile droite. Le réfectoire est rempli de gens joyeux et affamés, se racontant leurs petites vies comme si c'était important.  Ça m'énerve. Eux, et la file immense que je vais devoir faire pour avoir à manger.
Tout le monde s'écarte en me voyant arriver. C'est bien, ils ont retenu... quoique.
Il est là, lui aussi. Son visage désagréable semble me lancer un rictus méprisant qui ne fait que de m'énerver plus que je ne l'étais déjà. Et c'est pas la première fois que ça arrive. En fait, ça arrive presque tous les jours. Déjà, les cuisinières affolées essayent de dissiper les deux camps qui se sont formés derrière moi et lui. Je m'avance vers elles, et demande un bol de kistune udon , et malgré leur réticence, l'une d'elles m'en tend un sur un plateau, presque tremblante. Elle sait bien évidemment ce que je vais faire avec.
Lui aussi, avec ses ramen et son sourire insupportable, s'y apprête. Il lève une de ses mains en signe de victoire, un peu trop à l'avance, et lance un grand sourire au troupeau de gens derrière lui, qui "l'encourage" si on peut dire. Moi, je les ignore. Les encouragements de ceux qui sont derrière moi sont inutiles. Ces gens-là ne sont là que pour s'amuser. Moi, je suis sérieux. Il me regarde, il n'est plus très loin de moi, devant les dames de cantine, le comptoir et aux premières tables. Il sourit encore plus, ce qui me dégoûte presque, et il se décide à parler. 
- Alors, le p'tit, t'es revenu pour te venger..?
Parole futile vite accueillie et applaudie par les étudiants de son côté.
Mon énervement ne fait que de grandir. Ce mec se croit intelligent parce qu'il est plus grand que moi? Ne me faites pas rire...
- Pitoyable.
Je lui ai lancé ça, doucement, souriant du plus faux de mes sourires. Parole à son tour applaudie par ceux qui se sont rangés de mon côté, bien que ça ne fasse pas de grande différence pour moi. Je sais que je peux être bien plus meilleur que lui. Il y a une table à côté de moi. Je ne veux pas perdre mon temps. Et j'ai un bol d'udon brûlant sur mon plateau. Je vais essayer de finir ça vite. Je compte jusqu'à trois dans ma tête. À trois, je saute sur la table, je lui jette mon bol et je le met par terre. Après, je cours. Si je cours, il ne m'aura pas. Je suis plus rapide que lui. 3...2... qu'est-ce que c'est que ce regard, va-t-il agir aussi?... 1... Bon, j'y vais. Je prends mon bol dans les mains, et je saute sur la table. Il se retourne, se rendant compte que je vais me retrouver derrière lui, et je lui balance le bol de nouilles à la figure. Il crie, c'est vrai, c'est chaud, mais pas assez pour lui laisser autre chose que le visage rouge pendant quelques jours, et c'est ma chance. Je le bouscule en descendant de la table, l'attrape par les deux mains, et le tiens à quatre pattes, au sol. Les gens de mon camp applaudissent, j'en ai vraiment rien à faire, et je lui murmure à l'oreille :
- C'est frustrant, n'est-ce pas, Shinomiya...?
Je le lâche d'un coup, profitant de l'euphorie pour passer entre la foule d'étudiants contestant et commentant nos actes et m'enfuir le plus vite possible. Les couloirs sont presque vides maintenant, et c'est mieux comme ça. Je descends la volée d'escaliers qu'il me reste pour me retrouver dans le hall principal. Je sors de l'école, pour me trouver un petit coin tranquille dans ses immenses jardins, -s'étalant de l'entrée de l'école à la sortie de l'université qui y est affiliée, englobant ainsi la superficie d'une école de 5000 élèves, une immense université et un hôpital universitaire -un endroit où personne ne viendra m'emmerder. Je cours toujours, attirant l'attention des étudiants, en groupe sur les bancs et les pelouses, déjeunant tranquillement. Je m'en fiche. Je cours jusqu'à l'épuisement, jusqu'à arriver près du portail de l'école. J'ai du au moins faire un kilomètre. À côté du chemin, je repère un arbre à l'ombre juste en face de moi. Plus que quelques mètres et je serai enfin tranquille...
Plongé dans mes pensées, je bouscule quelqu'un de plein fouet, assez fort pour que le choc nous projette à au moins un mètre l'un de l'autre. Je relève la tête, prêt à lui lancer une remarque désagréable pour m'avoir empêché d'arriver directement là où je voulais aller quand je croise son regard.
Il a les yeux les plus verts que j'aie jamais vu. Je ne les ai jamais oubliés, ces yeux-là. Depuis la première fois que je les ai vus.
Je me souviens de lui, je ne l'ai vu que deux fois, alors que j'étais petit, et je ne lui ai pas parlé, mais son regard était tellement expressif, et ses yeux tellement brillants... Je ne les ai jamais oubliés.
Je me souviens de ces deux rencontres, aussi.
Je l'ai croisé à Kyoto, alors que j'étais de passage avec mon père pour une affaire quelconque. J'avais réussi à échapper à sa surveillance et à celle de tous ses majordomes pour aller me promener, et j'avais fini par me perdre. Je me suis retrouvé près d'un petit temple, et il a commencé à pleuvoir. J'avais froid, et les escaliers pour y arriver étaient hauts, et n'avaient pas l'air très sûrs... je m'étais arrêté devant les escaliers, indécis, grelottant, quand il m'a bousculé. Je me suis retourné, et je l'ai vu. Il était un peu plus grand que moi, trempé, avec des cheveux bruns foncés et des yeux verts brillants. Notre regard s'est croisé, et nous nous sommes fixés quelques secondes avant qu'il ne se mette à courir, et reprenne sa route.
Moi, je me suis fait rattraper par le majordome principal de mon père, qui m'a passé un sacré savon. Malgré tout, je lui ai redemandé de m'emmener avec lui, à chaque fois qu'il irait à Kyoto. J'y suis retourné nombre de fois sans le revoir.
Ça faisait bien un an que je ne l'avais pas vu. J'avais presque abandonné, j'avais décidé que c'était la dernière fois, et qu'après je n'irais plus, quand je suis retourné au pied de ces escaliers encore une fois. Et je l'ai revu. Il s'est arrêté avant de me bousculer cette fois. Il m'a lancé un regard timide. Ses joues étaient rouges et des larmes roulaient sur sa figure. Il avait l'air si triste. Alors, je lui ai souri.... et il s'est enfui.
Mais je suis sûr que c'est lui. Il est en face de moi, ses yeux verts brillants me fixent avec la même intensité qu'avant.
Est-ce qu'il se souvient de moi?
À quoi pense-t-il, en ce moment?
Il se relève, et me tend sa main.
Est-ce que je dois la prendre?
Je la prend et me relève finalement.
- Tu vas bien?
Il m'a parlé, avec une voix douce et calme, gentiment. Il a de longs cheveux, qui touchent presque ses épaules. Il est plus grand que moi.
- J-Je vais bien. E-excuse-moi.
J'en reviens pas, je me suis excusé. À un inconnu en plus...
- C'est rien.
Il sourit. Même si il paraît triste.
- Tu t'appelles comment? Désolé, Mais je viens d'être transféré ici, alors je ne connais personne...
- Matsuoka. Matsuoka Akira.
Il hoche la tête en souriant encore une fois.
- Ça te va bien.
Hein? C'est quoi ça? J'ai JAMAIS entendu personne me dire ça. Et pourquoi il me dit pas son nom, déjà?
- Toi, c'est quoi?
Il passe une main dans ses cheveux, nerveusement.
- C'est Eiji. Mitsukane Eiji!
Mitsukane. J'essaye d'associer ce nom à ce garçon aux yeux brillants de mes souvenirs.
- Je dois aller chez le directeur, alors je te laisse. À plus tard!
Il repart, me faisant un signe de main et disparaissant au loin.
Je reste debout un moment, perdu entre réflexion et souvenirs, avant d'aller m'asseoir en dessous de mon arbre.
Mitsukane Eiji, hein...?

Jour de pluie (Ame no Hi) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant