Vendredi, le 30 juin 2013
Depuis que je suis arrivé, le temps s'est mis à défiler plus vite que je n'avais jamais imaginé qu'il puisse passer.
C'est vrai, pour moi qui ai toujours détesté l'école, c'est une première.
J'ai passé cette semaine à observer, prendre mes marques, sympathiser avec tout le monde, apprendre à connaître mes profs... Cette école, c'est vraiment quelque chose.
Je n'ai connu que la petite école de mon quartier, quartier perdu de la banlieue de Kyoto, et c'était une école qui regroupait primaire,collège et lycée dans deux petits bâtiments. Je...dois avouer que j'ai pas beaucoup de bons souvenirs là-bas.
Je me chasse cette idée de la tête.
Je continue à prendre des notes, calmement, suivant la voix de ma prof de littérature, Takahashi Hiromi, qui donne son cours, souriante. Elle est encore jeune, a des cheveux coupés au carré et une frange, et dans sa voix, on sent l'importance qu'elle donne à ses mots. Elle porte un uniforme aussi, comme ses élèves... Mais en blanc. Elle est tout en blanc.
⁃ Mitsukane-kun, tu pourrais continuer la lecture à partir de la page 21?
Une image désagréable me revient en tête, comme un mauvais souvenir d'une époque que je voudrais oublier, mais je me lève et je continue la lecture.
⁃ Oui. " Alors il se leva, et il dit, sans hésiter le moins du monde..."
J'ai continué de lire jusqu'à ce que la cloche sonne.
Les cours sont finis, et je me sens étrangement impatient.
Depuis une semaine, j'attends ce moment. C'est vrai, aujourd'hui, Matsuoka Akira va se retrouver avec moi, pour m'expliquer les maths.
Même si ce n'est que ça, le fait d'avoir quelqu'un qui m'attend me remplit de joie. Quelqu'un va faire un effort pour moi.
Moi qui n'ai jamais été vraiment été aimé avant...
J'y repense encore une fois, à ce jour là ou je l'ai rencontré, ce garçon qui avait à peine dix ans, aux yeux étrangement bleus et au sourire vivant. Depuis que je l'ai revu, cette vision ne cesse de me revenir, encore et encore.
Je me dirige vers la section spéciale, la salle, parce qu'étant donné qu'on ne s'est pas donné de lieu de rendez-vous, on doit sûrement se retrouver là-bas...
J'entre, et il n'y a encore personne. Forcément, il vient de sonner, et on a tous des horaires différents. Je m'assieds autour de la petite table, enfin, quand je dis petite... elle est aussi grande que la table où l'on mange chez moi. Il y a neuf chaises. Il y a un piano à queue du côté gauche de la salle, près de la fenêtre. C'est un beau piano. Chez moi aussi, il y en a un, mais ce n'est rien par rapport à celui-là. Des tas de photos sont attachées sur un tableau en liège, fixé à un des murs, et il y a un tableau noir (avec l'autre face blanche) articulé dans la salle. Dans le coin à droite, il y a une petite porte. Apparement, ça mène à la salle des casiers, salle où j'ai trouvé Matsuoka-kun l'autre jour. On pourrait très bien rester ici en fait, et il me donnerait son petit cours au milieu des autres...
Sans savoir pourquoi, je suis assez frustré par cette idée là. Alors que je le connais à peine.
Je m'assieds sur une des chaises, je sors un cahier de mon sac et entreprend d'étudier, même si j'ai un peu trop les pensées ailleurs. Alors je prends mon journal de l'étudiant et je fais mon agenda.
30 juin 2013.
Alors... La semaine prochaine... Et la semaine suivante... Ah, c'est les tests mensuels! Faudra que je m'y mette bien à l'avance.. Shun dit que cette école est très dure.
On aura des vacances tout le mois d'août, et le festival d'été aussi... et puis... ça sera l'attribution des dortoirs définitifs.
Définitifs, hein?
La porte s'ouvre en fracas.
Il est là, en face de moi. Il est petit et très mince, et les barrettes dans ses cheveux m'étonnent toujours.
⁃ M-Mitsukane-senpai! s'écrie le garçon, raide, hésitant et rougissant.
Je me lève d'un coup, moi aussi, et je lui sourit.
⁃ Matsuoka-kun! Tout va bien?
Il baisse la tête.
⁃ Je suis en retard, désolé. Je me suis... endormi dehors. Sous l'arbre à l'entrée de l'école.
Ah! Mais c'est l'arbre là où je l'ai croisé! Il s'est endormi là?
Je ne peux m'empêcher de l'imaginer, et cette pensée me fait sourire.
⁃ C'est rien de grave, t'en fais pas, j'avais des choses à faire. Je viens juste d'arriver.
Il relève la tête, et prends un air hautain, qui a l'air peu naturel, mais je pense qu'il est comme ça, alors je ne dis rien.
⁃ Alors ça va. Bon, j'étais là pour te donner des cours?
Je toussote.
⁃ C'est ça, oui...
⁃ Tu as vraiment besoin de moi?
⁃ C'est bientôt les tests mensuels, j'aimerais bien que tu m'expliques quelques petites choses... Cette école, c'est du haut niveau!
⁃ Du haut niveau? J'ai été en classe supérieure chaque année, et je m'ennuie encore.
Il doit avoir un niveau vraiment exceptionnel pour en être là...
⁃ Tu es surdoué?
Il lâche un rictus.
⁃ Tsk, nan, pas du tout. C'est juste qu'à la place d'aller à l'école jusqu'à douze ans, on m'a fait l'équivalent de collège et lycée en cours particuliers. Après, je suis venu ici, même si je vais pratiquement jamais en cours...
Je retire ce que j'ai dit.
⁃ Pourquoi tu ne vas pas en cours?
Il me regarde de travers.
⁃ Parce que je trouve ça inutile.
Il ferme la porte, s'approche, fait le tour de la table et vient s'asseoir à côté de moi.
Il sort un petit carnet de son sac presque vide, et une petite trousse avec seulement un porte-mine, un stylo et une gomme dedans. Les traits de son visage sont fins, et il a de longs doigts minces. Et du vernis noir sur les doigts, détail qui attire mon attention. Je remarque aussi qu'il porte, comme l'autre fois, son écharpe bleue turquoise, rayée et quadrillée de toutes les couleurs. Ça doit être quelque chose d'important pour lui s'il la porte en été.
Il se met à tourner les pages de son petit cahier.
⁃ Matsuoka-kun?
Il lève ses yeux bleus vers moi - je me fais la réflection que nous sommes vraiment des Japonais particuliers pour avoir des yeux clairs, nous deux - et hoche la tête.
⁃ Pourquoi tu portes des barrettes?
Tellement de choses m'intriguent chez lui.
Il me lance un autre regard étonné, et secoue la tête. Ses cheveux sentent le shampooing, et cette odeur envoûtante me déconcentre.
⁃ Elles sont à ma mère.
À à sa mère... Si l'on réfléchit, une des seules raisons pour lesquelles un garçon porterait des affaires de filles serait...
Je ne peux pas lui demander ça. Je n'aimerais pas qu'on me le demande.
Quand j'en parle, les souvenirs me reviennent et je me sens submergé...
Ma mère...
⁃ Mitsukane-senpai? Tu vas bien?
Ah, je me suis perdu dans mes pensées, on dirait. Je lui fait un sourire.
⁃ Oui, je réfléchissais!
Il secoue la tête.
⁃ Tu veux que je t'aide à quoi exactement?
Juste, il était là pour ça. Je sors un cahier moi aussi, et je lui explique ce que j'ai préparé.
Il lui suffit d'un coup d'œil pour savoir où est mon problème. Pendant qu'il résout les calculs d'une main maladroite, d'une écriture désordonnée, je continue de l'observer. D'une certaine façon, ça me fascine qu'un garçon avec un caractère pareil tienne dans un corps si frêle et si mince.
Il pose son stylo et me tend son cahier.
⁃ Tu comprends mieux?
Son écriture est presqu'illisble.
⁃ Euh... Tu peux m'expliquer?
Il me regarde d'un air suspicieux.
⁃ Tu sais pas lire je suppose.. Bon, alors, je t'explique.
Il semble répugner à le faire, mais s'y met finalement. Il parle d'une voix claire et limpide, est sur de ce qu'il dit, et très vite, sans même que j'ai de questions à poser, mon premier problème est résolu.
Puis le second, et le dernier, si rapidement que j'en viens à me demander pourquoi je n'ai pas compris avant.
Il m'explique d'une façon et d'un point de vue que je n'avais jamais envisagé.
Il est vraiment différent. Il prend les choses à l'opposé de ce j'imagine.
Est-ce que c'est moi qui suis banal?
Peut-être qu'il est juste spécial.
Son petit sourire satisfait de m'avoir fait comprendre me donne l'envie de lui en rendre un.
⁃ Merci, Matsuoka-kun!
Il rougit un peu.
Il ne doit pas avoir l'habitude qu'on lui parle gentiment, je crois.
⁃ De rien. Avec ça, si tu réussis pas ton test, c'est que t'es un cas désespéré!
Revoilà notre fonceur. Je range mes affaires et je me lève, et il se lève aussi.
La deuxième cloche sonne, il est 17h.
Nous sortons de la classe, alors qu'à nouveau, les élèves affluent en tous sens dans les couloirs.
⁃ Je vais aller me préparer dans Mon dortoir! À plus tard, Matsuoka-kun.
Il secoue la tête, me salue et s'en va. Je lui fais un dernier signe de main et je tourne dans le couloir. Je me retrouve dans le hall principal, cherchant Shun des yeux, bien que je vais le retrouver dans les dortoirs.
⁃ Mitsukane-senpai?
C'est une voix de fille, une voix que je reconnais. Nakamura Miyako. Elle est devant moi, tout sourire, une petite pochette remplie de feuilles dans les bras.
⁃ Mitsukane-senpai?
⁃ Ah, Nakamura-san!
⁃ Je te cherchais justement. Tu sais, bientôt, juste après les tests mensuels, il y aura le festival d'été. C'est pendant les vacances, mais comme tout le monde s'y met, on commencera à le préparer des la fin des tests. C'est un grand festival, et beaucoup de gens de l'extérieur viennent aussi! Normalement, le jour de l'ouverture, c'est aussi le jour où tu deviendras président du conseil des élèves, si assez de gens votent pour toi.
⁃ Ça à l'air d'être quelque chose, tout ça... Et quoi, je devrai faire un discours, ou quelque chose comme ça?
L'idée me surprend toujours autant, mais elle ne cesse pas de sourire, et remet ses cheveux derrière ses oreilles. Ils sont tellement longs et brillants que clé est impressionnant.
⁃ Je t'aiderai! Je suis sûre que tu y arriveras!
⁃ Merci, Nakamura-san.
⁃ Eiji!
Voilà Shun, qui arrive vers moi. À côté de lui, un autre garçon, que je reconnais. Il est dans ma classe. Mikanagi Natsume, je crois.
⁃ Shun-chan! Mikanagi-kun..!
⁃ Salut, Eiji! Bon, on rentre?
Je hoche la tête. Nakamura me sourit encore une fois et me fais signe. Elle se retourne, en direction du couloir de la salle de la section.
Mikanagi et Shun me regardent tous les deux d'un air soupçonneux.
⁃ Alors, on est plutôt proche de Nakamura, hein, Mitsukane, me lance Mikanagi, un sourire aux lèvres. T'es vraiment un petit chanceux, elle a l'air de t'apprécier.
Hein? Moi? Avec Nakamura?
⁃ Alors, Eiji? me sourit Shun.
⁃ Euh... Je.. N'ai pas vraiment envisagé ça...
Non, impossible. Impossible qu'elle m'aime?
Qui pourrait m'aimer?
Je ne suis pas ce genre de personne qu'on aime et qu'on chérit. Je suis plutôt de ceux qui... dégoûtent.
⁃ Tu vas bien?
Mikanagi me sourit toujours, l'air un peu gêné cette fois.
⁃ Je suppose que tu n'y avais vraiment pas pensé. Allez, on y va.
Nous sommes retournés aux dortoirs, chacun de notre côté, nous préparer pour rentrer chez nous.
C'est vrai, cette école est un internat, mais on retourne chez nous le week-end.
Je ne suis plus retourné à Kyoto depuis plus de trois mois. C'est vrai, je suis resté à l'hôpital, et j'ai dormi à l'école le week-end passé, parce que j'avais trop de choses à préparer.
Je me sens bizarre. Peut être que je n'ai pas envie d'y aller.
Quand je pense à ça, plein de souvenirs désagréables me reviennent, et je me mets à trembler.
Je prépare mon sac avec mes cours, emmène ma carte de train et mes clés, avant de sortir du dortoir. Shun m'accompagne. Il habite lui aussi à Kyoto, et on prend le même train.
Une fois arrivés à la gare, un silence lourd s'installe entre nous. Nous entrons dans notre train, et nous asseyons sans un mot.
Ni l'un ni l'autre n'ose rien dire. Il finit par briser le silence.
⁃ E-Eiji... Tu te sens bien? Tu es vraiment pâle...
J'essaye d'esquisser un sourire, bien que je me sens si mal que je pourrais vomir.
⁃ Ça va, t'inquiète pas. J'ai juste plus l'habitude, c'est tout.
⁃ Je suis désolé.
⁃ Ne t'excuse pas, Shun-chan. Tu n'y peux rien.
C'est faux. Mais je veux y croire. Croire que Shun était là pendant les neuf dernières années. À me soutenir.
Je reprends mon souffle, et le train entre en gare.
⁃ Allons-y, Shun-chan.
Je me lève, et lui aussi. Nous sortons, nous mêlant à la foule des gens entrant et sortant de la gare de Kyoto.
Nous allons devoir prendre le bus pour arriver dans notre petit quartier.
Ce que nous faisons. Quand nous sortons du bus, il est presque 20 heures, et le soleil se couche. Les rues sont calmes, on entend que les enfants jouer.
Nous passons devant le cimetière.
⁃ Shun-chan, pars devant, je vais m'arrêter ici un petit moment.
⁃ D'accord! Fais attention à toi, Eiji! Je te vois dimanche soir!
⁃ Oui!
Je pousse le petit portail de l'entrée du cimetière. Je sais exactement où aller, pour y être venu tant de fois étant petit, et même étant plus grand.
Je m'agenouille en face de la tombe que je cherchais.
" Mitsukane (Sekime) Asuna " .
Je lui souris, et me mets à lui parler.
⁃ Maman, je suis entré dans une nouvelle école.
Je reprends mon souffle, essayant de faire disparaître mon malaise dans l'air chaud.
⁃ Je ne suis plus malheureux. Shun est là aussi, et c'est vraiment une école impressionnante. Tout le monde me sourit, tout le monde me parle... Je ne... suis...
Je me sens vraiment mal.
⁃ Je reviendrai, maman!
Je me mets à courir, je sors du cimetière, et traverse les rues du quartier à toute allure. Je m'arrête contre un mur, dans une ruelle, et je me mets à vomir.
Je suis vraiment quelqu'un de dégoûtant.
Mais je me sens un peu mieux, comme si le poids qui pesait sur ma poitrine s'était un peu allégé.
J'essuie les larmes qui ont coulé sur mes joues et m'entraîne à faire mon plus beau sourire à la caméra de mon téléphone.
Si je souris, j'irai bien. Tout le monde me croira.
Je me débarbouille rapidement et arrive chez moi.
J'entre, bien que réticent, et Haruka me saute presqu'aussitôt dans les bras.
Haruka est ma sœur aînée. Enfin, pas vraiment. C'est ma sœur adoptive, qui est de 5 ans mon aînée. J'ai aussi deux frères adoptifs, Yukio et Tomoya, respectivement âgés de 15 et 14 ans.
Elle me serre dans ses bras. Je me souviens de son odeur rassurante.
⁃ Haru-nee!
⁃ Eiji! Tu vas bien?
Je lui fait un grand sourire. Ça fait longtemps que je ne suis pas rentré, et comme j'ai été hospitalisé à Tokyo, elle n'a pas pu beaucoup venir me voir. Elle fait ses études à Kyoto, à l'université.
Je lève un pouce en l'air. Elle secoue la tête, et ses cheveux noirs bougent en tous sens autour d'elle.
⁃ Super!
⁃ Tu nous avais manqué!
Voilà Tomoya. Il n'est pas très grand, les cheveux coupés en tous sens, avec des yeux vifs. Il sourit.
Il ne m'a jamais aimé, Mais depuis mon accident, il s'est rapproché de moi... il s'est excusé d'avoir été jaloux de moi. I
Jaloux de moi...? Il n'y a pas de raison.
⁃ Tomo-chan!
Il se serre contre moi lui aussi.
⁃ Niinii, tu te sens mieux?
⁃ Je me sens mieux. Et toi, l'école?
⁃ Je déteste cette école.
Je la déteste aussi, Tomo-chan. Mais c'est pas nécessaire que je le dise.
Je pose une main sur la tête de mon petit frère adoptif.
⁃ Tout va bien aller. Où sont Yukio et Takeshi-san?
⁃ Papa est dans la cuisine avec Yukio. Débarrasse-toi et viens!
Haruka et Tomoya m'aident à me déshabiller et à monter mes petites affaires, et je rentre. Yukio vient vers moi, un grand sourire aux lèvres, et se colle contre moi.
⁃ Ça fait longtemps, Yuki-chan!
Il hoche la tête. Yukio porte des lunettes carrées assez fines, une coupe au bol un peu plus longue, et est très mince. Il fait ma taille.
⁃ Nii...Nii.. 'reux...'e 'oir..
⁃ Moi aussi, je suis contente de te voir.
Yukio ne sait pas parler. Il est né avec des cordes vocales assez faibles, et des difficultés d'articulation. Quand il parle, on entend seulement certaines syllabes.
Si ils m'appellent tous Niinii, c'est parce qu'il arrive à le dire. Yukio a toujours été proche de moi.
Je rentre dans le petit salon, il y a toujours l'ancien piano, le fauteuil et la télé, notre grande table, et derrière, la cuisine.
⁃ Takeshi-san!
Mon "père" sursaute, avant de se retourner. Il pose ses ustensiles et sort son plat du four avant de se retourner vers moi.
⁃ Eiji! Tu es rentré!
Il pose une main sur mon épaule. Je tressaille. Mon épaule gauche me fait encore mal, des suites de mon accident.
⁃ Je suis rentré.
Il me frotte la tête, comme le ferait un père à son vrai fils. Il m'a toujours traité comme tel.
⁃ Eiji, tu te plais bien dans ta nouvelle école?
Je fais oui de la tête. Je me sens encore coupable.
⁃ Tu es sûr?
Son regard est plus que soupçonneux.
⁃ Je suis certain.
⁃ Personne ne te fait du mal?
⁃ Personne ne me fait du mal, Takeshi-san.
⁃ Je t'ai déjà dit de m'appeler papa.
⁃ Oui... papa.
Ça me réchauffe le cœur de voir cette famille, famille qui m'a accueilli, s'inquiéter pour moi. Je suis heureux... Mais j'ai honte. Je me sens indigne. Indigne de leur attention et de leur amour...
⁃ J'ai fait quelque chose de nouveau cette fois, mais je n'ai pas oublié de te faire du poulet frit, Eiji!
Je souris. Depuis petit, j'ai toujours aimé le poulet frit. Tomoya arrive dans la cuisine, vite suivi d'Haruka et de Yukio, qui s'accordent à mettre la table. Je les aide aussi. Chacun s'installe à sa place, et on mange, parle, tout le monde dans la bonne humeur.
Je suis tout de même content d'être venu.
Juste avant d'aller dormir, Takeshi-san me prévient :
⁃ Haruka va dormir avec Tomoya, toi, tu es dans ta chambre, avec Yukio, comme toujours.
⁃ Merci.
Je me débarbouille, me change, et me rend dans ma chambre.
Rien n'a changé. J'avais demandé a Takeshi-san et les autres de ne pas toucher à mes affaires. Je me sens comme un criminel, comme un voleur, quelqu'un qui veut cacher ses méfaits... j'ouvre mon tiroir, celui de mon bureau, à côté de celui de Yukio.
Un petit livre sale, un livre qui empeste, est casé dedans, au dessus. Je ne m'en souviens que trop bien. Je le soulève. Dans un coin du tiroir, il y a toujours une petite boîte, boite à mon nom, où étaient rangées des boucles d'oreilles à ma mère il y a douze ans. Je l'ouvre.
Il y a toujours une petite lame de rasoir rouillée à l'intérieur.
Je me laisse glisser au sol, contre mon bureau, les yeux clos.
Combien de fois me suis-je enfermé ici pour pleurer caché?
Combien de fois ai-je voulu mourir, disparaître...?
J'essuie ces pensées inutiles d'un geste de tête, range la petite boîte dans le tiroir et me glisse dans mon lit.
Yukio entre à son tour, et va se coucher en silence, pensant que je dors.
Je l'entends s'allonger, s'installer, et puis murmurer :
"Nii...nii...'erci...'tre..'enu "
Ses mots me touchent.
Tu m'attendais, Yukio?
Ne t'en fais pas, je reviendrai toujours.
Je m'enfonce dans les couvertures et je ferme les yeux.
Une image me revient en tête.
Celle du visage de Matsuoka-kun, alors que j'avais dix ans, sous la pluie devant le temple... Il me souriait, un grand sourire.
Pourrais-je revoir ce sourire un jour?
J'espère qu'il me le remontrera.
Je m'endors, les pensées occupées par le futur festival, Matsuoka-kun, et ce qui m'attend pour le lendemain...
Quoi qu'il arrive, quoi qu'il m'arrive, demain aussi, je sourirai à tout le monde.
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Jour de pluie (Ame no Hi)
Roman pour AdolescentsHistoire que je réécris, à laquelle je tiens énormément! Ceci est la première année, je suis déjà à la quatrième :3 En espérant que ça vous plaise! Ps: je ne l'ai pas encore corrigée, alors c'est possible qu'il y ait des fautes, j'en suis désolée...