5.[Akira]

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Note : un misanga est bracelet (du genre brésilien) fait à la main.

                                 Lundi 3 juillet 2013

Tsk. Encore une journée- une nuit où je ne sais même pas où je suis... Je frissonne, je me redresse, complètement courbaturé.
Je suis assis sur un banc, sur une petite place déserte. Je baille un grand coup.
Je sors mon téléphone de ma poche... Et merde, il est trois heures du matin.
Je me souviens même pas comment j'ai fini ici, et pourquoi je me suis endormi ici, aussi. 
Ah, ça me revient. J'étain en train de traîner en ville, et j'étais fatigué...
Je me suis endormi sur un banc?
C'est vraiment pas cool, comme attitude. T'façon, je m'en fous pas mal. C'est pas comme si il y avait quelqu'un de qui ça changeait la vie que je sois là où non.
Je ne retournerai pas chez moi.
Je me lève péniblement, et me traîne dans la petite rue ascendante à la place. Juste derrière, il y a une gare. Je vais attendre le train. Enfin, je crois pas qu'à cette heure-ci, il y en ait un. Mais dans une ou deux heures, les trains commenceront à passer.
La petite gare est déserte, excepté deux ivrognes en train de rire à deux dans un coin, sur je me promets d'éviter.
Je ne me sens pas vraiment à l'aise, pourtant je m'assieds sur un petit banc. Un écran, en face de moi, attaché au plafond, annonce l'heure des prochains trains. 4:53.
Bon, je suis parti pour attendre deux heures là. Je me sens pas mal dépité, et j'ai vraiment froid. Fallait pas que je vienne sans veste, aussi...
Je sors de mon petit sac mon journal de l'étudiant, dans l'espoir de pouvoir faire quelque chose de mon temps.
Je regarde mon horaire, histoire de pas être paumé comme à chaque fois que j'arrive à l'école.
" Lundi 03/07: Présentation du festival et attribution des corvées, deux premières heures, salle de la section "
Ah, on va expliquer le festival. Comme chaque année.
Je suis sûr que comme chaque année, je vais être chargé de la musique et de certains chants... Quelle plaie. J'espère seulement ne pas me retrouver, comme l'an dernier, avec Nakamura, en préparation des décorations et costumes... Et pas faire l'administration non plus...
Je me sens épuisé rien que d'imaginer ça.
La section, le bruit, les corvées... et...
Mitsukane Eiji. Est-ce qu'il va participer?
Je tressaille à cette idée.
Non, il n'est pas là depuis longtemps, peut-être qu'il ne sera pas obligé d'y participer...
Je me sens étrange, comme.. impatient. J'ai très envie de savoir, savoir s'il sera là, savoir ce qu'il fera.
Pourquoi est-ce que ça m'intéresse autant? C'est vrai, je déteste tout le monde, et tout le monde me déteste.
Malgré tout, j'ai du mal à lui en vouloir.
Parce que... vendredi, je ne voulais pas partir, je ne voulais pas qu'il parte non plus.
Pour la première fois depuis très longtemps, je me suis senti attendu, important et désiré. Il m'attendait. Rien que moi.
Il voulait que ce soit moi.
Même si ça ne concernait qu'un problème de math, il voulait que je lui explique.
Malgré que j'ai toujours été classé au dessus de tout le monde, personne ne m'a jamais demandé d'aide.
Mitsukane Eiji, lui, l'a fait.
Mon train entre en gare, et je me lève, surpris. Il est déjà là?
Je pense que je me suis perdu dans mes réflexions.
Je monte, et une demie heure plus tard, je sors à la station de l'école. Oui, l'école à sa propre gare.
Il est à peine 5 heures et demie, il gèle et il n'y a personne.
Je vais juste retourner au dortoir, et attendre que l'école commence. Je vais aussi prendre une petite douche, et mettre mon uniforme.
Je prends l'ascenseur, tout est vide et je me sens comme le héros d'un film, s'aventurant dans un lieu interdit et silencieux... Je rentre dans mon dortoir, et je me jette sur mon lit.
Je suis tellement content d'être seul dans ce dortoir. S'il y avait eu quelqu'un d'autre, j'aurais faire plus attention.
Et Dieu sait comme je m'en fiche, des autres, moi. J'ai vraiment envie de dormir, là, allongé sur mon lit, mais je dois me bouger.
Je me traîne sous la douche, à moitié endormi. Je me dépêche de m'habiller, même si on ne peut pas dire que je sois vraiment règlo avec le règlement.
Je porte mon uniforme d'été, qui est trop large de tous les côtés, avec mon écharpe, et les barrettes dans mes cheveux désordonnés.
Alors que je les passe dans mes cheveux, croisant et décroisant les pierres colorées qui les ornent, je repense aux paroles de Mitsukane-senpai.
"Pourquoi tu portes des barrettes?"
C'est vrai que c'est plutôt atypique pour un adolescent, mais mis à part les profs, personne ne me l'a jamais fait remarquer.
Est-ce qu'il me trouve bizarre?
Sûrement, tout le monde me trouve bizarre. Et c'est bien mieux comme ça.
Je finis de me préparer, et vais me poser sur mon bureau. C'est tellement en désordre que je dois fouiller pour rassembler les quelques feuilles de cours que j'ai. Je les scrute attentivement.
Je ne peux même pas me relire. Il n'y a que mon journal de l'étudiant qui est plus au moins propre.
Je tire mes tentures, l'entêtement. Le soleil s'est levé dehors, le ciel est bleu.
Il est presque 8 heures. Je vais descendre.
Déjà, des tonnes d'étudiants sortent de leurs dortoirs. Tsk. Ça m'énerve déjà. Je sors du couloir, trop de monde dans l'ascenseur... je vais prendre les escaliers. Je traverse à nouveau le petit couloir, pour rejoindre les escaliers, de l'autre côté.
Alors que je commence à descendre, je me trouve nez à nez avec Mitsukane-senpai, qui remontait à contre sens.
⁃ Matsuoka-kun!
⁃ Ah... Mitsukane-senpai..
⁃ Tu prends aussi les escaliers?
⁃ Trop de monde dans l'ascenseur.
⁃ Moi aussi, je trouvais qu'il y avait trop de monde, alors je suis descendu. Mais j'ai laissé tomber quelque chose, et je n'arrive pas à le retrouver.
⁃ Perdu quelque chose?
C'est pour ça qu'il remontait dans l'autre sens.
⁃ Oui... un misanga*. C'est ma sœur adoptive qui me l'a fait quand j'étais à l'hôpital.
Il était à l'hopital? C'est pour ça qu'il a été transféré en milieu d'année?
Sa sœur adoptive?
Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis senti concerné.
⁃ C'est un porte-bonheur?
Il a hoché la tête.
⁃ Oui, mais c'est pas très important. Allez, viens, on va être en retard en cours si on ne part pas maintenant!
⁃ Mais... le misanga...
⁃ C'est rien de grave.
Il m'a entraîné par le bras et nous avons commencé à courir dans les couloirs. Nous sommes arrivés à la salle de la section, ayant traversé tout le campus en courant, essoufflés, quelques minutes avant le début des cours. Devant la porte, je ne sais pas bien pourquoi, mais nous nous sommes regardés, et comme si c'était naturel, nous avons éclaté de rire.
Ses yeux étonnamment verts brillaient, ses longs cheveux tombaient sur ses épaules, et malgré que son sourire me semblait extrêmement triste, son rire avait quelque chose de sincère, comme s'il disait " Merci de me laisser rire"...
Je me sens touché, sans pouvoir l'expliquer d'une façon ou d'une autre.
⁃ On rentre?
⁃ Ouais.
Nous entrons quand la cloche sonne. Nakamura, Aoki et Nakajima sont déjà là, et installent les chaises autour de la table, en cercle. Ils ont l'air étonnés de nous voir ensemble.
⁃ Bonjour, tout le monde, salue Mitsukane-senpai.
Ceci auquel répondent tous les autres, joyeux.
Moi, j'dis rien, parce que j'ai pas vraiment envie.
Nakamura sourit à Mitsukane-senpai, un grand sourire, ce qui m'irrite plus qu'autre chose. Petit à petit, les autres arrivent. Kuze, Atsuka, Yuuki, Saito... bientôt, tout le monde est en place, assis autour de la table, et Nakamura commence son speech.
⁃ Bonjour à tout le monde! J'espère que vous êtes prêts à commencer le festival de bonne foi.
Je ne comprends pas pourquoi elle me regarde avec un air...
⁃ Je vais d'abord expliquer le principe, pour Mitsukane-senpai, qui vient seulement de nous rejoindre. Le festival d'été de l'Académie dure sept jours. Durant une semaine, les élèves de toutes classes et années confondues donnent toutes sortes de représentations, spectacles, organisent des jeux, des cafés, et d'autres choses. La section spéciale ouvre ses quartiers, et en général, tient un stand intérieur et extérieur. Nous donnons aussi une représentation musicale, en groupe, et avec Matsuoka, seul.
Elle marque une petite pose et me lance un petit sourire narquois, l'air de dire qu'elle va me ridiculiser. J'ai envie de la frapper, maintenant. Retiens-toi, Akira, si tu cries maintenant...
Ah, elle reprend.
⁃ Le festival d'été est donc très important pour l'école et la section, alors prenez-le bien au sérieux. Ah, Mitsukane-senpai, concernant le fait que tu me relayera sûrement pour la présidence du conseil...
Il lui lance un regard interrogé, et penche un peu sa tête sur le côté.
⁃ Je vais t'aider à persuader les gens de voter pour toi, malgré que la tradition de cette école dise que c'est automatiquement le plus âgé de la section spéciale qui devient le président du conseil! Le tout, c'est de te faire apprécier de tout le monde! Mais bon, dans ton cas, ça devrait pas être difficile : tout le monde t'adore déjà!
⁃ Euh.. Si tu le dis, Nakamura-san...
Il lui sourit, et elle lui rend son sourire.
⁃ Bon, concernant les tâches à attribuer... Nous allons faire une sorte de comédie musicale courte, de plus au moins 20 minutes, ainsi qu'un café servant toutes sortes de spécialités étonnante. La comédie se jouera tous les jours, et le café, trois jours intérieurs et le reste dehors... La représentation musicale que fera Matsuoka-kun se donnera juste avant la fin du festival, avant les feux d'artifices, et donc, avant que Mitsukane-senpai soit désigné comme président! Est-ce bien clair pour tout le monde?
Oui général.
⁃ Maintenant, passons à la distribution des tâches.. Nous avons besoin de quelqu'un à l'accueil pour notre café, à l'intérieur et à l'extérieur, mais ça, c'est seulement pour la semaine du festival. Concernant le reste, il nous faut ceux qui vont faire les costumes, le scénario, les décors, les courses, et la musique. Tout le monde aura bien évidemment plusieurs rôles. Une fois le scénario écrit, on définira les rôles de chacun dans la comédie. Voila, quelqu'un a un choix particulier?
Kuze-kun lève sa main.
⁃ J'écrirai le scénario de la pièce.
⁃ C'est bien toi, ça, lance Nakajima.
Nakamura attrape une feuille et un crayon, posés sur la table et se met à noter.
⁃ Moi, je veux bien m'occuper de la cuisine et des courses, sourit Saito, bientôt soutenue par Aoki.
⁃ Je t'aiderai.
⁃ J'aiderai avec les décors, finit par se décider Nakajima.
⁃ Bien, bien, fait Nakamura en hochant la tête. Personne ne veut faire l'administration? Nacchi?
Le pauvre Atsuka, le plus jeune d'entre nous, se tortille sur sa chaise.
⁃ Ça me fait peur...
⁃ Alors, tu aideras pour les costumes. Mitsukane-senpai, tu voudrais faire quelque chose en particulier?
⁃ Je vais faire l'administration, et j'aiderai pour les costumes.
⁃ Merci. Il ne manque plus que Tsukiyo, Matsuoka et moi.
Nakamura me regarde d'un air mauvais.
⁃ Tsukiyo, tu veux bien faire l'administration aussi? On doit être plus que ça... et aider pour les choses dont les autres auront besoin?
⁃ Je veux bien.
Yuuki Tsukiyo passe une main dans ses cheveux et sourit.
⁃ Matsuoka.
C'est mon tour, ça y est.
⁃ Te concernant, comme je participerai également, tu feras l'administration à tour de rôle, t'occuperas de la musique et de ta chanson... choisis la bien... et tu aideras les autres pour les costumes... enfin... Moi, je serai là pour combler tous les vides et vous aider quand vous aurez besoin de moi. C'est tout.
Je me tape encore l'administration..  sérieux, moi, à accueillir des gens avec le sourire?
Elle se fout de moi? Et comme d'habitude, je vais faire la musique. Chanter seul ne me dérange pas, je dirais même que j'aime chanter, ou à la rigueur, c'est la seule chose que je sais faire, mais pour jouer du piano pour des comédies musicales et leur apprendre à chanter...C'est trop pour moi. Tout le monde se remet à bouger, et je me lève de ma chaise pour aller faire un petit tour et acheter à boire.
⁃ Matsuoka-kun?
Je me retourne. Ses cheveux bruns glissent devant son épaule, et il sourit. Ses yeux verts scintillent, reflètent le soleil qui s'infiltre dans le bâtiment par les fenêtres du couloir.
⁃ Oui?
⁃ Tu fais de la musique?
Je peux lire la curiosité sur son visage, mais il est calme et posé. Je secoue la tête.
⁃ Ouais, si on peut dire...
⁃ Tu... pourrais chanter pour moi?
⁃ Chanter?
⁃ Oui....
Il semble d'abord assez évasif, avant de se reprendre et de lancer :
⁃ Si ça te dérange, tu n-
⁃ Je le ferai!
Si tu veux m'entendre chanter, je chanterai pour toi. Parce que tu m'as demandé à moi.
⁃ Vraiment?
⁃ De toute façon, je suis collé à l'administration avec toi, j'aurai tout le temps pour t'aider...
Il me sourit, et à l'air de se réjouir d'avance.
⁃ Je ne sais pas quand on doit commencer à se préparer...
⁃ Cette semaine... Toutes les heures en section de juillet vont servir à ça, donc on aura sûrement le temps de se préparer à l'avance...
⁃ C'est vraiment quelque chose, ce festival! Rien avoir avec ce que j'ai connu avant...
Une petite lueur de mélancolie passe dans ses yeux.
⁃ Viens me voir la semaine prochaine, juste après les tests mensuels! Cette semaine, tout le monde va être occupé à réviser, mais après, on aura tout le temps pour ça!
⁃ Oui, je viendrai... Après avoir réussi math!
Il me fait un clin d'œil, puis me salue avant de retourner dans la salle de la section.
Je me sens tout excité, comme si j'étais motivé, chose qui me manque depuis tellement longtemps, m'enfin, tant mieux. Je m'achète à boire, puis passe à la supérette de l'école pour prendre un sandwich et aller le manger dehors quand il sera midi. J'essaye d'éviter la cafétéria et Shinomiya aussi, parce.. parce que ça serait embêtant que Mitsukane-senpai soit au courant de ce que je fais...
Je monte jusqu'à ma classe, rentre et m'installe avant que la cloche sonne.
Dès que les cours commencent, je me laisse absorber par les réflexions...
Qu'est-ce que je vais chanter... pour le festival... pour Mitsukane-senpai...
Une musique douce? Forte? Triste? Heureuse?
Je me rappelle de ses cheveux trempés, de ses yeux brillants, verts...
Que je l'ai attendu des jours et des jours sans rien savoir de lui... 
Je veux chanter une chanson pleine de mes heures d'attente données à quelqu'un que je voulais atteindre, pleine de ces souvenirs minces mais très importants pour moi... Je vais chanter une chanson que j'aime.
Elle prendra son sens avec le temps... Si senpai reste avec moi.
Ma journée s'écoule si vite que je ne vois pas le temps passer. Déjà, je suis devant la porte de la salle de la section, pour récupérer mes affaires dans mon casier...
J'entends les voix de Nakamura et de Mitsukane-senpai. Je m'arrête net, la main sur la poignée de la porte.
Nakamura rit, et explique peu à peu à Mitsukane-senpai comment faire pour se faire apprécier des autres.
Je peux presque voir son sourire sur ses lèvres à travers la porte.
" Tu sais, étant donné que tu fais déjà bonne impression, je pense que tu n'auras pas vraiment besoin de faire énormément d'efforts pour te faire apprécier. Le tout, c'est juste que tu dois donner aux autres confiance..."
"Confiance... En moi?"
"Oui! Et tu dois, avant tout, te faire confiance! Je te promets que je t'y aiderai."
"Merci, Nakamura. "
"Puisqu'à partir de maintenant, tu vas me voir assez souvent, tu peux m'appeler Miyako."
Elle lui demande de l'appeler par son prénom? Alors...
"Si tu veux... Alors, appelle moi Ei-
J'ouvre la porte en fracas, parce que je ne supporte plus d'écouter leur discussion. J'ai assez entendu d'histoires pour savoir comment ça va finir, ça. Ils se rapprocheront...et...
Je m'engouffre en courant dans la pièce, entre dans les casiers, récupère mes affaires et ressort. Je les regarde, chacun dans les yeux, et je peux sentir le mal-être à travers le silence qui s'est installés entre nous. Je ne veux pas, mais je ne peux pas m'en empêcher de leur dire :
⁃ Bah, Nakamura, appelle-le Ei..
Je ne peux même pas le dire, moi...
⁃ Nan, laisse tomber. Je vous laisse.
Je sors, en courant du plus vite que je peux, je veux retourner dans les dortoirs...
J'entre dans mon dortoir, et me laisse tomber par terre.
Pourquoi je me sens si mal à l'aise?
J'ai l'impression que je ne pourrai plus les regarder dans les yeux. Je me sens dégoûté, pourtant... Moi aussi, je me suis retrouvé seul avec lui, l'autre jour.
Mais elle... parce que c'est une fille... et qu'il est avec elle..
Je me sens frustré.. J'ai les larmes qui me viennent aux yeux, pourtant je ne suis pas triste...
Je ne veux pas qu'ils se rapprochent.
Je ne sais pas pourquoi, mais mon cœur se serre quand j'y pense.
Je ne veux pas de ça.

Jour de pluie (Ame no Hi) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant