16. [Eiji]

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16.[Eiji]
Lundi 19 octobre 2013,

Un mois est passé depuis l'autre fois, et ma vie n'a pas vraiment changé. Chaque jour, j'ai continué de voir Akira, d'aller en cours, et de m'habituer à cette situation qui me semble agréable, sans me soucier de tout ce qui pouvait me déranger avant.
Je voulais vivre en me débarrassant de ce qui me faisait peur, et j'ai sincèrement pensé que ça n'allait jamais me rattraper.
Mais je me suis trompé.
Même si c'est différent.
L'aube se lève, je suis sorti tôt, pour aller courir. Je ne cours jamais d'habitude, et pourtant ce matin, une motivation étrange m'a pris, ainsi qu'un besoin de réfléchir, alors j'y suis allé. Je n'ai pas réveillé Akira.
Il n'y a presque personne sur le campus, tout le monde se réveille lentement, et j'ai le temps de m'arrêter un peu plus longtemps pour regarder les jardins d'Appollonia. Ils sont vraiment beaux, malgré que les fleurs commencent à faner, et que le paysage vire au brun-oranger. Je n'ai que de vagues souvenirs de ma mère, mais je sais qu'elle adorait les fleurs. Elle aurait sûrement aimé être ici. J'ai des tas de choses qui me reviennent, des choses que j'aurais voulu oublier, des craintes, et quelques joies, aussi. Je crois qu'il y a simplement des jours comme ça, et qu'on ne peut rien y faire.
    ⁃    Eiji... Je t'avais pas entendu partir.
Voilà Akira, les cheveux mouillés et les joues rougies. Il fait froid, et il est juste en chemise.
    ⁃    Tu n'étais pas obligé...
    ⁃    J'arrivais pas à te trouver. J'ai couru partout... J'ai de l'endurance, mais là, je suis épuisé. J'aurais pas dû me laver avant de venir.
Je ne peux pas m'empêcher de rire.
    ⁃    C'est plutôt maintenant qu'une douche serait nécessaire?
    ⁃    Pourquoi tu rigoles encore, toi?
Il veut me donner une petite tape sur la tête, alors je m'abaisse, mais monsieur me regarde de travers.
    ⁃    Tu te fous de moi?
    ⁃    Je mesure dix centimètres de plus que toi...
    ⁃    Ça change rien. Je vais quand même arriver à te taper sur la tête. Tu m'as pris pour qui?
Son expression déterminée est plutôt drôle, mais je me retiens de rire pour cette fois.
J'ai bien fait. En moins de dix secondes, il fait le tour de moi, m'attrape les deux mains et me les retourne dans le dos, puis me donne un coup dans les creux des genoux, ce qui me met à terre. Il a été doux mais me tient fermement. Il me donne ma petite tape sur la tête.
    ⁃    A-chan... tu fais... du judo?
    ⁃    J'appellerais plutôt ça du self-défense. Mais je t'ai eu.
    ⁃    Je me rends, tu as gagné.
    ⁃    Je gagne toujours, en fait.
Je me relève quand il me lâche, et je lui passe ma veste d'uniforme.
    ⁃    Tiens. T'as l'air gelé.
Akira rougit un peu, mais prend ma veste.
    ⁃    On va à l'intérieur?
Il hoche la tête, et je l'entraîne en le prenant par les épaules.
Le soleil brille maintenant, et les étudiants commencent à arriver de partout.
On entre dans la salle de la section, et Miyako nous salue d'un air maussade. Je lâche Akira, et je dépose mes affaires. Je ne veux pas le gêner... Parce qu'il est avec moi, maintenant, et je ne voudrais jamais qu'il disparaisse.
    ⁃    Eiji-senpai, Akira-senpai!
On se retourne tous les deux en même temps, et on le regarde. Voilà Jiro, comme d'habitude, aussi énergique. Il a l'air inquiet.
    ⁃    Jiro, tout va bien?
    ⁃    Bah... Euh...
    ⁃    Vas-y, crache le morceau, lance Akira.
    ⁃    Non... c'est vraiment pas grave.
Je peux sentir l'inquiétude et le stress dans sa voix mais... je ne peux pas l'obliger à nous parler. J'échange un regard entendu avec Akira, juste avant que la cloche sonne. Matsuoka-sensei entre dans la pièce alors que les autres entrent en vitesse, et on s'aligne en un rang de chaises.
    ⁃    Bonjour tout le monde... Akira, t'es à l'heure en cours?
Il lui répond sèchement, et d'un air arrogant que je ne lui connais pas vraiment.
    ⁃    Bah ouais. T'as un souci?
    ⁃    Pas besoin de me parler comme ça.
Elle lui a répondu calmement, un sourire aux lèvres, très calme. Elle doit avoir l'habitude de lui.
Jiro laisse échapper un petit gloussement, accompagné par le reste de la classe et par un regard noir d'A-chan.
    ⁃    Bon, on va commencer.
Cours de musique, hein...J'ai pas vraiment de don dans ce cours, et j'aime pas trop ça, mais l'idée d'écouter A-chan me plait bien.
    ⁃    Mettez vous tous en ligne, debout, en face du piano.
Nous nous retournons tous, et elle va s'asseoir au piano, me tendant un petit paquet de feuilles. Je les fais passer aux autres et j'en garde une.
    ⁃    C'est le titre de la chanson de la chorale de ce trimestre? demande Tsukiyo, avec un air plutôt enthousiaste.
    ⁃    Oui, enfin c'est la chanson jusqu'au prochain bulletin, et c'est dans pas très longtemps, alors essayer de vous dépêcher à l'étudier. Mitsukane-kun, tu peux lire le titre tout haut, s'il te plaît?
    ⁃    Konayuki, de Remioromen.
    ⁃    C'est ça, oui. Bon, tout le monde, commençons à chanter. Essayez juste de suivre avec moi et la musique, jusqu'à la fin du premier paragraphe. 3,4..1234!
    ⁃    Konayuki, mau kisetsu wa...
J'essaye de suivre le mieux possible, et j'écoute la voix d'Akira à côté de moi. Rien que lui seul arrange notre harmonie maladroite et rend notre musique passable. Miyako ne chante pas mal non plus.
J'aurais aimé vivre ce genre de moments avant... avant de détester l'école, et d'avoir peur la nuit... de faire des cauchemars et des crises d'angoisses.
Les gens sont tellement durs avec leurs jugements, qu'on finit par avoir peur d'être soi-même.
A-chan me sourit, et me secoue doucement.
    ⁃    Eiji... Eiji! Tu dois arrêter de chanter!
Je me rends compte que je chantais seul, perdu dans mes pensées.
Je suis trop perdu dans mes pensées, parfois.
    ⁃    Bon, on reprend, attention à ne pas pousser votre voix trop haut, et à rester stable.
Je hoche la tête, et on reprend.

Jour de pluie (Ame no Hi) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant