Chapitre 14, Le jugement

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Aphrodite ferma un instant les yeux, accusant le coup sans broncher.

-J'avais espéré que ça marcherait, soupira-t-elle.

-Ça n'a pas marché, trancha Cupidon d'un ton dur.

Depuis le jour où Sally lui avait dit qu'elle ne l'aimait pas, son coeur n'avait cessé de saigner. Le problème, avec ces corps d'humains, c'est que son coeur saignait vraiment. C'était le cas en ce moment même, une tâche rouge venait d'apparaître sur la belle tunique de soie divine. Mais il ne pouvait pas reprendre sa véritable forme car Sally risquerait de ne pas supporter son aura de dieu, il en allait de même pour Aphrodite.

Cette dernière loucha sur le sang qui imbibait le tissu.

-Ça va ? Tu ne veux pas te refaire un corps ?

-C'est bon, je vais tenir.

Il n'avait pas le temps pour intégrer une nouvelle enveloppe, car leur fabrication durait 20 heures, qu'il n'avait pas envie de perdre.

À cet instant, Cupidon ressentait un immense vide en lui. D'un côté il voulait se mettre en colère, hurler, taper contre les murs et maudire le monde entier. De l'autre, il souhaitait juste se tapir dans un trou, la tête dans ses genoux et pleurer, pleurer, pleurer.....

Aphrodite se leva, ébouriffant ses cheveux d'or liquide, il savait que cela voulait dire qu'elle était nerveuse.

-Les autres vont vouloir te voir, dit-elle, il faut trouver une solution, et vite.

Il savait qui étaient « les autres », et il n'avait pas envie de se répandre en palabres avec eux, mais il n'avait pas le choix.

-Allons-y.

Ensemble, ils prirent un char volant pour se rendre au Palais de la Foudre, centre de l'Olympe et demeure de Zeus.

Ce n'était pas la première fois que Cupidon était convoqué au Conseil des Douzes, mais jamais il n'avait jamais eu si peu envie d'y aller.

Les gardes, pour la plupart des petits dieux, des demi-dieux et des héros, leur ouvrirent une à une les portes, toutes plus majestueuses les unes que les autre,  jusqu'à arriver à la Salle du Conseil. Les immenses portes de bronzes, conçues pour être deux fois plus hautes qu'un géant, se dressaient devant lui, les statues mouvantes qui couraient dessus s'échangeaient sans cesse des éclairs qui illuminaient le couloir d'éclats éphémères. Les Portes de la Foudres, comme on les appelaient, s'ouvrirent toutes seules à leur arrivée. Ils entrèrent dans l'immense salle circulaire. Là, Aphrodite alla rejoindre son siège de Conseiller, qui l'attendait au côté des autres.

Les Douzes étaient déjà là, affichant pour la plupart un air préoccupés. Aphrodite, Apollon, Arès, Artemis, Athéna, Héphaïstos, Hera, Hermès, Poseidon, Dionysos et Zeus. Cupidon sentit son corps d'humain frémir sous la puissance des auras des dieux, un peu plus et il s'effondrait.

-Tu sais pourquoi nous t'avons convoqué, commença le Dieux des dieux.

Le dieu de l'Amour s'agenouilla et hocha la tête.

-À cause de cette crise de sentiments ridicules, nombres de pays sont au bord de l'implosion, siffla Hera.

Elle n'aimait pas Cupidon car c'était un enfant hors-mariage, depuis des millénaires, tous les enfants illégitimes subissaient ses malédiction. Cupidon avait la chance d'être un dieu à part entière, pas un des enfants mortels de Zeus, sinon il ne serait sans doute plus de ce monde.

-Calmons-nous, proposa Athéna, l'amour du dieu de l'Amour n'est pas à prendre la légère, on ne contrôle pas ses sentiments.

Zeus approuva d'un signe de tête.

-Je suis d'accord, il n'empêche que nous sommes dans une situation délicate. Les autres Îles Célestes nous reprochent ce désastre, et nous déplorons tous les problèmes que cette absence d'amour ont pu engendrer. Dis-moi, as-tu une idée du moyen de réparer cela ?

Le blondinet déglutit discrètement.

-Qu'elle m'aime. Il faut qu'elle m'aime. Mais je crains que ce ne soit impossible, fit-il.

-Courtise-la, répliqua froidement Hera. Ce n'est pas compliqué. Es-tu incapable à ce point ?

-Il l'a fait, l'interrompit Aphrodite.

-Tu n'es pas objective, il l'a sans doute mal séduite.

-Je ne crois pas, puisque c'est moi qui ait tout préparé.

Les autres dieux se turent, le talent de la déesse dans la séduction était légendaire, et certains des dieux présents y avaient succombés.

-On ne force pas le coeur, conclut la mère de Cupidon.

Un silence lourd de sens s'installa dans l'immense pièce.

-Mais alors, qu'allons-nous faire ? demanda Artemis d'une voix aux accents désespérés.

-J'ai ma petite idée, glissa Aphrodite.

Tous les dieux se tournèrent vers elle, Cupidon jeta un regard étonné à sa mère. Jamais elle ne lui avait parlé d'une solution.

-Parle, ordonna Zeus.

-J'ai pris connaissance d'un philtre d'amour conçu spécialement pour les dieux. Sa puissance sur les sentiments est absolue. Si nous l'utilisons sur cette jeune fille, nous pouvons être sûre qu'elle tombera amoureuse....

-Je ne connais pas une telle potion, dit Athéna, les sourcils froncés.

-Je vous communiquerai la recette, affirma la belle blonde.

-Non ! s'exclama soudain Cupidon. Je refuse !

Douze paires d'yeux se dardèrent sur lui.

-Et pourquoi, je te prie ? s'enquit Hera.

-Je.....je ne veux pas forcer Sally. Ce n'est pas sa faute si je suis tombé amoureux d'elle. Je ne peux pas l'aimer en sachant que tout n'est pour elle qu'une illusion.

-Tu n'as pas le choix, trancha Hera.

Les autres dieux semblaient l'approuver, en désespoir de cause, il se tourna vers Zeus.

-Nous essaierons ce plan, déclara-t-il.

-Non ! S'il vous plaît !

-Ma décision est irrévocable.

-Une dernière chose, fit Aphrodite en se levant pour marcher vers son fils. Pour que mon plan fonctionne, il y a une condition obligatoire.

-Laquelle ? demanda Athéna d'un ton agacé.

-Celle-ci.

Aphrodite mit sa main sur la poitrine de Cupidon et déchargea soudain presque toute son énergie divine en lui.

Que fait-elle ?! Non ! Elle ne doit pas faire ça ! Ce corps va.....

Cupidon se mit à saigner par tous les orifices, un filet de sang lui coula de la bouche alors qu'un feu intérieur dévorait ses chairs.

-Pour.....quoi....? réussit-il à articuler avant de s'effondrer sur le sol.

La douleur se tut soudain, tout devint flou, il connaissait cette sensation.


Elle a tué mon corps d'emprunt, mais pourquoi ?



Pour information, c'est l'avant-dernier chapitre. À la semaine prochaine pour la fin ! J'espère qu'elle ne vous décevra pas.

Cupidon est chiant quand il est amoureux...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant