4.

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Six jours. Presque une semaine que j'attendais que Harry me donne un signe de vie. Qu'est-ce qu'il attendait ? Ok, il n'a pas mon numéro mais il sait où j'habite, non ? Un mot dans la boîte aux lettres, ça ne coûte rien. Et c'est romantique ! Et puis il sait même où je bosse. Mauvais plan. Non, non, non. La dernière chose que je veux, c'est que Carl sache que je vois son frère.

J'étouffai alors un cri d'horreur. Harry se trouvait dans l'ascenseur, son éternel sourire aux lèvres. Il est vraiment, vraiment craquant. Je fis comme si je ne l'avais pas vu, feignant de répondre à un mail.

Je sais que tu m'as vu, dit-il. Et ton ordinateur n'est même pas allumé.

Je ne relevai pas et levai la tête vers lui.

Je passe te prendre ce soir.

Je fis mine de regarder mon agenda.

Anastasia, grogna Harry en me le prenant des mains.
Ana, corrigeai-je.

Il ouvrit mon agenda et se mit à le feuilleter.

Ana. Alors ? Pour ce soir ?
Tu vois bien que je suis libre, non ? dis-je entre mes dents en faisant référence au fait qu'il tenait mon emploi du temps entre les mains.

Et que tu dois aller acheter des tampons demain, rit Harry.

Mes joues virèrent au rouge vif. Je me levai d'un bon et lui arrachai mon petit cahier des doigts, lui, riant aux éclats.

À ce soir. 19 heures, précisa-t-il.

Il opéra un demi-tour et se dirigea vers l'ascenseur. Il pressa le bouton pour appeler l'engin et s'y introduisit alors que les portes en acier s'ouvraient.

N'oublies pas les tampons ! cria-t-il.

Je lui brandis mon majeur droit furieusement et son rire empli la pièce une fois de plus.

Je le déteste. Et je me déteste. Et qu'est-ce qui me prend d'écrire d'aller acheter des tampons dans mon agenda ? Suis-je folle ? Je me rassis et le feuilletai vaguement. Mes yeux s'arrêtèrent alors sur les trois mots que je haïssais le plus. Déjeuner Papa Maman. Samedi midi.

Je mange avec mes parents une fois par mois. Et aussi pour les vacances de Noël. Dieu merci, le trajet est trop long pour que ce soit plus fréquent. C'est le moment le plus horrible du mois. Même mon cycle menstruel n'est que de la guimauve à côté de ça. J'adore mes parents. Vraiment. Ce que j'aime pas c'est déjeuner avec eux quand ma sœur est là. C'est toujours la même rengaine. Jenna par-ci, Jenna par-là. Vous voyez le truc. J'aime ma sœur. Bien sûr que je l'aime. Mais si un jour je devais choisir entre elle et une part de lasagne, les lasagnes l'emportent.



~


Et tu fais quoi dans la vie ? demandai-je en portant ma fourchette emplie de gnocchi aux champignons à mes lèvres.

Il avala ses pâtes aux Quatre Fromages et s'essuya la bouche,

Je suis prof.
Ah ouais ? Prof de quoi ?
De tout, répondit Harry en haussant les épaules.
De tout ? Tu te fiches de moi ? dis-je en levant un sourcil.
Oh ! rit-il en posant son dos contre le dossier de sa chaise. Alors tu es de ces gens qui chipotent entre instituteur et prof !
Bien sûr. C'est totalement différent ! me défendis-je.

Harry avala la gorgée de vin blanc qu'il venait de boire et éclata de rire, attirant quelques regards noirs des gens présents dans le restaurant.

Je trouve ça étrange, mine de rien. Que tu m'aies répondu ce que tu faisais comme métier. Enfin tout le monde fais ça. Mais si ça se trouve, je te demandais tes passions, tes hobbies, tout ça quoi, dis-je en haussant les épaules

Il s'arrêta de rire et me regarda. Intensément. Comme de la fascination ? Ou alors de la perplexité ? Quoi ? C'est vrai. Pourquoi les gens se sentent obligés de répondre leur profession à la question "Que faites-vous dans la vie ?"

L'art. En général. J'aime beaucoup la peinture, la musique aussi. Et l'écriture, répondit-il.

J'éclatai de rire et il fronça les sourcils.

Quoi ?
L'art ! Y a rien de plus ennuyant, expliquai-je en faisant une grimace de dégoût.

Il avala de travers et se mit à tousser.

Tu rigoles ?
Bah non.
L'art...c'est juste. Le seul truc que tout le monde peut comprendre. C'est la seule chose qui rassemble tous les êtres humains, quoi. Pas besoin de mots ou de geste pour capter ce que l'auteur veut faire passer, balbutia-t-il les sourcils froncés.

Il était comme frustré. Et presqu'agacé.

Blablabla, rétorquai-je en feignant un bâillement et en roulant des yeux.

Je lui jetai un coup d'œil. Ses traits étaient tirés comme s'il se retenait de m'envoyer son assiette de pâtes à la figure.

~


Je m'emparai de son téléphone et y enregistrai mon numéro, alors qu'il se garait devant l'immense portail de la résidence.

Comme ça, la prochaine fois t'auras pas à débarquer au boulot, expliquai-je.

Un sourire se dessina le long de ses lèvres.

Pourquoi tu souris ?
Tu as dit "la prochaine fois".
Je sais ce que j'ai dit, me braquai-je.

Je posai mon regard droit devant moi, le sien me brûlant l'échine.

Je suis pas si horrible comme ravisseur, on dirait.
Tu l'es, rétorquai-je en sortant du tacot. C'est seulement que je suis faible.

Je fermai la porte derrière moi. Harry sortit de la voiture et me rejoint. Je m'adossai contre le portail.

Peu importe. Tu veux me revoir, murmura-t-il.

Il s'approcha de moi, ses boucles brunes me chatouillant le front. Harry n'avait plus que quelques millimètres à parcourir avant de déposer ses lèvres sur les miennes. Je tournai la poignée du portail et poussai la porte métallique, m'écartant. J'offris un sourire à Harry et il hocha la tête avant de reculer. Il se tourna finalement et grimpa dans ce qui lui servait de voiture en me jetant un dernier regard.

Tu m'appelles ? demandai-je.

Ma voix me trahie. Elle sonnait plus aiguë que d'habitude, donnant une pointe de supplication à ma question. Je me retins de me gifler. Il baissa la vitre du côté passager.

De quoi ?

Je ne sus pas trop si il n'avait vraiment pas entendu ou s'il voulait juste que je répète pour son ego.

Non rien, marmonnai-je.

Harry leva et les épaules et démarra. Je le regardai s'éloigner au loin, priant qu'il m'appelle au plus vite.

catchit // hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant