Chapitre 6 - Une belle balade

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Je pus apprécier quelques secondes de solitude avant que les filles ne reviennent dans la chambre, Rosalya évitant assez soigneusement de croiser mon regard. Il était huit heures pétantes quand le professeur de sport arriva dans la cour, traversant la brume matinale en petites foulées. Tout le monde s'était rassemblé dans un brouhaha discret, toujours répartis en groupes. J'aperçu Castiel, arrivant en traînant la patte et en baillant sans retenue, s'adosser au bâtiment duquel nous sortions. Les muscles de ses bras roulaient sous sa peau nue, n'ayant pas pris la peine d'enfiler un pull malgré le froid.

Le professeur expliqua d'une voix forte et claire que l'itinéraire de la course serait le même que d'habitude, dégageant un large nuage de vapeur devant sa bouche. Cet homme entre deux âges avait l'air sévère, les cheveux coupés courts et rasé de près, un peu comme un militaire. La façon qu'il avait de nous aboyer les consignes renforçait cette image de général en chef. J'en avais déjà marre de sa gueule.

On courrait depuis une dizaine de minutes. Dix minutes de calme, rythmées par le claquement de nos pas sur le sentier, l'air glacé s'infiltrant dans mes poumons de façon irrégulière. Je n'avais jamais été bonne en course, mais ces quelques minutes de tranquillité me faisaient du bien, comme si courir me purgeait de ma mauvaise humeur. J'étais restée volontairement à la fin du groupe, pour avoir tout le monde bien en vue, et à part deux mecs qui faisaient la course tous les trois mètres pour impressionner une fille, tout le monde suivait le rythme sans rechigner. Soit le prof savait comment discipliner tout ce beau monde, soit il était encore trop tôt pour que ce soit le bordel.

Les trois anneaux accrochés à mon oreille d'entrechoquaient au rythme de mes pas, et j'essayais de me concentrer dessus pour rester régulière quand je remarquais le type à l'œil tatoué. Il jeta un œil sur moi avant de ralentir progressivement pour se mettre à mon niveau. Levant les yeux au ciel, je continuai mon chemin en l'ignorant, restant proche du groupe, par sécurité.

-Alors, remise de tes émotions la naine ? Demanda-t-il en souriant.

Lui accordant à peine un regard, je continuai ma course dans l'espoir qu'il oublie ma présence. Oui, c'est débile. Le chemin longeait à présent une descente escarpée recouverte de feuilles mortes, dont je ne pouvais voir le bout.

-Eh, quand je parle on me répond ! Lança-t-il en un souffle.

-Ok, répondis-je énervée, Comment tu t'appelles ? Apparemment étonné que je lui pose cette question, il me dévisagea en élargissant son sourire :

-Oulala, la sauvageonne m'adresse la parole !

-La sauvageonne elle t'emmerde, et elle t'a posé une question.

-Et elle devrait faire attention à la façon dont elle me parle, répondit-il en retrouvant son sérieux.

Je secouais la tête et insistai :

-Ton nom.

Il secoua la tête et répondit en soupirant :

-Matt.

-Mathieu, Mathéo, ou Mathias et t'as pas assumé ? Demandais-je.

-Juste Matt, et tu devrais vraiment faire attention, siffla-t-il, menaçant.

-Ok, Matt. Ton rang ?

-A ton avis ? demanda-t-il, une énorme fierté illuminant soudainement ses yeux.

-Je sais pas, répondis-je en tournant la tête vers lui, j'aurais dit E ou F, du genre t'as brûlé une poubelle un jour ?

A l'instant où ces mots sortirent de ma bouche, j'eus comme un doute sur l'intelligence de mon action, qui fut confirmé quand il planta ses yeux morbides dans les miens.

Jouer Avec Le FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant