Fleurs de peau (version longue)

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« Tu vois, au début c'est dans les journaux qu'on a entendu parler de PureSkin. A l'époque, tout le monde se lavait au savon et à l'eau, et on trouvait ça normal. Au contraire, ceux qui ne le faisaient pas puaient, et c'est ça qui était très mal vu. D'ailleurs, pas que les mauvaises odeurs, quasiment toutes les odeurs corporelles étaient mal vues, il fallait sentir le moins possible, ou alors uniquement des parfums artificiels. Et c'est dans cette logique là qu'ils nous ont présenté PureSkin : la peau qui n'a aucune odeur.

— Mais ce n'est pas un changement de peau, c'est juste un changement de bactéries, pourquoi ils l'ont appelée comme ça ?

— C'est une question d'image... et puis à l'époque la plupart des gens ne savaient pas vraiment ce qu'était la flore cutanée, avec son micro-système, et dès que tu parlais de bactérie, dans la tête des gens c'était tout de suite lié à la saleté et à la maladie. Le coté "protecteur" des bactéries n'était pas vraiment mis en avant, surtout par le marketing !

— Il parait que tout le monde voulait être PureSkin quand c'est sorti...

— Ah, non, pas du tout ! Comme je te disais, on faisait la chasse aux odeurs, mais c'était vraiment relié à l'idée de se laver. Avoir une peau qui n'a jamais besoin d'être lavée, ça restait un truc de crasseux... Surtout que ce qui arrivait à la saleté n'était pas très clair, puisqu'on évitait de parler de la flore cutanée. Comme si la peau elle-même la mangeait... Ils avaient beau présenter ça bien, ça n'inspirait pas vraiment confiance !

— Ouais, nous on se serait méfiés direct !

— C'est facile de dire ça après coup, tu es trop jeune pour te rendre compte ! En tous cas, la question ne s'est pas vraiment posée pour la plupart des gens, c'était beaucoup trop cher. Et surtout, c'était un traitement à vie, à renouveler régulièrement... C'était un gadget, un truc de luxe. On en parlait, c'est sûr, mais c'était loin d'être une préoccupation importante. Et ça nous choquait nettement moins que d'autres pratiques. Tu vois, quand Chris Erwin s'est fait greffer des yeux de chat, à partir d'un chat qu'on avait fait muter avec de l'ADN humain pour améliorer la comptabilité, là je te garantis que ça a fait un tollé !

— Mais ce n'était pas contagieux.

— Au début, PureSkin ne l'était pas non plus ! Le problème, c'est que ça a poussé la course à la "non-odeur" beaucoup plus loin. Les produits d'hygiène tentaient de faire aussi efficace, sur des peaux naturelles. Donc ils étaient de plus en plus agressifs, ce qui a affaibli énormément la flore des Primo-cutanés... sans qu'ils s'en rendent comptent forcément. Enfin, les dermatologues ont sonné l'alarme, mais tant que le risque n'était pas majeur les gens n'ont pas écouté. Et de l'autre coté, les créateurs de PureSkin, PScorp, ont tenté de rendre ses bactéries de plus en plus résistantes, pour que le traitement de renouvellement se fasse moins souvent. Pour faire accepter plus facilement l'idée d'un changement irréversible de la peau, ils ne faisaient payer que la conversion, le renouvellement était compris dans le prix et garanti à vie...

— Et personne n'a rien vu venir ?

— Personne qu'on a écouté, à ma connaissance.

— C'est fou. C'est juste complètement fou. Je veux dire, j'ai toujours su que votre génération a complètement merdé en laissant PureSkin se développer, et là tu es en train de me dire que ça a mis des mois avant d'être dangereux, que vous aviez tout le temps de réagir, et que personne n'a rien fait ?

— Ben... justement, c'est tant que ce n'est pas dangereux que personne ne réagit...

— J'en reviens pas. Et les médecins, ils n'ont pas dit que c'était foireux ?

Rêves d'androïdes et challenges SFOù les histoires vivent. Découvrez maintenant