Baisé destructeur

5.4K 247 304
                                    

Point de vue d'Iliana

- Où dois-je vous emmener mademoiselle ?

Depuis que je suis partie, je n'ai pas arrêté de m'essuyer les lèvres, de pleurer et de me contenir pour ne pas vomir une nouvelle fois.

Vomir. Oui mon comportement me fait vomir.

Et le pire c'est que je n'arrive pas à me débarrasser de la sensation, de l'odeur et du goût de cet acte impardonnable. Je n'arrive pas non plus à comprendre comment j'ai pu en arriver là.

- Mademoiselle Harrington ?

Je garde mes doigts contre ma bouche et lève mes yeux larmoyants vers le rétroviseur où Stewart et son flegme naturel m'observent de haut en bas.

- Quoi, je demande d'une petite voix enrouée.

- Où dois-je vous emmener ? Chez vous ?

Non surtout pas. C'est là qu'on viendrait me chercher en premier. Il me faut un endroit où je pourrai rester seule, remettre un peu d'ordre dans mes idées - si c'est possible - et où personne ne viendra me déranger.

- Non. À la crique où nous étions il y a quelques jours.

Je vois les épaules de mon garde du corps se surélever - signe de sa surprise peut-être - mais il n'ouvre pas la bouche pour autant. Parfois, son professionnalisme peut se montrer un peu insupportable mais dans ce genre de circonstances, je dois admettre que ça m'évite des remontrances.

Nous longeons l'océan plusieurs longues minutes puis nous suivons un petit chemin de sable à peine assez large pour faire passer la voiture. Quand nous arrivons enfin à destination, j'ouvre directement la portière pour laisser le vent s'emparer de mon corps. Je ne sens ni le froid ni l'humidité de l'air et encore moins les bienfaits que la mer m'a tant porté par le passé. Au contraire, ce lieu me rappelle des souvenirs douloureux qui ne font qu'accentuer mon mal-être.

- Vous permettez ?

Stewart tient dans ses bras une couverture qu'il pose sur mes épaules tendues à l'extrême. Il a laissé ses lunettes de soleil de côté et ses iris grises me parviennent moins insensibles qu'à l'accoutumée. Aurait-il pitié de l'état dans lequel je suis ? À sa place, je n'en aurais aucune.

- Merci.

Sans un mot de plus, je me détourne et me mets en marche vers la petite plage où je me tenais il n'y a pas si longtemps. C'était quand tout allait encore à peu près bien, quand nous étions encore à peu près heureux. Ce jour-là, je m'étais sentie un temps apaisée. J'avais enfin compris ce que voulait dire "profiter de l'instant présent", avant que tout n'empire. Quand Maureen avait finie par fermer ses jolis yeux, j'avais cru que rien ne pourrait être pire : je m'étais très peu préparée à sa mort. Puis, le jour de son enterrement est arrivé, et c'est là que j'ai compris que je m'étais trompée sur toute la ligne. Les mots qui se bloquent dans la gorge à l'église, la main qui tremble au moment de jeter la rose sur le cercueil et commettre l'acte que je ne me pardonnerai sans doute jamais : ça, c'était le pire dans l'histoire.

Je savais en me levant ce matin que j'allais perdre définitivement ma petite princesse, mais je ne m'étais pas préparée à perdre aussi Jace. Cette idée m'était inconcevable par le passé mais aujourd'hui, elle me paraissait on ne peut plus réelle.

Arrivée au cœur-même de la crique, les larmes me montent encore et toujours aux yeux. De là où je suis, je peux distinctement voir les restes de bois brûlé issus de notre feu de camp. Juste à côté, au sol, de la cire fondue et dans le vent, des rires et des chansons qui me paraissent si lointains. Et ça me fait mal, profondément.

Promesse d'un Avenir (T3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant