Epilogue

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Quelques années plus tard

Point de vue de Jace

Un bouquet de roses à la main, j'avance d'un pas soutenu sur le camaïeu rose des graviers. Pourtant, le ciel est bas, rendant l'air à peine respirable : les nuages gris et épais menacent d'avaler toute once de vie. Un instant, je me demande si cette vision n'appartient qu'à moi car les oiseaux émettent une douce mélodie et les branches d'arbres se balancent doucement au gré du doux vent d'avril : le monde suit son cours, inlassablement et sans contraintes.

Bientôt, je m'avance sur le pelouse. J'étudie en détail chaque sépulture, retrouvant mon chemin grâce aux formes et aux couleurs caractéristiques de certaines pierres tombales ; Bleu Orion, Blanc Crystal, Bois de Rose... Ces noms font bien rêver, mais quand on s'attarde sur les secrets qu'ils gardent, tout le charme s'évanouit. Et puis, je la trouve enfin et tout autour s'efface.

Comme toujours, je reste pétrifié durant de longue minutes, comme si je venais tout juste d'apprendre l'événement et que je souhaitais m'assurer qu'il s'agit bien de la vérité : elle n'est plus là. Je sais pourtant que tout cela est réel : tous les mois, je foule ces mêmes graviers rose et slalome entre ces défunts de pierre qui me mènent à la véracité de mon monde. Puis j'arrive à sortir de mon mutisme, après huit minutes — peut-être dix — de transe et je m'accroupis face au marbre marqué de lettres dorées. Je nettoie la pierre de mes mains, notamment la mousse qui, même avec plusieurs visites par mois  parvient sans mal à marquer son territoire. Quelque peu agacé, je grogne contre cette verdure inappropriée et m'attaque plus précisément aux « A » qui sont sérieusement atteints par le phénomène. Lorsque le tout me paraît plus convenable, j'écarte un peu le bouquet de fleurs fraîches déjà présent et dépose le mien à côté de lui. Et puis je me replonge dans ce monde de fausses incertitudes. Est-ce bien vrai ? Est-ce que ce que j'identifie comme réel l'est vraiment ou tout cela ne relève-t-il que de l'illusion ? Toujours est-il que désormais, me tenir là me pèse moins qu'avant. Le chagrin s'amenuise au fil du temps, l'espoir lui, n'a jamais été plus à son apogée. Je frôle le marbre du bout des doigts, avec une certaine tendresse, puis je commence à lui parler, pas trop fort, pour que ce moment n'appartienne qu'à nous.

- Aujourd'hui, ça fait sept ans que tu nous as quitté. Le temps passe vite, tu ne trouves pas ?

Je caresse la pierre de façon plus prononcée, comme si à travers elle, elle était capable de sentir mon contact.

- J'espère que tu vas bien et que tu es heureuse là où tu es. Je sais bien que je répète toujours un peu la même chose, mais comme je viens plus souvent qu'avant, j'ai de plus en plus de mal à être original. Pourtant ma vie est trépidante. Tout se passe pour le mieux : je suis en pleine préparation de mon troisième album, j'enchaîne les concerts et j'ai même du mal à trouver le temps pour voir ma famille. D'ailleurs, tu savais qu'on m'avait proposé de passer un casting pour jouer dans un film ? (J'ai un rire de gorge) Tu m'imagines sur grand écran ? (Je soupire et mon sourire se fane) Je ne sais même pas si je suis doué pour la comédie. Enfin... tu me diras, j'ai bien réussi à jouer un rôle pendant des années. C'est peut-être parce que j'ai ce genre de pensées que je suis si hésitant face à ce projet.

Pris de courbatures, je me redresse en grimaçant et m'étire comme je peux, pas du tout à l'aise dans mon costume. Je glisse ma cravate entre mes doigts en me renfrognant.

- Tu réalises qu'ils ont réussi à me faire porter ce machin ? Je deviens trop docile, ils en profitent.

Je lisse ma veste qui n'en a pas besoin, pour me donner de la contenance plus qu'autre chose, puis repose ma main au sommet de la pierre, tout d'un coup plus solennel.

Promesse d'un Avenir (T3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant