Vent, mirage et sérénité

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Point de vue de Jace

La mer. Ça fait un bail que je ne l'ai pas vue, reclus entre quatre murs des heures durant. Aujourd'hui — je ne sais même plus quel jour nous sommes — les vagues sont agitées, sombres et viennent s'écraser contre la grève avec une force démesurée. Le vent, lui, souffle assez fort pour me projeter du sable dans le visage. Je plisse les yeux et je marche en direction des gradins de beach-volley, là où elle m'a donné rendez-vous. J'ai attendu longtemps un appel, un signe qui m'assurerait qu'elle était en vie et il était enfin arrivé — tardivement, mais il était arrivé. Pourtant, cela ne m'a nullement soulagé. Je suis toujours aussi perdu qu'au premier jour. J'ai toujours en moi ce sentiment complexe et contradictoire, entre amour passionnel et colère incontrôlable. Chaque extrême avait pris le pas sur l'autre à tour de rôle, rythmant ainsi mon existence depuis qu'Iliana s'était éloignée de moi. Un jour, je me réveillais avec une douleur insurmontable, celle d'avoir déçu la personne la personne la plus importante de ma vie, puis le lendemain, je cassais tout parce que je la haïssais à un point inimaginable pour me faire faire sentir aussi minable.

Iliana Harrington m'a trahi aussi bien qu'elle m'a assujéti. Elle m'a fragilisé aussi bien qu'elle a soigné mes maux les plus douloureux. Je ne peux pas oublier cela, comme je ne peux pas oublier cette part d'ombre qui subsiste au fond de moi : son abandon. Je ne suis pas prêt à accepter qu'on quitte encore ma vie, du moins, pas sans avoir mon mot à dire là-dessus. Ça, je suis bien décidé à le lui dire. Elle n'imagine pas tout ce qui pèse sur mon cœur, mais je compte bien la forcer à s'y confronter. Les subterfuges pour s'en sortir le plus indemne possible, nous n'en étions plus là. Nous sommes parvenus à un stade où seuls deux choix sont possibles : continuer en se faisant confiance ou tout arrêter. J'ai conscience de ce choix crucial, mais j'avoue ne pas parvenir encore à faire un choix. Iliana voulait que je prenne du temps pour réfléchir ? Elle m'en avait donné, mais pour ce qu'il s'agit de trouver des réponses à toutes mes questions, j'avoue être resté sur ma faim. Pourtant, Dieu sait que j'ai tenté de me préparer à la finalité de tout ça.

J'avance en trainant des pieds, ajustant au mieux ma capuche afin que le vent me soit le moins gênant possible. Lorsque je parviens enfin à hauteur des terrains de volley, je remarque qu'il est moins assourdissant et ce, grâce aux gradins qui lui font barrière. Je secoue mes cheveux pour leur redonner un minimum d'allure et c'est à ce moment qu'un éclat de rire m'attire. J'arrête tout mouvement pour me retourner vers elle, plus époustouflante que jamais. Pourtant, elle est habillée tout simplement, avec un sweat à capuche bleu et rouge, un jean effiloché et des baskets aux couleurs bariolées. Je n'ai jamais compris son affection pour ce genre de chaussures, celles beaucoup trop colorées pour pouvoir aller avec aucune tenue, mais pourtant elle savait toujours les accorder avec tout. Elle savait plus y faire avec la mode qu'elle ne le pensait.

- Tes cheveux resteront toujours une religion, pas vrai ?

Iliana m'accorde un sourire flamboyant, ce à quoi je n'étais plus habitué. A l'idée que je me suis faite de la revoir, j'avais plutôt pensé à une tête d'enterrement et surtout pas à un visage aussi radieux. C'est vrai, avec sa perruque et son visage joliment maquillé, je pourrais presque croire qu'on a fait un bond d'un an dans le passé. Elle est un peu comme la Iliana du premier jour, beaucoup moins en chair mais avec un visage toujours aussi espiègle et magnifique.

- C'est ce qui fait tout mon charme, je rentre dans son jeu en lui accordant un petit sourire.

Un temps hésitant, je finis par la rejoindre au milieu d'une rangée de gradins. Il n'y a personne d'autre que nous aux alentours, le vent rendant le volley totalement impraticable et ayant dissuadé quiconque de venir se balader. Il faudrait être bien bête pour sortir par un temps pareil et pourtant nous voilà ici, tous les deux, à la merci du vent qui nous rendrait presque sourds. Les cheveux d'Iliana lui viennent devant les yeux et je dois me faire violence pour ne pas aller les y déloger. Elle le fait d'elle-même et quelque part, j'ai comme un goût d'inaccompli dans la bouche. Je détourne les yeux pour qu'elle ne remarque pas mon état. J'aperçois alors un ballon abandonné à côté d'un poteau de volley, luttant lui aussi contre le vent pour ne pas se faire emporter.

Promesse d'un Avenir (T3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant