Le garçon de passe

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  Les voitures passent sans faire attention à lui.

Les fesses et les cuisses moulées dans un pantalon de cuir, il déambule le long du trottoir. Les yeux extravagamment maquillés, la chevelure peinte en un roux flambant, Park Jimin vend son corps.

Il est tard, peut-être vingt trois heures passées. Sur le rythme d'une musique qui joue dans sa tête, il se mouve tranquillement, croisant un peu les jambes, se tourne vers les voitures qu'il entend ralentir. Sur certaines qui sont presque à l'arrêt, il se penche pour voir le conducteur, les mains dans les poches, exhibant son postérieur. Mais ce que l'on voit, par dessus tout, ce sont ses yeux, intensément immenses qui vous regardent.

Certaines sont des femmes [qui s'arrêtent].

Des jeunes, les rares le jugent furieusement du regard. Des mères parfois, fatiguées du boulot, qui soudain s'éveillant le regardent avec curiosité et fascination ; envisagent la possibilité de coucher avec un jeune homme de l'âge de leur fils ; puis se détournent précipitamment, choquée de leurs pensées interdites qu'elles vont refouler plus loin. Ou alors ce sont des femmes plus mûres encore, habillées et maquillées de manière excentrique, qui lui sourient et, si elles ne prient pas Dieu de garder une pauvre âme tel que lui, l'emmènent avec elles.

A l'audace plus permise sont les hommes. Jimin ne les aiment que rarement.

Gros employés de bureau, patrons ou cadres, rentrant excessivement tard pour se faire adorer par leurs femmes inquiètes et reconnaissantes pour le gras salaire. Des ventre épais et des doigts carrés qui le répugnent, leurs souffles épuisés qu'ils poussent en râles répugnants -ils sont ralentis par leur piteuse graisse ; et un cœur fainéant qui éveille en lui de furieuses pulsions meurtrières. Mais il se tait et ferme ses yeux qui parlent trop, et satisfait les pauvres fantasmes de ces gars suintant de complaisance.

Parfois aussi ces hommes un peu étranges, plutôt jeunes, prêts à payer beaucoup mais imprévisibles, souvent dangereux. Encore plus quand ils deviennent trop habituels.

Ce soir c'est dans la voiture de l'un d'eux qu'il monte. Le mec est fin, des cheveux blafards en bataille, méchés de rouge et de bleu, des vêtements aux couleurs vives. Il le regarde à peine, et Jimin ne lui parle pas non plus. L'engin démarre et les étoiles scintillent pour lui un instant, avant qu'il ne porte son regard sur la route.

La voiture bifurque et sort des lumières de la ville, pour aller en contre-bas d'un pont. L'édifice en pierre les surplombe, les plonge dans une semi obscurité éclairée par les lumières se reflétant sur l'eau du fleuve. Lorsque le moteur se tait, on ne bouge pas tout de suite.

Jimin ne pense pas dans ce genre de situation.

Enfin, l'autre laisse échapper un soupire bas.

- Passe derrière.

La voix sans timbre est quasiment inaudible. Jimin bouge, rompt le silence par les froissements de ses vêtements et s'assoit, dos sur la banquette arrière.

L'autre se tourne vers lui, et Jimin cache ses yeux derrière ses cheveux.

- Tu as peur ?

Or, dans ce genre de situation, Jimin ne pense pas.

Quelques minutes plus tard, sa tête se laisse aller d'avant en arrière. Ses yeux mi-clos, ses lèvres entrouvertes. Il garde le silence tandis que l'autre poursuit sa besogne sur lui, en lui. Il ne veut rien savoir de ses râles, de ses pleurs, de ses gémissements, de ses insultes qu'il profère à son oreille. Son sexe est dressé, presque par habitude.

- ... s'il te plaît, s'il te plaît..

L'autre force, murmure, appuie, il cherche quelqu'un, et Jimin se tait toujours, conservant cette étroite distance.

La bouche continue d'implorer des choses. Soudain elle se retrouve sur lui, sur son gland, et une langue passe dessus, plusieurs fois, dans tout les sens.

Il se crispe, ses traits grimacent quand les lèvres se mettent à épouser la forme de son bout arrondi ; à l'embrasser avec douceur. Il soupire d'aise, ses muscles se relâchent. Deux doigts le caressent sur la longueur, un soupire mordu s'échappe. La bouche le happe complètement, les yeux de Jimin se ferment et ses sourcils se froncent dans une expression douloureuse.

L'autre s'affaire nerveusement, et Jimin parvient enfin à détacher son esprit. Il divague hors de son corps, supposant les vagues de plaisir pour un autre. Indifférent, insensible, inconscient.

Une gifle lui retourne la tête.

- ... tu réagis pas putain ?...

Silence. Jimin est loin, haut, ailleurs. Les dents passent sur son membre, sa mâchoire se tend, elles l'éraflent. Des coups commencent à s'abattre sur sa peau, il se fait retourner sans ménagement.

Il prend vaguement conscience que les prochaines minutes vont être particulièrement désagréables, et qu'il vaut mieux pour lui de s'effacer quelques instants.

-N'oublie pas de payer..., murmure-t-il avant de s'éteindre.


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La nuit tombe, morceau par morceau :) intrigant n'est-ce pas ?

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