Accoutumance

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La chaleur est revenue. Même le soir il fait plus chaud, et on peut se promener dehors pour déguster l'air tranquille. Un sourire ineffaçable aux lèvres, Hoseok a les yeux qui regardent tout. Sa main, qui se balance au gré de ses pas, est ouverte, et la paume reçoit les informations extérieures, si tangibles, si réelles.

Si tout cela n'est qu'une simulation, alors Hoseok ne veut la voir s'arrêter pour rien au monde ; au moins qu'elle dure le plus longtemps possible. Les calculs ont du être longs et laborieux pour concevoir cette réalité virtuelle. Aucun pixel ne dépasse, pas un chatoiement douteux ne trouble les couleurs ; serait-ce possible que ce monde est vrai ?

- ... Tsh... Attention... !

Hoseok reporte son attention sur Jimin, qui le bras crispé autour du sien, avance sur le trottoir les yeux ouverts dans le vide. Le goudron est accidenté, pleins de bosses et de fissures. Plissant les yeux, le chauve remarque les pousses de verdures qui grandissent dans les failles, si vulnérables et fragiles, et pourtant si robustes et méritantes pour leurs vies de pionnières.

- Ho-seok !, re-râle Jimin quand il trébuche de nouveau.

Il a le pire guide du monde. Un gars qui ne connait pas la ville, totalement distrait et ailleurs, et incapable de leur acheter des sandwichs au commerce d'à côté.

- Attention~

Dit la voix douce d'Hoseok en même tant qu'il l'oriente pour contourner un poteau. Ses mains longues sont pleines de précaution quand elles le manipulent. Et ça Jimin le sent bien, et y terriblement sensible. De toutes les mains qu'il l'ont jamais effleuré, celles d'Hoseok sont celles avec le plus grand respect.

- Normalement il y a une façade ici avec écrit P/à-^l)"# E@(n_(è"_'

Hoseok lève les yeux. Voit les signes, et garde le silence.

- Quoi ?, s'impatiente Jimin.

- Je ne sais pas lire..

Jimin lui broie le bras. De colère il tremble, surtout de désespoir, mais il ne veut pas se laisser gagner par ce genre de sentiment, alors brutalement il expire.

- Très bien. Tu vois pas le logo d'un coeur sur les affiches ? Il est bleu et rouge je crois.

- Je... Je... Si, ça doit être ça...

Ravalant sa bile et sa rage, Jimin ne veut même pas savoir de quoi est atteint l'arrièré qui lui sert de guide et, après avoir trouvé la poignée, ouvre et entre.

La chaleur et la lumière de l'intérieur lui indique qu'il est au bon endroit, de même les brides de conversation qu'il attrape au vol ; il perçoit encore quand il fait clair ou sombre, et même les luminosités d'aube et de crépuscule. Peut-être que tout n'est pas perdu...

Il trouve la borne, le bouton qui lui délivre le tiquet, et sait déjà où sont les sièges et y traîne son acolyte pour s'asseoir.

A cette heure, la salle d'attente est assez pleine. Les gens viennent ici après le travail, après avoir rentré les enfants, ou parce que le jour d'aujourd'hui touche à sa fin et qu'il faut préparer celui de demain. D'abord appuyé contre le dossier de sa chaise, Jimin se penche en avant, les mains croisées sur ta tête, le visage tourné vers le sol.

Il pensait que ne pas voir les gens le soulagerait au moins de ça. Mais il les sent, leurs odeurs, de transpiration et de parfums en fin de journée, de bouffes, de produits ménagers, de mer pour certains. Il entend leurs pas, est quasiment capable de dire où est chaque personne dans la pièce ; il les entend respirer, leurs bruits de bouches et de déglutitions, les raclements de gorge, les toux, les reniflements, les chuchotements, le froissement des papiers et des documents qu'on a eu la chance de ne pas perdre dans le bordel de la vie.

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