FEARLESS (Tome 2)

Chapitre 1

NATE

Août

C'est officiel : je déteste les déménagements. Mon dos est en compote, je n'ai plus de force, et je suis en sueur malgré qu'il ne fasse que quinze degrés dehors. Avec un soupir qui relève presque plus du gémissement, je laisse le dernier carton tomber sur le sol.

A en croire le brisement qui s'entend de l'intérieur, il contenait quelque chose de fragile. Une grimace vient déformer mon visage. Merde. Je regarde à gauche et à droite, espérant qu'Ivy n'a rien entendu. Sinon, elle risque de me tuer. Mais la rousse n'arrive pas en me hurlant dessus, donc j'imagine que le son n'est pas parvenu jusqu'à elle.

Je m'accroupis et ouvre le carton. Plusieurs assiettes sont cassées, à l'intérieur. Oh putain de merde. Là, Ivy va vraiment me tuer. Elle risque même de me découper en petits morceaux pour avoir brisé les couverts que l'on a acheté il y a deux jours.

D'un geste rapide, je referme le couvercle de la boîte et la pousse loin de moi, hors de ma vue, comme si cela pouvait suffire à effacer la bêtise que je viens de faire. Mais quel idiot...

Mon regard parcourt l'entièreté de l'appartement. C'est une aubaine que nous ayons trouvé un trois pièces, à cette époque de l'année, où tout est pris d'assaut par les étudiants. Et près de Konsthögskolan, également. L'école n'est qu'à cinq minutes de marche.

Auparavant, nous avions un studio au centre d'Umea. En juin, c'est tout ce que nous avons pu trouver, avec nos maigres économies. Il a fallu que l'on travaille durant les deux mois d'été pour pouvoir nous payer cet appartement-ci. A côté de ce qu'on avait avant, c'est un palace : une chambre chacun, un séjour assez grand pour recevoir du monde, une salle d'eau en bon état... A présent, il ne reste plus qu'à monter tous les meubles et à ranger nos affaires.

-Qu'est-ce que tu fais par terre, Nate ?

Je sursaute presque en entendant la voix d'Ivy. Elle se tient dans l'embrasure de la porte, les bras croisés, l'air de se fiche de moi. Je me redresse, enlève la poussière sur mes vêtements.

-Une pause. J'ai besoin d'une pause, lâché-je.

-Flemmard. N'oublie pas qu'on doit avoir tout monté pour demain, avant que les autres n'arrivent.

Je grimace à nouveau. Avec l'empressement du déménagement, j'avais presque oublié que le reste de la bande doit venir exceptionnellement demain, avant que Bruce ne prenne son avion pour se rendre en France. Cela fait depuis que nous sommes partis que nous ne les avons pas vus, Ivy et moi.

Et honnêtement, ces retrouvailles me font peur.

-A ton avis, Gemma va réagir comment ? m'enquis-je en m'installant sur une chaise.

Ivy s'étouffe avec son verre d'eau, avant de me lancer un regard courroucé.

-En sachant qu'on ne l'a pas prévenue qu'on partait ? Mal. Elle risque de nous frapper et de nous insulter très fort.

Malgré le sérieux de la situation, je ne peux retenir un rire. Oui, Gemma va se venger, demain. Et ça ne sera pas beau à voir.

-Elle nous a déjà traités de tous les noms quand elle a appris où on était. Et elle a refusé de me parler pendant un mois.

Je baisse la tête, les joues rouges de honte. Et pour cause... Je sais que ce départ inattendu est de ma faute. Ivy ne m'en tient pas rigueur ; pourtant, je sais que j'en suis responsable. Cela lui a été favorable aussi, puisqu'elle est partie de chez elle ce jour-là, mais c'est surtout moi qui ai dit que l'on partait.