Chapitre 13

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Stay alive - Hamilton (Musical)

IVY


Ma bonne humeur redescend dès que je pousse la porte du cabinet de Maître Roth. Involontairement, je me crispe, découvrant deux silhouettes déjà installées. Même s'ils sont de dos, je reconnais immédiatement mes parents – comment faire autrement  ?

Je déglutis, soudainement mal à l'aise. Lorsqu'ils se retournent, la surprise se peint sur leurs visages – étonnant. Apparemment, ils ne s'attendaient pas à me voir ici. Pourtant, aucun d'eux ne fait de remarque quand j'avance et m'installe sur le dernier siège.

-Salut, dis-je d'une voix rauque.

-Bonjour, Ivy, me salue ma mère.

L'échange est glacial. Maître Roth se racle la gorge afin de tourner l'attention sur elle, et sort des feuilles de ses dossiers.

-Ivy, j'imagine que tu sais pourquoi tu es là, aujourd'hui, commence-t-elle d'une voix douce.

Cette fois-ci, je ne me retiens pas. Je lui décoche un regard noir.

-Vous voulez encore que je signe ces papiers, hein  ? craché-je. Je l'ai déjà dit  : c'est non.

Ma maternelle ouvre la bouche, avant de la refermer sans qu'un seul son en soit sorti. L'avocate me dévisage, brusquée par mon ton, mais je m'en fiche. Je ne signerai pas ses fichus papiers. Le silence s'éternise, devenant de plus en plus gênant, jusqu'à ce que mon père prenne la parole, pour la première fois.

-Et pourquoi  ?

Son ton est sec, à lui aussi. J'imagine que l'avocate ne devait pas s'attendre à voir autant de divisions entre nous trois. Certes, mes parents sont là pour leur divorce, alors qu'ils soient en froid et ne se regardent pas n'est pas étonnant. Mais voir qu'aucun de nous trois ne nous apprécions, ça doit faire bizarre.

Je me mords l'intérieur de la joue afin de masquer le petit sourire qui menace d'apparaître, et me tourne vers mon géniteur.

-Tu sais très bien pourquoi, rétorqué-je.

Son regard devient aussitôt sombre de colère.

-Arrête de faire l'enfant, Ivy, menace-t-il. Tu as dix-huit ans, merde  ! Agis comme une adulte, au lieu de nous en vouloir comme ça.

Je m'étouffe avec ma salive. L'adrénaline coule aussitôt dans mes veines, guidée par la hargne.

-Pardon  ? lâché-je d'un air hébété. Tu veux que je laisse couler ça  ? Mais je ne dis que la vérité, papa. Je ne veux pas de votre héritage, je ne veux rien à voir à faire dans cette histoire.

J'ai volontairement appuyé sur le mot «  papa  », et je vois bien que cela le fait tiquer. Parfait. C'était exactement la réaction escomptée.

-Ne dis pas de bêtises. Tu es notre fille, alors tu mérites cet héritage.

-Comme j'ai mérité votre amour depuis que je suis née  ? La belle blague, me moqué-je. Vous n'avez qu'à le donner à une association, ou le dispatcher dans le reste de la famille. Quelqu'un voudra bien de votre deuxième maison, de votre argent ou de je ne sais quoi d'autre.

Ma mère prononce mon nom, comme pour me mettre en garde, mais je l'ignore. A en croire son regard affolé, elle a peur que je ne parle trop devant une tierce personne. Mais personnellement, je m'en fiche éperdument, à présent.

Je pensais sincèrement qu'après plusieurs mois, ma colère passerait, au moins un peu. Que je pourrais tenir dans la même pièce qu'eux sans avoir envie de m'énerver, et sans que les souvenirs de l'année dernière ne remontent à la surface. Parce que c'est ça, la vérité  : depuis que je suis arrivée, je revois passer tout ce qu'il y a eu lors de ma Terminale derrière ma rétine. La gifle de ma mère, la fois où mon père m'a retenue de partir, le jour de mon anniversaire, le jour où je suis revenue chez eux...

FEARLESS (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant