Le mot du jour : Merdoie
Qui a une couleur jaune verdâtre (contraction de merde d'oie, synonyme donc de caca d'oie).
Je brisai la vitre d'un coup de masse sec et maîtrisé. Professionnel, j'attendis une minute, pour prévenir tout risque de me faire surprendre. La minute passée, et aucun bruit suspect entendu, j'enjambait le rebord et entrait.
La maison était silencieuse de ce silence si particulier causé par le vide. Personne n'y était entré depuis presque deux mois, au décès de ses propriétaires. Je profitais des querelles de succession fraternelles pour m'infiltrer dans la grande propriété. L'ironie, c'était que lorsque j'aurais dérobé tous les objets de valeurs, les problèmes d'hérédité n'auraient plus aucun lieux d'être.
Ça faisait maintenant quelques jours que je tournais autour de ce bâtiment, repérant les différentes personnes qui pouvaient me surprendre pendant mon activité nocturne, et les meilleurs chemins d'accès. À vrai dire, la maison ne m'intéressait peu, ce qui m'intriguait, c'était le gigantesque hangar qui se trouvait à l'arrière, et qui donnait sur le jardin.
Je fis le tour des chambres. On sentait que les anciens propriétaires étaient aisés. D'aussi lourds lustres en or ne pouvaient avoir été achetés que par des galetteux* prétentieux. Tous les murs étaient dotés de grande tapisseries faîtes mains par des artisans compétents. Je me dis sur le moment que j'aurai peut-être dû amener avec moi quelques amis, histoire de transporter tout ce beau mobilier.
Mais je n'aimais pas partager.
Je remplis ma hotte de vaisselle, bijouterie, et de tout ce que je trouvais qui avait un minimum de valeur. Je faisais mon travail rapidement, soulevant d'une main les objets brillants pour évaluer la qualité du métal et le prix que je pourrais en tirer. Je me trompais rarement, et si c'était le cas, je m'arrangeais toujours pour tromper quelqu'un d'autre.
Comme tout cela pesait déjà lourd sur mon dos, je me décidai à aller directement dans le hangar. Je mis un certain temps à en trouver l'entrée (tout au fond de la cave) et encore plus à trouver le trousseau de clés nécessaire pour ouvrir la porte. C'était une lourde porte de métal, aussi eus-je toutes les peines du monde à l'ouvrir. Cela ne faisait qu'allonger l'attente, le suspens de savoir ce qui se trouvait derrière.
Et je n'aurai pu moins m'attendre à ça. Derrière cette porte, se trouvait un immense aéronef. Un énorme ballon gonflé d'hélium, rendant ridicule tout ce que j'espérais trouver ici. Sa toile était merdoie, et on sentait qu'elle avait vécue. En dessous, une petite cabine pouvait abriter une dizaine de passager. Lorsque je ne repérais pas une cible, voire même que je ne cambriolais pas, je passais beaucoup de temps à la station d'aéronautique. Et pour avoir assisté à de nombreux décollages, ce qui m'étonnait le plus avec celui-là c'est qu'il semblait prêt à le faire.
Prêt à s'envoler.
Tout d'un coup, je me remémorai quelques détails de l'histoire de ces malheureux propriétaires que je cambriolais, détails dont j'avais appris l'existence en me documentant pour mon cambriolage. Le couple de bourgeois n'était pas aimé par le peuple aux alentours, à cause sûrement de la différence de niveau de vie. On disait souvent qu'ils souhaitaient s'en aller, en évitant les routes, de peur de se faire attaquer. Ils avaient été assassinés un soir qu'ils étaient sortis pour une course.
Comme je le voyais, l'aéronef devait être prêt à décoller, et cela depuis deux mois. Je ne résistai pas à la tentation d'y entrer. Une fois dans le poste de commande, je reconnus les différentes manettes et autres leviers, en me rappelant assez bien de leur fonction.
Même attaché à quelques mètres du sol, la sensation d'apesanteur était saisissante. Je voulais en sentir plus.
Je voulais m'envoler.
Je ne sais pas ce qui me pris dans ce garage, d'où j'étais je l'avais presque déjà oublié. Je ne me souvenais de presque rien. J'avais rapidement ouvert la porte, actionné les commandes en suivant mon instinct, et voilà.
Voilà, j'étais maintenant à trente mètres du sol. Je voyais au loin la brume matinale se détacher paresseusement de la cime des arbres. Les grandes langues cotonneuses s'élevaient jusqu'à moi, et je traversai leur fraîche humidité.
Les bras au-dessus de la tête, humant l'air, je profitais de cette sensation nouvelle.
Pour la première fois de ma vie, je volais sans avoir besoin de m'en cacher.
Galetteux*: En langage populaire, qui a de l'argent, fortuné, riche (mot du jour du 27 juin).
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Le Mot du Jour
AcakJe réalise ce recueil avec l'aide de l'application "le mot du jour". Le principe est simple, chaque jour (ou presque ^v^) l'application me donne un nouveau mot inconnu de la langue française (littéraire, oublié, ou d'argot par exemple) avec la défin...