Reconversion future ? Dompteuse de carpe.

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- J'en peux plus !

Le gémissement sonore de Nathanaël me fit redresser les yeux des touches noires et blanches pour le voir enfoncer son visage, couvert de sueur, dans une serviette. Il la frotta vigoureusement alors que la chaleur ambiante n'aidait en rien. D'un bref coup d'œil sur le côté, je constatai que Derek était dans le même état tandis que je sentais bien les perles salées couler sur ma propre peau. Nous étions dans un drôle d'état. Depuis quand étions-nous enfermés dans la petite salle de répétition ? Au vue de la douleur dans mes phalanges, des heures. Je bougeais les doigts, les refermant et les rouvrant tour à tour.

Concentrée, je n'avais pas remarqué à quel point la douleur était devenue omniprésente. Mes doigts me semblaient anormalement lourd et le simple fait de les plier, équivalait à une pure séance de torture. Je grimaçai, mécontente. J'aurai voulu jouer encore. Plus longtemps. Beaucoup plus longtemps. Mais je devais me rendre à l'évidence, la répétition du jour avait assez durée. Précautionneusement, je refermai donc le piano en faisant geindre plus vivement Nathanaël qui brandit ses baguettes en l'air en signe de soulagement profond. Derek, l'imitant rapidement en posant sa guitare au sol et en venant s'effondrer sur mon siège, me laissant à peine le temps de me décaler. Son dos, humide, se colla à mon bras et je n'en faisais pas la moindre remarque. Même ce contact quelque peu désagréable, faisait s'envoler les battements de mon cœur.

- On a assuré, souffla celui-ci.

- On parvient de mieux en mieux à jouer en harmonie, approuva Nathanaël, qui s'étirait déjà en se relevant, les jambes engourdis. Tes chansons sont vraiment cool, Hed.

J'esquissai un mince sourire, encore gênée. Mes chansons. Nous jouions mes chansons. Je parvenais encore mal à réaliser. Pourtant, les partissions qui s'étalaient devant nous avaient toutes été écrites par ma main. Mon cœur se gonflait d'une fierté immense. J'avais été très hésitante la première fois que j'avais présenté à Nathanaël, Samira et Derek, les premières mélodies que je souhaitais utiliser pour nos futurs chansons. J'avais crains leurs déceptions. Ils semblaient tous attendre de moi plus que je n'étais capable de fournir. Pourtant, aucun n'avait émit de protestation même en constatant qu'aucune parole ne se trouvait sur les papiers que je leur tendais. Et, au contraire, Nathanaël avait exprimé l'envie d'essayer l'une d'entre elle sur le champ.

C'était donc sur une de mes partitions que j'avais eu la chance de découvrir sa batterie. Puissante. Rayonnante. Légère. Presque aussi enjouée qu'il l'était lui-même. Mon cœur avait loupé un battement alors que la musique avait envahit mes sens. Il était doué. Plus que doué. Ses doigts étaient si rapides que je peinais parfois à les suivre, sa technique était aussi incroyable que sa précision et je ne parvenais pas à croire qu'un tel prodige avait pu redoubler. Il aurait fallut être aveugle pour ne pas remarquer son talent. Et quelqu'un d'aussi doué que lui, prenait plaisir à jouer mon morceaux. Ma mélodie. Mes sentiments. Mes mots. Mon monde. Il s'y était immiscé avec tant de facilité que j'en avais aussi éprouvé de la gêne pendant un court instant. J'avais eu le sentiment d'être nue, d'être pleinement exposée. C'était un sentiment étrange et pourtant dès plus galvanisant. Je voulais l'entendre jouer plus. L'entendre jouer mes morceaux, mes rythmes. Plus. Plus. Plus. Le mot n'avait plus eu de cesse de résonner dans mon esprit depuis cet instant.

Mais il était aisé d'écraser ce genre de sentiment.

- Ce serait encore mieux si ces chansons avaient des paroles. On stagne depuis des jours.

Je me crispai, consciente que le reproche m'était clairement dirigé. À raison. Samira, assise sur un pouffe, dans mon dos, n'avait de cesse de me rappeler mon plus gros problème actuel. Depuis plus d'une semaine maintenant, elle était lassée d'attendre. Elle aussi voulait jouer. Elle aussi voulait s'intégrer à ce groupe qu'elle ne faisait que regarder depuis un mois maintenant. Mais, ne jouant d'aucun instrument, elle devait attendre des paroles qui ne venaient pas. J'étais mauvaise à ce jeu là. J'aimais musique. Les sons. Les notes. Les rythmes. Tout mon corps vibrait, s'emportait avec la mélodie. Mes doigts bougeaient d'eux même. Je n'avais pas besoin de réfléchir, c'était comme une vague qui venait me submerger, mon seul moyen de respirer étant de la laisser m'emporter et d'écouter ce son qu'elle voulait tant me faire entendre. Mais les paroles ne venaient pas aussi naturellement. Je restai, durant des heures, devant une page blanche ou juste quelques mots étaient griffonnés puis rayés rageusement par une main frustrée.

Neither good nor badOù les histoires vivent. Découvrez maintenant