Chapitres III - Le passé

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Le temps a toujours raison de tout. Le temps a raison de la vie, il a raison des amours. Il avait eu raison d'eux. Mais elle ne s'avouait pas vaincue.

Ils se sont aimés. Aimés comme des fous. Aimés mal aimer mais aimés quand même. Comme le font les enfants, comme le font les fous. Ils se sont aimés...

Mais un jour, il a décidé de partir. Non, c'était beaucoup plus  que ça. Beaucoup plus qu'une décision. C'était une obligation. Il le devait aux siens, à ses parents. Il  devait le faire pour elle.... Il devait partir pour étudier. Pour devenir quelqu'un. Car, il faut étudier pour devenir un grand homme, avait même répété Hervé, ce vieux nègre sachant à peine lire, le grand jour du départ du jeune fils des St Jean.

Ce jour là, dix années plus tôt, le haut quartier de la Ville des requins avait bouilli d'émoi.

Lui, Cavé St Jean, serait l'un parmi les plus chanceux de ce coin perdus à pousser aussi loin ses étude. "Un grand save (savant) germait de cette ville côtière oubliée de la capitale". L'événement semblait être à nul autre pareil.

Mama Dodo organisa un jeûne, qui dura toute la semaine du départ. Et Pè Jak chanté des incantations- afin d'éloigner les mauvaises oeils, caché derrière les sourires réjouis des voisins envieux- priant que son jeune fils  leur revienne vite. Priant qu'il devienne celui qu'eux n'ont pas pu être.

Et elle... avant qu'il ne parte, vers cette ville qu'on lui disait être le centre du pays, centre du commerce, des administrations, des activités de nuit, des femmes sophistiquées en débandade, elle lui a offert son corps...une nouvelle fois. Afin qu'il ne l'oublie pas dans les bras d'une autre. Afin qu'il pense, rien qu'un peu à elle lorsque ses yeux côtoiront le charme de cette diversité de luménas (femmes superficielles) de la capitale. Qu'il songe encore à revenir vite pour l'épouser, qu'il fasse d'elle une "madame", que les autres filles du bord de mer la jalousent, qu'ils aient des enfants et qu'elle devienne maîtresse de sa maison.
Elle, Nadine Bomplan, fille simple issue d'une ces trop nombreuses familles pêcheurs du bord de mère, orpheline de mère et sans grand parcours scolaire, c'était ça son plus grand rêve...Non, c'était son seul rêve en faite, comme celle de toute jeunes filles de bonne famille, de cette ville de campagne.

Le temps a toujours raison de tout et nul ne peut avoir raison sur le temps.
Le temps a eu raison de leur amour. Mais elle ne saurait s'avouer vaincu.

Le rayons du soleil innondait de tous feux la chambre, le lit ainsi que le corps des deux amants nus, enlacés après l'amour.
Nadine se redressa sur ses coudes. Le lit poussa un cri pourri. Cavé s'était rendormi, la main droite posé innocemment sur les formes potelé de la jeune femme, la tête jeté nonchalamment sur l'oreiller. Il ronflait.

Elle se sentait bien dans ses bras. Et qu'elle aurait voulu se lever ainsi  comblée tous les jours, contre ce corps imposant et doux à la fois. Mais Cavé ne semblait pas encore prêt à passer le cap du jusqu'à ce que la mort nous sépare. Plus, depuis son retour. Plus depuis "la" séparation. Le temps a eu raison de ses promesses, comme il sait si bien le faire.

Il serait temps qu'elle se lève. À l'heure qu'il est, Mama Dodo se posait certainement des questions sur le temps mis à apporter ce déjeuné. Il lui restait encore beaucoup à faire dans la maison. Le maïs à faire sécher, le poids à mettre au feu, la cour à balayer et la boutique à ouvrir. Mama Dodo comptait sur elle et Pè Jak attendait à coup sûr qu'elle mette l'eau à chauffer pour son bain.

La journée promettait d'être longue et surtout chargée. Doucement, elle repoussa les mains de l'homme allongé à ses côtés. Il entr'ouvra les yeux.
Quelqu'un toqua à la porte.
Le petit tambourinnement réveilla aussitôt l'homme endormi.

Nadine sauta du lit, ramassa sa robe, abandonnée au pied du lit, au passage, tentant désespérément de la faire passer par dessus ses cheveux en bataille. Son regard se surprit à se chercher une cachette, "juste au cas où!" Mais renonça à cette idée après quelques micro-secondes de réflexion.
Étant petite, sa défunte mère lui conseillait toujours de kanpe derrière ses actions (assumer). Une femme digne, n'est jamais lâche. Ces bonnes résolutions étant, ne privaient pourtant pas la jeune fille d'une certaine crainte. La maîtresse de maison avait de fermes position en ce qui avait trait aux relations charnel: jamais avant le mariage. Ce qu'elle ne voulait par dessus tout pas, c'était de perdre les bonnes grâces de celle qu'elle espérait être, sa future belle maman.

C'est heureusement la voix de Richard qui  retentit de l'autre côté de la porte. Nadine se détendit quelques peu.

"Oui Richard. Ou bezwenm'? (Aurais tu besoin de moi?) Héla Cavé un peu sévèrement, trop brusquement.

- Non. C'est maman qui me demande de venir chercher Nadine... tu ne l'aurais pas vu par hasard? Questionna t-il, persifleur, sans se démonter.

-Euh... n-non. Je ne l'ai pas encore vu ce matin.

- Ah d'accord. Ben... si tu la vois, dis lui qu'elle met trop de temps à apporter le déjeuner. Il se fait tard, les clients attendent à la boutique.

L'autre ne prit pas la peine de répondre; Il se laissa choir sur le matelas, après avoir attendu que s'éloigne les pas de son grand frère, les sandales traînant sans empressement sur les céramiques lisses. Le bois craqua. Nadine s'était appuyée contre l'armoire.

Ils se fixaient quelques secondes, sans rien se dire. Elle, encore à moitié nu, l'air bête et coupable. Lui, embêté.

- Tu devrais descendre, ma mère t'attends.

-Elle peut encore attendre, ne pense tu pas?.. et puis maintenant qu'elle est au courant de nos passe-temps, il n'y a plus rien à perdre non.

Cavé lui offrit un rire franc.

- Maintenant qu'elle est au courant! Mais tout le monde se rend compte de nos absences répétées et suspectes Didine. Et à ce que j'ai pu constater ce matin, tu n'est pas trop discrète non plus hein...

- Tu veux dire qu'ils savent tous que...

- Que...?

- Non rien. Dans ce cas pourquoi continuer à feindre mon amour. Pourquoi nous cacher. Pourquoi ne pas officialiser la chose?

- Comment ça officialiser? Officialiser quoi?

-Nous deux Cavé. Toi et moi.
Après toutes ces années, je veux être ton amie, ton amante, et ta femme... Sans me cacher.  Épouse moi Cavé! Déclara-t-elle, presqu' implorante, désespérément.

Plus que décidée a recouvrer ce que le temps et la distance lui ont pris.

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Salut!

Jusque , ça va?

Papillon NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant