Chapitre IV- Tambours

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"Où est ce que ton frère t'emmène?" Questionna pour la ennième fois Mama Dodo, trop curieuse d'être mise au courant de la surprise que Richard avait préparé pour son petit frère.

- Mais, je t'ai déjà dit que je l'ignorais.

- Non, ce qu'il y a, c'est que vous voulez me faire des secrets! Jak, tu sais où Richard emmène son frère?

Le viel homme, allongé dans sa dodine, fumait sa cigarette, en dépit des protestations de sa bonne femme qui avait pourtant certifié les séquelles possibles  de ses "mauvaises habitudes" sur sa tension artérielle. Il leur jeta un regard détaché, le moins du monde intéressé par la discussion, puis se remit à sa besogne, consistant à humer l'air toxique du petit baton consumé par une flamme instable, à la rejeter dans l'espace restreint de la boutique, scrutant du coin de l'oeil les clients, qui de temps à autres venaient quémander le nécessaire de la journée à la boutique des St Jean: matériaux pour la pêche, gazeuses, riz et maïs par marmites (tasses), épices ou matériaux de bricolage.

Richard, s'était terré dans un coin, près des sacs de céréales, juste en dessous des étagères, son smartphone en main, il s'occupait du travail de Nadine, le temps que celle ci finisse de parer le repas de midi. Ensuite, il sortirait avec Cavé, que sa mère sermonnait sans pitié ou retenue. Entretemps, lui tentaient de joindre les deux bouts avec la connexion internet. Jusque là, toutes ses tentations étaient casi vaines.

"Lònè!" (Honneur!) S'écria quelqu'un penché à la porte- fenêtre séparant la boutique du trottoir.

- Respè! (Respè), répondit Mama, elle fut d'ailleurs la seule à répondre.

- Bonjour Manman Dodo. Papam pa la? (Mon père est il là?)

- Dario pourquoi ne pas te chercher un travail au lieu de faire les clowns ici! Aussi jeune que tu es, n'as tu pas honte d'être ivre de si beau matin!

Il ouvrit vulgairement la bouche, comme pour répondre,visiblement énervé, mais se la ferma aussitôt, pris d'un tournis.
Dario était un bel homme, dans la vingtaine, qui faisait tomber plus d'une, du haut de la ville en dépit de ses manies de mendier, ses penchants alcooliques, et son caractère brute. Il était un grimo (métis), avec des cheveux bouclés, lui tombant au bas de la nuque, c'était nettement suffisant et compenssait pas mal sa situation d'analphabète. Dario s'accrocha au pan du mur, fit mine de se retenir de tomber. Après quelques secondes, où la la plupart des assiégeants de la petite pièce semblaient avoir oublié sa présence, il se resaisit.

- Manman, vous savez que tous n'ont pas la chance, comme vos enfants d'avoir une famille sur qui compter.
Je n'ai pas un sou en poche et n'ai encore rien mangé depuis ce matin. Donne à ton beau fils cent gourdes qu'il s'en aille prendre quelque chose chez Rita s'il vous plaît maman.

-Arrêtes de m'appeler maman, je ne suis pas ta mère ti rien à faire. Le happa la vieille dame, le sang à l'envers.

- C'est comme ça oui, lorsqu'on est pitit deyò (adultérin).

- Fermes là petit insolent! S'énerva de plus belle Mama Dodo, et disparais rapidement de ma vue.

Mais Dario ne se laissa pas démonter.  Il me bougea pas d'un poil. Visiblement, ce matin, il s'est fait plus assidu et ne semblait vouloir vider les lieux sans les cents gourdes habituels, qu'il recevait tous les jours à la boutique. Richard, avait abandonné son téléphone, il observait la scène sans intervenir, habitué qu'il était aux petites scandales de Dario. Si cela dépendait de lui, cela fait longtemps qu'il aurait donné au beau Dario une bonne leçon. Mais sa mère était contre alors... Pè Jak préfèra garder le silence, cigarette clouée au bec. Cavé préoccupé par la tournure que prenait la confrontation entre Mama Dodo et l'ivrogne, sortit un billet de cinquante gourdes de sa poche.

Papillon NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant