2 Octobre 2016
Une pluie sauvage masque la gaieté du temps au réveil. Le vent violent de l'extérieur provoque le déchaînement de l'arbre véritable contre les battants d'une fenêtre. Les cocotiers plient. Les portes craquent.
Des rafales d'air froid s'engouffrent de temps en temps dans la maison. Il fait encore sombre en dépit de l'heure avancée. On a décidé de fermer boutique. Le temps n'est pas du tout favorable aux bonnes ventes.Un bout de mégot fume encore faiblement dans le cendrier posé sur la chaise basse près du rocking-chair du père de famille. Pè Jak tient des mains tremblant une tasse de café, observe par la porte ouverte de la salle à manger le larmoiement des nuages sur le béton.
"La pluie est violente..."
-On a annoncé un mauvais temps.
Déclara Richard, levant brusquement la tête de sa tasse de thé amer, mimant une vieille grimace.
- Fallait se douter que cette chaleur n'annonçait rien de bon...
Surenchérit Cavé après quelques secondes de silence. Quelques secondes où il se résolut à penser à autre chose qu'à son expérience de la nuit passée. Qu'à sa nuit d'amour passionnelle et son obsession pour cette femme sans nom. C'est bien vrai que ces rapports avec l'inconnue lui semblait bien dépasser le cadre onirique certaine fois. Mais cette nuit, il en était arrivé à ne plus savoir comment le qualifier. Fantasmes? Hallucinations? Délires?- Rien de bon en effet. Les prévisions pour le département ne sont pas des meilleures.
- Risquons nous de perdre la récolte?
- Bien plus si les choses se passent comme ils prévoient.
Cavé avala d'un trait son thé qui s'est refroidi.
- Espérons que ce ne soit pas le cas.
Le silence s'installa. Les trois hommes, chacun à leurs façons essayaient de s'imaginer ce qu'il en serait si vraiment un cyclone était sur le point de s'abattre sur la ville de requins. Les conséquences matériels, les pertes en vie humaine. La terre affaiblie par le déboisement et par l'érosion tiendrait elle? La dernière cyclone en date avait emportée une bonne partie des terres attenant à la côte. Une section de la route nationale avait fini dans la mer, ce qui a bloqué l'accés à toute forme d'aide durant des jours pour eux ainsi que pour les villes voisines. Une période de grande faim s'en est suivie ainsi qu'une migration de la population vers les Cayes ou vers la capitale. Serait ce la même chose?
Nadine débarqua le souffle court dans la salle à manger.
" Cavé, ma mère a appelée. Son quartier est inondé. L'eau est monté jusqu'à elle!"
...La ville des requins n'est doté de véritables établissements publics. Aucun ne pouvant servir d'abris provisoires pour les personnes résidant en zone à risque. Ceux qui le peuvent tentent de trouver refuge chez des voisins. Et les autres bon... ils s'en remettent à la chance.
Cavé, Richard et Nadine ont pris la route sur le pic up rouge garé depuis des lustres devant la galerie fermée et utilisé rien qu'en cas d'urgence. La belle-mère de Nadine, celle ayant compensée le manque dû à la mort de sa mère depuis sa tendre enfance, réside dans "Les Sables" , un quartier de pêcheur, située à une vingtaine de kilomètres du haut de la ville. Le secteur dont la végétation est uniquement constituée de cocotiers est connue pour être sujet aux inondations aux moindres petites marées. À leur arrivée, l'eau entrait déjà dans certaines maisonnettes. Les vagues de la mer déchainée menaçaient d'assujetir de son côté biens et vie. La camionnette eut du mal à se frayer chemin dans l'eau boueuse. Les caoutchoucs se retrouvèrent à nombreuses reprises coincés dans le sable mouillé. Richard poussa sur l'accélarateur. L'eau sale virevoltait dans tous les sens, éclaboussant les vitres.
La voiture stationna devant une masure aux murs en pite brinquebalants. Des habits et ustensiles de cuisine flottent en plein milieu de l'unique pièce où réside une femme. Une femme à la jeunesse perdue, perchée sur une table, une masse de chevelure crépus en désordre sur le crâne, le pan d'une robe toute mouillée trempant dans l'eau. Elle espérait échapper à la montée d'eau, du moins pour un temps, car à en juger par les poteaus vacillants, les murs de sa "maison" ne ferait pas long feu avant de s'unir à la pluie et à la boue. Au loin elle entendait les vagues de la mer. Elles s'echouaient rythmiquement sur le littoral. À chaque fois dans un bruit sonore un peu plus fort, un peu plus sauvage. La mer se hatait pour prendre sous son joug ces habitants livrés au bon gré du sort.
La propriétaire des lieux n'aurait pu être plus heureuse qu'à l'instant où elle vit débarquer dans sa demeure la silhouette de deux inconnus. Deux hommes trempés des pieds à la tête. L'un, à la posture imposante, le visage impénétrable, la peau chocolaté et aux cheveux presqu'aussi touffu qus les siens. L'autre plutôt effacé, chétif et aussi hâlé que le café qu'elle grillait le samedi soir.
Le premier la prit dans ses bras. Ce fut l'une des rares occasions de sa vie, où elle eut à mettre un peu de côté sa méfiance et son esprit superstitieux. Plus n'était question de se demander ce que pouvait cacher tel acte héroïque, car tout ce qui lui importait, c'était de s'en tirer indemne de cette mauvaise passe.
L'homme la porta jusqu'à l'avant du pic up. Ce fut d'abord de l'étonnement qu'éprouva la femme à la vue de Nadine. Mais place à l'étonnement arriva l'inquiétude, la préoccupation d'arriver sans encombre à destination, là où sa fille et ces inconnus voudraient bien l'emmener.
Ils n'eurent pas grand mal à laisser derrière les Sables. Le tout-terrain engagea le chemin boueux, des caféiers et des arachides l'aurait bordés en temps normal, sur la colline qui s'élève jusqu'au plateau couvert de bayahonde. Mais déjà une partie de la végétation avait disparu, n'étant plus qu'un amas de branches nu de feuilles, balayées par le vent et couverte de terre mouillée. On arrive en ville, passe devant l'église St Jean Baptiste. Les portes et les fenêtres fermées, sa peinture jaune semble terne sous la pluie. La ville des requins a perdue de sa chaleur familière.
La maison des St Jean se dresse en bas de la colline, sombre sous les nuages. Les portes et les fenêtres sont fermés. On fit apporter à la nouvelle arrivée quelques gros maillots usagés trouvés sous les matelas. La parente de Nadine logerait avec sa fille. Le temps que passe le mauvais temps.
La journée passa lentement, mais elle laissa sur la ville secouée, l'incertitude du lendemain.
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L'Arbre véritable: L'arbre à pain.
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Papillon Noir
ParanormalElle lui a appris l'amour... Elle lui a appris l'ivresse... Elle a été la première... Mais il n'est qu'un homme comme les autres. Et elle, un rêve inaccessible. Qu'arrive t il alors, quand nos plus doux fantasmes deviennent... Réalité!!! -Papillon n...