Chapitre V- Éternel fantasme

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22h 30

Le ciel est sombre, sans lune, sans étoiles. Le chant des cigales ne résonne plus. Le quartier est silencieux. C'est le calme plat. À part le bruit à peine perceptible du vol des moustiques, aucun signe de vie dans la maison à étage crème en haut de la ville, là où l'on met les pieds sur les premières dalles après avoir longtemps marché dans les roches et la poussière.

La flamme d'une bougie s'éteint, la maison plonge dans le noir et se fond dans le cadre environnant. Une brise chaude se faufile par une fenêtre à battants en bois, ouverte sur la cour. Elle se mêle à la vapeur qui se dégage du toit en béton et ne fait que rendre plus infernale la petite chambre. Quand la journée est d'humeur suffocante, peu sont les chances d'une nuit meilleure.

Le regard tantôt au plafond, tantôt à la fenêtre qu'il voit à peine, Cavé ne dors pas. Pourra-t-il dormir ce soir? Il en doute sérieusement. Cela fait si longtemps que la température n'a été aussi désagréable. Même respirer devient difficile. L'absence d'électricité dans ces campagnes est encore plus regrettable dans ces conditions.

Il pense à tout... à rien. Tourne en rond dans sa tête et finit par se rendre compte qu'il ne fait que se repasser les mêmes scénarios dans l'imagination, sans conscience réelle, à la recherche d'une pensée distrayante et berceuse. L'ennuie de l'insomniaque dans la nuit qui semble n'en plus finir!

Un battement d'ailes, léger...

Cette présence lui était devenue si familière qu'il ne s'étonna pas. Même dans l'obscurité, il pouvait s'imaginer l'insecte noir posé discrètement sur le mur, juste au dessus de la fenêtre. Son papillon noir attendrait qu'il ferme les yeux pour posséder de son corps de femme, ses membres et son esprit. Mais ce soir, il le savait, il ne dormirait pas, c'était perdue d'avance.

Juste à cette instant, il sentit une autre présence. Beaucoup plus que celle d'un insecte surnaturel, c'était beaucoup plus imposante, beaucoup plus... humaine. Oui, humaine c'était bien ça!
Il y avait quelqu'un d'autre dans la chambre.

De grands yeux le fixaient quelque part . Un regard, loin d'être menaçant. Tout au contraire... Est ce qu'il devaguait? Il ne se rappelait pas avoir fermé les yeux, avoir dormi. Comment était ce possible.

En même temps... Non! Il ne pouvait pas divaguer. Il reconnaissait trop bien l'odeur de celle qui fut sa maîtresse depuis aussi longtemps qu'il se crut digne d'être qualifié d'homme. Il devinerait sa présence envoûtante parmi des milliers. Il s'agissait bien d'Elle: L'inconnue de ses nuits, son éternel fantasme.

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