°chapitre 3°

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j'écris à la troisième personne du singulier lorsque je rédige au passé car la petite fille qui faisait ses devoirs n'est plus moi dutout, celle qui a acheté son bracelet non plus, et celle assise en face de ce manège ne l'est pas plus. je ne suis plus la même depuis 5 minutes, en si peu de temps, des milliers de sentiments ont parcouru mon corps et mes veines. je ne suis plus la même personne qui a écrit la dernière phrase. ni celle ci d'ailleurs. je suis instable. et je m'en fous totalement.

le banc est froid et la nuit noire. un frisson me parcourt le corps et je décide de marcher pour me réchauffer. mes parents ne s'inquiète pas, ils me croient chez Alice, une ancienne amie riche et blonde comme les touristes. je continue à descendre le vieil Antibes, passe devant le chocolatier puis les multiples cafés et glaciers tous fermés à cette heure ci. je croise ce clochard qui était professeur avant comme l'indique sa pancarte. il s'omnole, une main sur le gobelet en plastique servant à récolter les éventuelles pièces des passants, et l'autre sur son visage encore jeune. quand il me voit arriver, il m'appelle d'un signe de la main. j'avance vers lui, en sachant qu'il est totalement inoffensif.
-selma ! qu'est ce que tu fais là ? son rythme de paroles est lent et pâteux due à la mauvaise nutrition.
-et toi ?
-très drôle, tu n'as pas perdu ton sens de l'humour toi. remarque-t-il avec un regard légèrement triste.
-jamais ! dis-je en m'asseyant à côté de lui.
-tu écoute quoi ? demande-t-il.
j'avais oublié que j'avais mes écouteurs. j'en enlève un et le lui tends. il le met dans son oreille.
"[...] sur scène on est mille, je me sens seul quand même [...]"
il retire son écouteur et me dit :
-montre moi ton poignet.
il a vu. je réponds sur la défensive.
-pourquoi ?
-selma. arrête de jouer à ça avec moi.
je me lève et m'en vais. je l'entends m'appeler mais je ne me retourne pas. je lui réponds un petit "désolée" et m'enfuie, comme toujours. je suis tellement fatiguée d'être moi même, d'avoir ces vieux réflexes. je marche pendant deux longues heures. la nuit se fait doucement remplacer par le soleil orangé. je m'assois sur un muret  irrégulier et regarde mon poignet. je n'ai pas honte de me mutiler. beaucoup fume et s'en vante, au fond, la mutilation est une drogue. j'ai du mal à me dire que je suis une droguée, ce qui explique ma réaction devant le clochard, dont je ne connais pas le nom d'ailleurs. j'effleure ma peau du bout du doigt, elle est irrégulière. des traits rouges avec une légère croûte sur le dessus, voilà à quoi je suis réduis. on devient son addiction. je me surprend à verser quelques larmes. je pleure tout le temps en ce moment. dès que je ne fais rien mes yeux deviennent humides. je les essuie du revers de mon sweat trop grand pour moi. puis j'allume mon téléphone et vais sur Instagram, je me rends sur le compte @adopte.une.moche , le meilleur compte de textes selon moi. mes paupières deviennent lourdes et je m'endors sur ce mur.

selma de 12 à 28.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant