On nous compare souvent à deux gouttes d'eau. Mais, récemment, j'crois que tu t'es défiguré un peu trop pour pouvoir me ressembler. Chaque soir tu rentres lentement, tu déposes tes clés et tu commences à marmonner. Et je sais, juste par ton odeur, que t'es devenu deux gouttes de bière de plus. J'ai beau me forcer mais je ne peux même plus te regarder, t'as les paupières tellement lourdes que tu ne sais même plus comment cligner. Nos corps se nourrissent de plus en plus de gouttes, à chaque jour. Toi, tu t'engouffres d'alcool et moi, je m'abreuve de mes propres larmes.
J'ai le dos qui craque à force de m'endormir dans le corridor, à chaque fois que le soleil me chatouille les cils, je prie pour que ton souffle fasse encore fausser les oiseaux. Et tu m'éblouies toujours par cette facilité que t'as dans la voix, par cette rapidité que tu as à blanchir les taches d'encres et recoudre nos silences. Pourtant, il y a deux semaines maintenant que mon sourire dégringole, et jamais tu n'as su le rattraper. À chaque soir, tu vois, c'est la même chose; les deux gouttes de plus, mais jamais ces deux de trop pour te faire avouer tes dégâts. Toutes tes bêtises se ramassent dans le fond de la cuve, s'agrippent à la rampe qui tremble ou s'évaporent le lendemain quand tu trébuches sur mes chevilles.
T'as fait grandir une honte en moi, une honte de toi et je sais, on s'était promis que tout allait s'arranger, mais, c'est que j'suis prisonnière dans ta liste d'attente depuis si longtemps, que j'ai fini par m'épuiser, les talons aplatis et les volets fermés. J'avais besoin de parler à quelqu'un, à un tel point que je ne pensais qu'à ça. Alors, tu dois bien te douter que j'me suis attachée au téléphone d'Antoine, à sa voix et à ses mots. Mais, s'il te plait, ne viens pas me cracher au visage parce que je ne souris plus pour toi. Moi j'ai attendu, t'avais qu'à décrocher.
Antoine a le don de dompter mes tempêtes par des rires doux et des paroles souterraines. Quand je lui ai dit que tu crachais la vérité après une caisse de trop, c'est lui qui m'a répondu: «Au contraire, il se chuchote à lui-même qu'il existe et qu'il est en vie. J'crois qu'au fond, il essaie seulement de se rassurer, de regarder de haut tous ses trous les plus bas, debout sur sa caisse de trop, et de se promettre, incertain, de remettre ça au lendemain.»
Je n'ai jamais versé autant de larmes sur les draps d'Antoine que j'ai taché tes chemises. Peut-être qu'en moi y'a cette partie qui nage encore contre le courant, qui ne veux pas lâcher prise, et qui croit un jour pouvoir te sauver. Mais, c'est enfouit tellement profond dans mes yeux, qu'au final, j'comprends très bien pourquoi on se ressemble toi et moi.
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faux-fuyant
Short Storyà chacun sa façon de fuir, voici la mienne. | un recueil | ***les images proviennent toutes de "we heart it", elles ne m'appartiennent donc pas*** (si vous voulez aller chercher les photos utilisées ici, allez sur mon compte we heart it que j'ai mis...