5 novembre

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Hier soir nous sommes allés au théâtre avec notre prof de français. Diane était là avec sa classe de seconde.

J'ai eu un moment d'hésitation dans le hall quand je l'ai vue. Elle se tenait près d'un pilier, elle sortait d'une enveloppe les places pour ses élèves qui arrivaient petit à petit. Je les enviais tous d'avoir entre leurs mains ce qu'elle avait elle-même touché. J'aurais voulu tous les étrangler de ne pas avoir conscience de la chance qu'ils avaient d'avoir un peu d'elle au bout des doigts.

Lucie a fini par me rejoindre, elle a tout de suite vu que quelque chose n'allait pas.

"Tu es malade?

-Non, j'ai pas très envie de voir cette pièce en plus la prof a dit qu'elle dirait deux heures, plus l'entracte j'ai le temps de mourir mille fois.

-Je croyais que c'était ta pièce préférée? T'es pas normale ce soir Anna, t'as pas quelque chose de mieux comme mensonge?

-Je suis fatiguée et je crois que je suis en train de tomber amoureuse, ça m'énerve déjà assez alors s'il te plaît pose pas plus de questions. Je te promets que je te dirai tout plus tard."

Lucie a fait la moue mais elle m'a laissée tranquille. A 19h45 nous avons pu enfin rejoindre nos places. Avant d'emprunter les escaliers il m'a fallu passer devant Diane. Son regard a capté le mien et elle m'a souri, comme toujours, avec beaucoup de douceur.

Je bavardais de choses et d'autres avec Lucie quand Diane et notre prof sont arrivées. L'ouvreuse d'un geste du bras leur a indiqué les deux places devant nous.

J'ai alors passé les deux heures et demi les plus délicieuses de mon existence. À cause des rangs serrés les longs cheveux détachés de Diane coulaient comme une rivière infinie sur ses épaules, sur son fauteuil, et parfois même frôlaient mes jambes. Par instant ses mains sans bagues passaient dans sa chevelure éclairée seulement par les lointaines lumières de la scène. Son profil se découpait selon les éclairages, si elle se tournait un peu je voyais l'arrondi de sa joue, la délicatesse de son teint de marbre, la pulpe généreuse de ses lèvres entrouvertes quand elle riait ou qu'elle retenait son souffle.
J'aurais tué pour être assise à côté d'elle et peut-être oser poser ma main sur l'accoudoir, près de la sienne.

Le temps de l'entracte est arrivé. Alors que ma prof se retournait pour savoir ce qu'on pensait de la pièce, Diane a fait de même. Je ne la regardais que par intermittence pour ne pas défaillir mais je sentais sur moi la puissance de ses yeux vairons. J'ai pris sur moi pour la regarder, elle m'a fixé un long moment avant de baisser les yeux, puis doucement sa langue est passée sur ses lèvres pour les humecter. Je l'ai entendue pousser un soupir, puis elle s'est retournée. 

Le temps passa trop vite. Je l'ai regardée sans trêve jusqu'au tomber de rideau. Puis il fallut se lever pour partir. Je remarquai sur son siège un gilet oublié. J'ai couru à sa poursuite dans les escaliers.

"Madame Mour! Votre gilet..."

Elle s'est retournée dans un sourire majestueux, a tendu la main vers moi. Je me consumais déjà de cette vision idéale quand nos deux mains se touchèrent autour du tissu. J'en avais le souffle coupé, j'ai senti mes jambes commencer à me faire faux bond. Et alors, très distinctement, j'ai senti qu'elle serrait ma main dans la sienne, tout doucement, très subtilement, mais elle me la serrait...

"Merci... Anna..."

Je suis rentrée avec Lucie qui m'a dit avant de descendre à son arrêt de métro 

"J'ai compris qui tu aimes. Je t'ai vue la dévorer des yeux toute la soirée. Tu ne devrais pas t'attacher à cette femme, crois-moi."

Oh my DianeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant