5 décembre

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Quel beau début de semaine.

On était dans la cour avec une dizaine de personnes de la classe. On sortait tout juste du self et comme il faisait extraordinairement beau pour un début de décembre, on s'est tous installés dans la cour principale. On parlait du DS d'anglais à suivre, des vacances qui approchent et de nos résolutions nulles pour l'année à venir.

Je parlais de mon retour à Bordeaux pour Noël quand elle est passée dans la cour. Comme le soleil très bas m'aveuglait je n'étais d'abord pas certaine qu'il s'agissait bien d'elle. Et puis en regardant bien, j'ai pu la distinguer. Elle descendait les escaliers qui mènent au parc. En cette saison il n'y a personne sur les bancs, ni sur les pelouses de cette partie de la cour.

Que va-t-elle faire là-bas, seule? J'ai regardé ma montre, il ne restait plus que cinq minutes avant que les cours ne recommencent. Alors j'ai décidé de me lever sans donner d'explications aux autres; j'ai longé la balustrade et scruté un à un tous les bancs, sans la trouver nulle part. Peut-être a-t-elle fait le tour du bâtiment? Ou bien, éblouie par le soleil, je l'aurai pas vue rentrer? Une seconde fois, je la cherche, et puis je la vois, assise au bas des marches, un livre à la main.

A ce moment-là elle ferme son livre, se lève et son regard croise le mien. Je ne sais pas quoi faire de mon corps, si bien que je reste plantée sur place. Elle gravit doucement les marches et se dirige vers moi en souriant 

"Je vous ai vue d'en bas."

Elle me demande comment je vais, je lui réponds d'un balbutiement. Je lui retourne alors la question

 "Oh, oui... Je suis sortie profiter du soleil pour ne pas rester enfermée jusqu'à 18h, et puis on n'a pas tous la chance d'avoir un parc dans le lycée. Vous venez? On va passer par là, ça rallongera le chemin..."

Je ne comprends pas ce qu'elle veut dire par rallonger le chemin nous n'avons jamais eu de tête à tête à part à propos du voyage... mais là... Comme nous descendons les escaliers qu'elle venait de gravir en silence, je commence à raconter n'importe quoi. Je lui parle de mon DS d'anglais, de la pièce de théâtre de la dernière fois puis je ne sais pas pourquoi je lui ai dit 

"Je voulais justement vous revoir après cette soirée...

-Vous vouliez me revoir? Hé bien vous me voyez là!"

Son rire s'échappe et laisse voir ses dents.

Nous sommes sur un chemin que jamais aucun élève n'emprunte, j'ai l'impression de braver mille interdits. Nous marchons sans faire trop de bruit, elle regarde droit devant elle alors je lui jette des regards. A travers les branches des arbres le soleil dessine des ombres magnifiques sur son visage. Puis elle tourne la tête vers moi et dit 

"Vous voyez, le soleil est déjà passé derrière! Je n'aime pas décembre surtout avec les fêtes."

J'avoue que moi non plus, je lui parle de mon déménagement récent, j'ai presque envie de pleurer. Puis je lui demande si elle a toujours habité à L.

"J'y suis née. J'ai fait mes études ici mais je suis partie les premières années de mon mariage avant de revenir. C'était une union houleuse... Mais bon, ma famille a fini par accepté mon mari, on a eu des enfants merveilleux. Et maintenant il est très malade et âgé... vous avez quelqu'un? Un copain? Ou une copine...?"

Je n'ai pas le temps de répondre que nous sommes déjà devant la grille et la cloche sonne.

Elle me laisse en disant 

"Bon, je vais chercher mon cartable! A bientôt, faites attention à vous Anna." 

Elle m'embrasse de ses lèvres sur mes deux joues tout en me caressant le bras.

Je n'ai jamais autant raté un contrôle d'anglais de ma vie.

Oh my DianeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant