14 décembre

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Je la quitte à peine, elle me manque déjà.

En allant en français ce matin, j'ai croisé Diane dans le couloir. Elle parlait avec un prof mais quand elle m'a vue elle a souri et j'aurais pu mourir là, dans ce couloir, avec son sourire comme dernière vision.
Ils sont partis tous les deux, mon coeur se serrait à chaque pas qui l'éloignait de moi ; avant de tourner au bout du couloir elle s'est retournée et je suis à peu près certaine qu'elle m'a regardée.

A la récréation de 10h elle m'est encore apparue. La porte de la salle où elle venait de donner cours était ouverte. Quelques Secondes étaient encore en train de terminer un contrôle. Elle se tenait appuyée contre le bureau, le regard par la fenêtre, ses bras croisés sur sa poitrine à la respiration calme. Je l'ai entendue dire 

"Allez dépêchez-vous de terminer, vous n'aurez pas de récréation si vous continuez, ni moi non plus!"

Elle a soupiré un peu avant de tourner son regard vers le couloir. Vers moi. Elle n'a pas souri mais elle m'a fixée, ses yeux ne quittaient plus les miens. Elle ne cillait pas, aucun battement de paupières ne la trahissait. J'étais très concentrée sur son regard mais je crois bien que sa respiration s'est faite plus saccadée. Un élève s'est levé pour lui tendre sa copie alors elle a brisé notre étreinte visuelle. J'ai pu regardé son corps, ses vêtements. Elle portait un jean foncé ajusté, des bottines noires et un col roulé de la même couleur. Ses cheveux tenaient à peine dans un chignon trop lourd, comme souvent des mèches s'échappaient et ondulaient de toute part.

Le temps semblait interrompu. Ses élèves sont finalement tous sortis. Elle a rassemblé ses affaires, essuyé le tableau. Et puis elle a jeté un œil dans le couloir, elle a souri cette fois et m'a fait signe de la main pour que j'entre. Je suis restée interdite de ce geste, de sa main qui m'a incitée à venir avec elle. Je suis entrée, elle a poussé la porte doucement derrière moi. Elle s'est assise sur le coin d'une table, a souri avant de me parler et de dire:

"Vous aimez lire Anna? Vous aimeriez que je vous conseille des lectures? Elles pourraient vous être utiles pour votre bac de français évidemment!
-Oui beaucoup. Mais vous n'êtes pas ma prof je ne voudrais pas vous donner du travail en plus.
-Justement. Vous n'êtes pas mon élève c'est beaucoup plus confortable pour moi de tisser une relation privilégiée avec vous sans léser les autres. Je vous prêterai un livre en janvier donc... Le temps passe vite, bientôt nous serons en Italie toutes les deux. J'ai été très émue de notre conversation de l'autre jour, je pense à vous souvent depuis.
-Merci... C'est un peu bizarre quand j'y repense, je ne vous connais pas, vous êtes prof, et je vous raconte tout ça...
-Vous deviez en avoir besoin. C'est une amitié qui débute doucement à mon avis. N'hésitez pas à venir me parler comme ça si vous en ressentez l'envie. Ça me fait du bien à moi aussi. Allez zou, je voudrais me prendre un café avant mes terminales quand même!"

Elle a ri, s'est levée pour prendre ses affaires. La porte était toujours entrebâillée, je n'entendais aucun bruit venir du couloir alors je me suis jetée à l'eau.

"Je peux faire quelque chose?
-Oui je vous en prie."

Je me suis approchée d'elle, j'ai vu son œil gris et l'autre bleu. J'ai très doucement posé mes mains sur ses épaules et à leur suite mes lèvres sur sa joue. Elle a souri et m'a rendu ma bise, sur le coin extrême de la commissure de mes lèvres. Dans un souffle elle m'a dit: 

"Anna... partez vite..."


Oh my DianeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant