Sous La Voute Étoilée.

Terre

Chaque fois qu'il avait imaginé son retour au bercail, Harry en avait eu une image différente. Il était difficile pour lui de se rendre compte de tout ce qui avait pu se produire sur Terre durant son absence. Tant de choses avaient dû se passer, tant de détails avaient pu changer, tant d'eau avait dû couler le long de la Garonne.

Comme il l'avait pressenti, la boule au fond de sa gorge n'avait fait que grossir tout du long de leur progression jusqu'à la Planète bleue. Il lui faudrait quitter une vie qu'il avait appris à aimer, mais aussi les personnes avec qui il avait vécu durant des mois, sans jamais en être séparé. Harry aurait voulu être heureux, mais il était réaliste avant toute autre chose. Il allait forcément avoir le mal de l'espace, bien plus qu'il n'avait eu le mal du pays en quittant la France.

Lorsque leur véhicule s'était posé sur la terre ferme, dans un pays dont il ne se souvenait même pas du nom, Harry s'était attendu à voir une équipe de médecins les prendre en charge et les réhabituer à la gravité. Il n'avait songé à rien d'autre. Et ce fut là sa toute première erreur. Si l'équipe médicale était belle et bien présente, elle était accompagnée de tout un tas de photographes et de cameramen, cherchant à immortaliser leur retour comme s'il s'agissait de la renaissance du Christ. Il avait été à la fois déboussolé et timide, de prendre conscience que, dans quelques instants, leurs visages seraient sur de nombreuses télévisions du monde. Si aucun d'eux n'avait signé pour ça, Harry était surtout le seul à ne l'avoir jamais connu et c'était une sensation qu'il n'appréciait vraiment pas. Heureusement pour lui, et pour eux tous, ça avait été plus rapide qu'il ne l'avait cru. On leur avait posé quelques questions, on les avait pris en photos plus que la normale et une fois certains de pouvoir marcher, lui et ses partenaires avaient été pris en charge par l'ESA. Bientôt, ils regagneraient leur pays, leur famille, leur vie.

Le voyage pour rentrer à Toulouse lui avait paru long, malgré la rapidité comparative entre celui-ci et celui qui l'avait ramené sur Terre. Harry en avait profité pour appeler ses parents et les informer que, d'ici la fin d'après-midi, il serait près d'eux – il leur fallait d'abord passer voir leurs supérieurs pour un premier débriefing. Toute la joie qu'il avait entendu dans les mots de sa mère lui avait suffit à retrouver le sourire. En fin de compte, peut-être qu'il n'allait pas regretter l'espace trop longtemps : la boule dans sa gorge se transformant doucement en un vent d'euphorie dans son estomac. Ça lui faisait un bien fou.

« Harry ? »

En relevant la tête vers son capitaine – ancien capitaine dorénavant – Harry laissa l'émotion le posséder quelque peu. Cooper n'allait pas lui manquer au sens littéral, il ne serait pas sans le revoir durant les prochaines semaines, mais rien n'allait plus être pareil maintenant qu'ils étaient rentrés, non ?

« Oui ?

- Tu vas bien ?

- Je suis un peu...

- Nostalgique ? interrogea Cooper, alors qu'Harry répondait par un hochement de tête. Ça nous arrive à tous tu sais, même à moi pour qui ce n'était pas la première fois.

- C'est désagréable.

- Ça te passera tu verras. Et puis, tu ne seras certainement pas sans jamais remonter là-haut. »

Le sourire aux coins des lèvres de Cooper fit réagir Harry, au moins un tout petit peu. Est-ce qu'il savait quelque chose ? Est-ce qu'on lui avait parlé de lui sans que lui-même ne s'en aperçoive, trop déboussolé pour cela ?

« Non, on ne m'a parlé de rien, rit Cooper en sentant l'incompréhension de son jeune coéquipier. Mais tu as été brillant Harry, et il est évident que je ne le cacherai pas lorsqu'on me demandera de faire un rapport sur chacun de vous. Tu méritais ta place parmi nous, n'en doute surtout pas. »