Hauméa

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Comme il l'a déjà fait voilà de cela deux ans, Harry ouvre la porte d'une pièce bien particulière avant de la refermer derrière lui. Il se barricade ici, alors qu'il s'apprête à envoyer sur Terre son tout premier message depuis qu'ils sont en orbite. Cette fois, il n'aura mis qu'une petite semaine à le faire, mais il sait que ce sera toujours une semaine de trop pour Louis. Surtout s'il part du principe qu'il est dans l'espace depuis sept jours, mais que le voyage de la Terre à ici a déjà duré un bon moment.

Harry croyait que le manque de son petit ami serait moins compliqué à gérer que lors de son premier voyage. Il pensait qu'en se sachant heureux avec lui, bien des sujets ne le perturberaient pas. Que nenni. Assis droit dans son siège, Harry prend une énième fois conscience que Louis lui manque terriblement. Et ce n'est rien pourtant, une semaine. Ça leur est même déjà arrivé une ou deux fois, lorsque Louis partait chez ses parents, mais c'est tellement différent dans ce cas de figure. Harry ne peut pas parler à Louis, il ne peut pas entendre sa voix, lui demander comment il va ou lui raconter tout ce qu'il voit là-haut. Alors il se concentre sur le travail, plus encore que la fois passée, et ça va mieux. Il aime à le croire. C'est dans cet optique qu'il se lance.

« Coucou vous tous ! C'est encore plus bizarre de parler face à ce truc tout en sachant que vous n'allez plus être que trois à me regarder ! Je crois que c'est vous qui recevrez le message papa et maman, n'oubliez pas de le transmettre à Louis ! Même si je me doute bien qu'il doit appeler tous les jours au cas où c'est arrivé sans qu'on ne l'ai prévenu. »

Le jeune astronaute se frotte le nez en riant. Il se sent affaibli derrière cette caméra et ça ne lui était encore jamais arrivé. Il a peur de ce qu'on pourra penser de lui à des centaines de milliers de kilomètres plus bas.

« D'ailleurs ! Bowman nous a d'ores et déjà prévenu qu'on n'allait pas avoir autant de faciliter à communiquer avec vous que la dernière fois. Il est évident qu'on arrivera à se rapprocher assez de tout pour vous avoir en direct, mais il n'est absolument pas encore en mesure de nous dire quand. Et comme il est possible qu'on ne puisse pas vous envoyer de messages individuels non plus, ce sera le CNES qui vous préviendra ! On est en contact quasi permanent avec l'ESA, vous vous doutez bien, et eux auront les données numériques de Bowman quoiqu'il arrive. Ils sauront transmettre la moindre information s'il elle arrive et nos collègues sauront où vous joindre pour vous en dire plus ! Bref, que dire concernant cet endroit... »

Les bras d'Harry virevoltent partout autour de lui alors qu'il montre une pièce qui est la plus banale possible. Mais il n'a pas besoin d'agrémenter plus, il sait pertinemment que ceux qui vont visionner la vidéo sauront ce qu'il veut dire.

« C'est toujours aussi magique et majestueux. Quand je suis rentré la dernière fois, j'ai eu beaucoup de mal à me réhabituer à l'attraction terrestre et je ne sais pas pourquoi, j'ai cru que le contraire allait arriver ici. Enfin vous voyez, comme j'étais déjà venu tout ça... Bref, tout ça pour dire qu'en fait je n'ai eu aucun souci. C'est toujours aussi agréable de flotter dans du coton quand bon me semble. Je vous emmènerai dans un simulateur un jour, que vous puissiez voir de quoi je parle. Y'en a un au boulot ! Enfin voilà, je profitais d'un petit moment de libre pour vous faire un coucou, mais je vais devoir laisser ma place aux autres. »

C'est déjà la fin et comme auparavant, ça semble si court. Harry serait bien resté là des heures durant, pour pouvoir adresser un petit mot à chacune des personnes qui va regarder la vidéo, mais il n'en a pas la possibilité.

« Papa, maman, prenez bien soin de Gemma ! Faites tous très attention au bébé bordel ! C'est fragile ces petites-choses là, même dans le ventre de leur mère ! Il est hors de question que je rentre et que je me retrouve avec un neveu ou une nièce que vous aurez cogné dans un mur avant même qu'il ne naisse ! J'ai mieux, même. Trésor, pourrais-tu veiller sur eux quatre, s'il te plaît ? On sait tous les deux que tu es le plus censé de tous ces sauvages. Sans doute parce que tu as la chance de ne pas avoir leur sang. »

Harry n'a pas peur que ses parents ou sa sœur prennent mal ses mots. Ils vivent en osmose depuis si longtemps qu'ils savent reconnaître le sarcasme de leur famille, même Louis en a pris le pli.

« Sur ce, j'y vais ! J'espère qu'on arrivera à communiquer bientôt, restez aux aguets des nouvelles du CNES, on ne sait jamais ! Vous me manquez tous très fort... Surtout toi mon Cœur... Et ne faites pas la gueule vous autre, vous savez de quoi il retourne. Je pense fort à vous et je vous embrasse fort. Je vous aime. »

Un sourire étincelant sur son visage, Harry coupe lesystème de vidéo et se laisse aller sur son siège. Si ce message est une bonnechose de faite, il lui met aussi un peu de chagrin au cœur. Il a hâte deretrouver tout ce petit monde, et surtout le camarade du mouton qu'il a dans lapoche.    

Sous La Voute Étoilée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant