25. Coloc' des coeurs brisés

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— Quino, murmuré-je d'une voix enrouée. Je suis tellement, tellement navrée. Je... je n'ai jamais rien remarqué. Tu ne m'as jamais rien avoué... tu n'as rien entrepris. Je... je ne sais pas quoi te répondre. Tu es le garçon le plus adorable de la terre et tu as rendu cette colocation vraiment chouette.

— Ne fais pas ça Adelia. Ne m'explique pas à quel point je suis formidable alors que je suis en train de me prendre une veste.

Je grimace. J'ai mal pour lui. J'ai d'autant plus mal que je suis responsable de sa peine. Mais je ne sais absolument pas quels mots prononcer pour l'apaiser. J'ignore même si je suis dans une position qui m'autorise à essayer. Mal à l'aise, je me tortille sur ma chaise.

— J'ai conscience d'être fade à côté de quelqu'un comme Nate. Je n'ai pas sa carrure ni ses abdominaux en béton, mais...

— Parce que tu crois, l'interrompé-je immédiatement, piquée au vif par ce qu'il sous-entend. Tu crois que tout cela n'est qu'une histoire de physique ? Que ce n'est qu'un banal béguin basé sur un joli minois, de la testostérone et des muscles saillants ? Tu ne penses pas qu'il aurait été plus facile de l'oublier si tel avait été le cas ?

— Non, tu m'as mal compris : tu mérites ce qu'il y a de mieux et j'admets ne pas correspondre à ton idéal masculin.

— Quino ! grondé-je littéralement. Arrête de te déprécier ! Tu es mon ami avant tout. Et tu resteras un ami à mes yeux. C'est la seule raison pour laquelle je ne partage pas tes sentiments. Ton allure ou ton absence de biceps et d'abdominaux n'y sont pour rien.

— Je vous apporte la carte des desserts tout de suite, nous indique la serveuse qui accompagne en même temps un nouveau couple à une table non loin de la nôtre.

J'acquiesce avec un sourire poli dans sa direction et mon regard est étrangement attiré par le visage familier de l'homme juste derrière elle. Il m'observe avec un froncement de sourcils, ses yeux allants et venants entre Quino et moi. Physionomiste, je ne mets pas plus de trois secondes avant de resituer notre première rencontre. C'est le barman du pub où Nate Calvin m'avait fixé rendez-vous pour s'excuser. C'est le barman certes, mais c'est aussi et surtout l'un de ses amis.

Mon sourire se fige et tous mes muscles se tendent alors que mon visage devient livide. Il devait être au courant. Pas des manigances de Nate, mais de son statut marital. Pourtant il n'a même pas sourcillé en entendant son ami marié m'inviter à dîner. Est-ce que c'était de la solidarité masculine mal placée ? Ils ont certainement bien ri derrière mon dos.

Tout appétit me déserte et la simple évocation d'un dessert me colle la nausée.

— Et c'est ainsi que j'ai tripoté les fesses de la reine d'Angleterre. Elle a d'ailleurs fortement apprécié, de même que son mari le duc d'Edinburgh. C'est comme ça qu'Elisabeth et Philip m'ont proposé un plan à trois, conclut Quino en claquant des doigts devant mon visage à plusieurs reprises.

— Que... quoi ? m'exclamé-je, complètement désorientée par ses dernières paroles, alors que je le regarde à nouveau.

— Quelque chose ne va pas ? Tu étais à des années-lumière

d'ici.

Du coin de l'œil, je perçois distinctement la femme accompagnant le barman pivoter légèrement pour m'observer avec ce qu'elle pense être de la discrétion. Mes mains deviennent moites et une colère sourde monte en moi, lentement mais sûrement. Le goût subtil et amer de la trahison jaillit à nouveau.

— Adelia, tu es très bizarre, me confie Quino en m'observant.

Je l'entends parler d'une voix désincarnée. J'ai l'impression qu'il se situe à des kilomètres de moi. Mes mains se sont crispées et mes membres tremblent, hors de contrôle. Subir cet examen minutieux comme on examinerait un microbe sous microscope est bien plus que ce que je suis à même de supporter. Ils sont très probablement en train de se moquer de moi. La pauvre et stupide Adelia qui a cru que le cœur d'un homme tel que Nate chavirerait pour elle. La pauvre et stupide Adelia qui ne lui a servi qu'à peaufiner son personnage principal. Parce que pour certains, la fin justifie les moyens, peu importe les gens qu'on écrase au passage. Je respire profondément et difficilement.

Perfectly Imperfect (Imperfection #1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant