« T'es vraiment super mince, mec.
- Même plus mince à ce stade, squelettique. » J'entends un grand blond marmonner en entrant dans la douche mais je ne dis rien. Erwan pince ses lèvres entre elles comme s'il était désolé. Je me doucherais autre part, tant pis. Je renfile mon pull et fourre toutes mes autres affaires dans mon sac.« T'es vraiment con quand tu t'y mets. » J'entends Erwan murmuré, surement au blond, puis la porte se referme dans un claquement sourd derrière moi.
Même plus mince à ce stade, squelettique.
Je sais qu'il a raison, je sais, je le vois. Parfois, j'ai tellement envie de tout arrêter. Il y a pleins de petites choses qui s'ajoutent les unes aux autres et qui me donnent envie de tout foutre en l'air. Souvent, on parle sur des gens qu'on connait à peine et merde, j'ai tellement mal au cœur. J'ai envie de vomir tout ce que j'ai avalé ce matin parce que soulever ces petits poids, rien qu'une vingtaine de kilos, c'est comme faire un sprint alors que tu n'as rien mangé depuis des jours, des jours et des jours entiers. Des jours que tu vois passer très lentement. C'est tellement épuisant, de trouver et de puiser le peu d'espoir qu'il te reste. C'est comme être témoin de sa propre vie sans même la vivre pleinement. Il y a toutes ses voix et tous ces gens qui me disent que je n'y arriverais jamais. Pourtant, tout au fond de moi, je reste persuadé que j'ai encore assez d'espoir pour réussir, que tous les choix que j'ai faits étaient les meilleurs et je n'aurais jamais pu faire mieux. Parfois, souvent, rarement, qu'importe, il y a des gens qui meurent de faim dans la rue et j'ai l'impression de me voir à travers eux quand je les dépasse, quand je les vois. Même si j'essaye, je ne pourrais jamais faire tout, tout seul, parce que certaines choses se font à plusieurs, et nous avons parfois besoin de personne extérieur pour nous aider à remonter la pente.
Je crève de faim à chaque pas, à chaque parole, à chaque geste mais j'ai encore de l'espoir, assez pour rester en vie encore un petit moment. Comme les besoins passent avant les convictions, je suis allé au centre ce soir-là.
Même plus mince à ce stade, squelettique.
Il y a du bruit et des conversations qui fusent de tous les endroits. J'entends des brides de conversation, par ci, par là, pas de trucs bien intéressants. Je vois Ben assis à une table au fond et je prends le premier plateau qui me vient, posant tout un tas de choses dessus sans bien même regarder et je le rejoins. Je m'assois alors qu'il n'a toujours pas relevé les yeux de sa feuille de papier.
« Hé. » Je dis, la voix éraillé de ne pas avoir beaucoup parlé aujourd'hui, à cause du froid et de la fatigue mélangés.
Il sursaute et relève sa tête vers moi, esquissant un petit sourire. « T'as enfin compris que t'avais besoin d'aide.
- Je n'ai pas besoin d'aide. J'avais juste faim. » Je ne le regarde même plus, jouant avec la nourriture dans mon assiette puis enfouissant pleins de trucs dans ma bouche. « Putain. » Je soupire de soulagement.« T'as maigris. » Il dit. Il affirme. Il ne me pose pas la question. Il déduit un fait et j'hausse les épaules.
« Je me suis inscrit à l'université.
- Tu bouffes des bouquins au moins. » J'essaie de me retenir de sourire mais une petite forme de celui-ci se dessine sur mes lèvres.« Je me suis disputé avec Julian. Il m'a viré de chez lui. » Et il n'en faut pas plus. On mange dans un silence rempli de dizaine de conversations. Dans un silence reposant et dans lequel on se comprend.
Je vais me resservir une fois que j'ai finis. Je ne suis pas sûr d'avoir le droit mais la pauvre femme qui sert n'y fait pas bien attention, trop absorbé par son portable. Je me rassois et j'écoute Ben parler des choses qu'il a faites dans les dernières vingt-quatre heures.
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YOUNG
RomanceNahel a passé dix ans de sa vie avec un père soul, drogué, dépressif. Nahel a marché des jours entier à la recherche d'un nouveau foyer, avec de l'électricité. A dormir dehors, fouiller les poubelles, économiser le peu d'argent qui lui restait. Epui...