YOUNG

11 Trèfles (98j jeudi)

Si on me demandait ce qui m'ennuyait en ce moment, je répondrais que c'est le temps. Il ne fait pas beau. Il fait même moche. Et j'ai l'impression d'avoir pris trente ans en disant cela pourtant c'est réellement ce que je ressens en regardant par la fenêtre de la cuisine de Julian. Il habite au sixième étage, sans ascenseur et je suis encore en train de me demander comment ils ont pu m'amener ici. Je n'ai pas vu le temps passer, ils ont dû en mettre, quand même. Je suis maigre, ok, mais pas léger.

J'évite de trop m'impliquer dans l'activité de Ben, qui tri simplement les crayons du bureau de Julian. Je ne sais pas pourquoi il fait ça. Peut-être que c'est une manière pour lui de se détendre mais cela reste bizarre, genre, vraiment bizarre. Et je pense qu'il le sait, mais ses sourcils ses froncés, signe qu'il ne veut pas que je lui adresse la parole ou du moins, qu'il ne veut pas qu'on le dérange. C'est enfantin, mais c'est compréhensible.

« J'ai hésité pendant une seconde à t'envoyer à l'hôpital, mon pote. » Julian en ricane, pourtant je vois la frustration sur son visage. Je n'ai juste pas envie d'en parler, je pense que c'est compréhensible. Je n'ai aucune explication à donner non plus. Faisons comme si rien ne s'était passé, même si mon visage blanc comme un linge et mes yeux rouges montrent qu'il y a un problème quelque part.

Un petit problème. Pas besoin d'en dire plus.

« J'vais y aller, j'ai déjà loupé trois jours de cours. » et j'ai aussi loupé mes entrainements de hockey, je risque clairement de ne pas y rester longtemps. Si je ne suis pas encore viré, c'est simplement parce que je vais me prendre la raclé de ma vie. Alors malgré moi, j'avale deux fruits difficilement et je jette mon sac sur mon épaule, avant de partir de chez Julian, après avoir tapoté la tête de Ben et salué le plus grand.

Les deux ne sont plus scolarisés. En fait, Julian a encore ses parents qui lui prêtent de l'argent et de ce que je sais, Ben a arrêté après avoir passé une salle période. Il avait des cours particuliers, que Julian lui payait à moment donné, je sais. Mais aucune idée si c'est toujours le cas. En tout cas, dès qu'un boulot se présente à eux, ils n'hésitent pas à le prendre. Même si Julian est plutôt posé et va bientôt travailler dans la boite de son père. Il est sûr d'avoir un avenir à peu près correct, au moins. Et Ben sait qu'il peut compter sur la famille du Blond, alors c'est cool pour lui aussi, j'suppose.

J'arrive trop vite à mon entrainement de hockey. Cette après-midi, j'ai cours, mais je n'ai pas vraiment pris de retard puisque le gentil Erwan m'a envoyé tout ce qu'ils avaient noté et j'aurais bien voulu me plaindre, mais du coup, c'est foutu.

Je me change en vitesse, tout le monde étant déjà sur le terrain et je l'ai rejoint tout aussi vite. Le coach me lance un mauvais regard, celui du genre, bien appuyé ; « Si tu fais de la merde, tu prends la porte. » Voilà, un truc comme ça. Angel tape dans ma main et je commence à m'échauffer à ses côtés.

« T'as pas dormi, toi.

- Pas vraiment. » Oh, s'il savait. J'ai même beaucoup trop dormi ces derniers jours, mais je suis toujours autant fatigué.

« T'étais à la fête de Logan ? Tu sais qu'ils en refont une ce week end ? On y va avec l'équipe, t'as intérêt à y être. Je passerai te prendre, si tu veux.

- Je pense qu'Erwan me déposera, mais c'est cool. » Ma réponse sonne comme positive pourtant je me demande une nouvelle fois si c'est une bonne idée. J'ai plutôt passé une soirée tranquille la dernière fois, et j'ai bien dormi. Alors je pourrai le refaire, une nouvelle fois.

L'entrainement commence fort, et je me prends pas mal de coup. A vrai dire, c'est le risque de ce sport mais a part quelques bleus, je ne risque normalement pas grand-chose. Pour une fois, je me donne à fond, transpirant à grosse gouttes. Je n'arrête pas non plus quand je sens ma tête tournée. C'est bientôt la fin et je dois finir cet entrainement, sinon c'est fini pour moi, ce sport. Et, sans mentir, je suis plutôt content de reprendre. Je me sens bien, à ma place, plus qu'à la musculation, en tout cas.