2 trèfles

94 11 0
                                    

« Nahel ! Descends de suite merde ! Nahel. » Il cri alors que je me bouche les oreilles, sous ma couette. J'ai froid. J'ai mal, aussi. J'entends ses pas dans les escaliers et un gros BOUM qui résonne dans mes oreilles. En continue, sans arrêt. Il va me taper, je le sais. Les pas s'arrêtent et je l'entends tousser. Vieux porc. Puis, ils reprennent, comme le son d'un tambour résonnant un peu trop fort. BOUM. BOUM. BOUM. Il est devant ma porte, j'entends la poignée se tourner et la porte s'ouvrir dans un bruit on ne peut plus fort parce que mes oreilles bourdonnent et que chaque bruit est un supplice, comme celui de la sonnette qui retentit. La sonnette qui retentit. Mon dieu. Les pas de mon père s'éloignent et quelques secondes plus tard, des voix s'élèvent dans le salon. Je sais que c'est fini pour ce soir. Du moins, seulement pour les quelques heures qui suivent et je prie pour que ces amis lui fassent boire jusqu'à qu'il ne puisse plus monter une seule des marches de notre escalier.

«Il faisait froid
Sur mon poignet droit,
un trait
Un premier décembre sous les sapins enneigés
Je l'ai aperçu s'envoler
Chantonnant un air d'été
Ses cheveux détachés
Son regard crié de l'aider
Je l'ai laissé s'en aller
Il faisait froid
Sur mon poignet droit,
deux traits. »

Je referme mon carnet, posé sur mes genoux, mes bras glissant le long de mon corps. J'ai entendu des pas s'approcher. Le même bruit. Celui que papa faisait quand il montait les escaliers. Sauf que là,  j'étais dans une ruelle et que je devais m'y faire. Des bruits de pas, il y en a nuit et jour, à toutes les heures, tout le temps. Mais contrairement à d'habitude, c'est des bruits de bottes. De grosses bottes même. Genre, celles du policier qui m'attrape le bras pour me tirer en dehors de cette ruelle. « Tu n'as pas le droit d'être ici garçon. Les voisins se plaignent. » Je ne réponds pas, fatigué de me battre. Mon arcade s'est ouverte de nouveau, je m'en fou, ça m'importe peu. J'ai simplement eu le temps d'attraper mon sac et de serré mon carnet contre moi, aussi fort que possible, que j'étais au poste de police. Celui au coin de la rue, après le restaurant de  GOOD JOB JIMY.

« Qu'est-ce que tu fais la, gamin ?
- Je dors ?
- Tu n'as pas le droit d'être ici.
- C'est un lieu public ! » Je rétorque énervé.

« Tu n'as pas d'endroit où aller ? Une maison peut-être ? » Je serre les dents et ne réponds pas. Les voisins se plaignent. J'en ai vu des choses pas vraiment au cool durant les deux mois où j'étais dans les rues, mais malgré moi, j'ai toujours fais attention à ne gêner personne, mais là, c'est pire que je n'aurais pu penser. Je n'ai jamais dérangé personne, putain.

« Si. » Je finis par lâcher.

« Alors rentre chez toi, gamin. On n'a pas que ça à faire. »

Je suis surement trop shooté, trop endormi. Je ne sais plus vraiment. Quand est-ce que j'ai commencé à prendre cette merde ? Il y a un mois, je crois. C'était avec Julian, on venait de se battre, un peu trop fort, un peu plus fort que la dernière fois. Je l'ai vu se piquer et je me suis demandé s'il ne se foutait pas de ma gueule, de faire ça, devant moi, mais il m'a dit qu'à moi aussi, ça me ferait du bien. J'avais déjà vu mon père le faire, sauf que je ne voulais pas devenir comme lui. Puis je me suis dit que si je ne le faisais qu'une seule fois, ça n'aurait pas d'importance, une simple erreur de parcourt, parce que n'empêche, j'étais perdu, désespéré. Il m'avait foutu à la porte, le patron du café. J'étais venu pour postuler et quand il a vu ma tête, mes yeux fatigués, mon sourire à moitié vrai, désespéré et mes habits sales, tout tachés, il m'a poussé vers la porte : « Je suis désolé, on ne prend plus personne. » C'est ça. Je l'ai vu mettre l'annonce le matin même.

Les gens sont tous égoïstes. Je devais l'être moi aussi, avant. Les gens d'ici te regardent comme si tu venais d'autres parts. Ils te regardent mal quand ils voient ta misère mais te sourient quand ils voient ta richesse. Ça devrait pourtant être le contraire. Juste un sourire de temps en temps, ça me ferait du bien. Un regard attentionné et pas de dégout, ça réchaufferait le cœur, parfois.

YOUNGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant