3 trèfles

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J'y ai passé la nuit, à vomir mes tripes et trembler à cause du contre coup toujours présent, et elle est restée jusqu'à tard le soir, à me caresser le dos comme si elle me connaissait depuis des années. Je me suis d'abords demandé si elle n'y était pas habituée, et puis je suis sortie pour prendre un truc à manger et je l'ai vu, là, courir à droite, à gauche. Elle fait ça pour tout le monde, les aider. Merde alors, comment une fille comme elle peut s'occuper des drogués comme eux, comme nous ?

Je ne suis pas resté longtemps. J'ai pris mon sac, la couverture qui trainait sur le lit et je me suis barré sans rien laisser derrière moi. Aucune trace de mon passage, je n'ai rien dis à personne.  C'est d'abords le froid qui m'a frappé en pleins visage. Le vent glacial qui se heurtait contre les murs des rues. Une idée sordide qu'était de sortir, j'ai immédiatement regretté mais quoi de plus ? Je ne comptais pas rester un jour de plus dans cet endroit misérable.

Quelques jours après, le soleil se levait pour illuminer les rues d'Hoboken et poser un peu de chaleur au milieu de ce vent glacial. J'ai dû bouger, assez souvent, deux fois par nuit, avec le peu de force qui me restait et le sac sur le dos. J'avais envie de chialer tellement c'était dur. Devoir marcher pour ne pas mourir de froid, ne pas crever frigorifié. J'ai bien failli clamser, une des dernières nuits, mais Ben est arrivé, accompagné de Julian. J'ai vraiment eu une forte pulsion sur le coup. Mon poing dans sa mâchoire. Ca n'aurait rien arrangé, et il m'a prêté un lit le temps d'une nuit alors je me suis retenu. Puis, j'étais défoncé, je suivais à peine ce qui se passait alors je n'aurais jamais réussi à bien viser. Le lendemain, je me suis de nouveau barré quand j'ai vu les rails de coc' sur sa table basse et les joints à moitié fumé dans le cendrier. Putain de merde. Je voulais à tout prix éviter ces merdes, du moins, le plus longtemps possible. Même si j'en avais surement encore dans le sang. Cependant dans la rue, tout y fait allusion, même le regard des passants, parfois. J'ai l'impression de me noyer en continu. Ho. Respire mon gars.

Alors je marche, je marche et tous les midis, je vais près de l'université pour me renseigner. Comme maintenant, près du grand portail où une grande majorité d'élèves est rassemblée. Je crois qu'ils lisent des résultats sur un grand tableau que j'ai vu être affiché quelques minutes auparavant.

Il y a des sourires,
Des rires et des cris de joies.
Il y a des câlins,
Et des embrassades à tout va.
Mais aussi des pleurs,
Des sourires tristes et des larmes,
Il y a des cris de tristesse et des dos recourbés,
Qui annoncent la défaite ou le mauvais succès.
Enfin, il y a des haussements d'épaules,
Et des « ça va » par ci, par là.

    Je me demande dans quelle catégorie j'aurais été si j'avais passé ces examens, moi aussi. J'aurais surement été indifférent. En fait, je n'étais pas si mauvais à l'école, j'étais même bon. Très bon et voilà ou j'en suis. Comme quoi les notes ne font pas tout. Cette université est publique et gratuite. Il me suffit d'un simple dossier pour y entrer, pas besoin d'anciennes notes, de diplôme ou autre. Je crois que j'ai juste peur. Peur de me foirer, de me planter. Peur du jugement parce qu'ils le seront forcément. Un gars à la rue, ça se voit. Ce n'est pas innocent. Mes fringues, mon visage fatigué, mes attitudes et mes manières. Puis, je ne sais vraiment pas comment je me suis retrouvé là, devant une petite femme blonde qui me tend des dossiers en me regardant d'un air mauvais. J'ai fait quelques pas et voilà où j'en suis. Je les lui prends en la remerciant sans un sourire et fourre les papiers dans mon sac.  Mes mains commencent à trembler alors qu'il est seulement treize heures de l'après-midi et je suis en train de me demander comment je vais réussir à tenir jusqu'au soir.

    Perdu dans mes pensées, je traverse de nouveau l'allée de l'université ou la plupart des élèves présents quelques minutes avant se sont éclipsées. Je m'approche du panneau d'affichage quand j'aperçois la petite tête brune posée devant.  Elle n'a pas l'air contente, ni énervé. Peut-être un peu triste car elle forme une petite moue avec sa bouche. La blonde à côté d'elle lui caresse le dos et je me demande bien quelle note elle a pu avoir pour être dans cet état. Je me recule de nouveau, laissant une grande distance entre nous pour qu'elle ne me voie pas. Pas après la dernière fois. Quand je la vois s'éloigner et se diriger vers le parking, son cahier serré contre sa poitrine et ses cheveux rebondissant dans son dos, je décide de m'approcher.

YOUNGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant