C'était un cauchemar

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Papa,

En me levant ce matin, pendant quelques minutes, le flou du sommeil pesant encore sur moi, je m'étais dit que les événements de la vieille n'étaient qu'un simple cauchemar. Mais la réalité m'a vite rattrapée. Comme pour me forcer à me rappeler. Comme si c'était inscrit sur mon front « Ton père est mort ».

Ce soir, je n'y arrive toujours pas à y croire. Ça n'a aucun sens. Pourquoi tu es parti ? J'ai encore besoin de toi. J'aurais toujours besoin de toi. Rien ni personne ne pourra te remplacer. J'ai comme l'impression que cela fait déjà des années que je ne t'ai pas vu. Tu me manques déjà, Papa.

En allumant mon téléphone, tu aurais vu le nombre de messages que j'avais reçu. Soudainement, tout le monde s'inquiétait pour moi. Tout le monde était là pour moi. « Courage <3 » « Je suis là si besoin » et j'en passe. Ça m'a fait chaud au cœur. De savoir que, quand même, je comptais un peu pour ces gens. Que malgré tout, ils avaient pensé à moi aujourd'hui. Et toi, Papa, est-ce que tu penses à moi là où tu te trouves ?

Ce midi, j'ai une copine qui m'a appelée. Une heure au téléphone. Pour parler de moi. De toi. Et de son beurre. Je ne pourrais jamais assez la remercier de m'avoir permis de m'échapper de cet enfer quelques instants. Tu sais, j'étais dehors, devant le funérarium. Il faisait chaud, beau, et l'herbe me chatouillait les pieds. Et je l'écoutais parler, me raconter comment son beurre glissait, mais qu'il ne fallait pas qu'elle le lâche. Papa, pendant une seconde, on aurait pu croire que tout allait bien. Mais rien n'allait bien.

On est allées voir quelqu'un, Maman, moi, Nolwenn et Gaëlle. Pour préparer la cérémonie. Tu sais, ça m'a fait mal parce qu'elles connaissaient tes goûts de musique, pas moi. J'ai eu l'impression de ne pas te connaître. Tu as sombré dans l'inconnu. Pendant un instant, tu es devenu un inconnu.

Nos proches ont défilé. Ils venaient s'asseoir près de nous. Ils nous tenaient la main tellement fort, comme s'ils avaient peur qu'on s'envole à notre tour. Pour te rejoindre. J'aimerais bien te rejoindre, Papa. Mais, je ne sais pas où tu es. Quelque part dans le ciel ? Quelque part dans un monde meilleur ?

Et nous te regardions. Allongé sur ce lit glacé, entouré de toutes ces fleurs plus magnifiques les unes que les autres. Je ne saurais décrire ce que je ressentais quand je te regardais. Cela me paraissait, et cela me paraît toujours, irréaliste. Je crois que j'avais envie de fuir. Loin de cet endroit terriblement triste. Loin de ton corps sans vie. Loin des larmes de notre famille. Ce n'était pas facile, tu sais. De voir tous ces gens que j'aime pleurer. Te pleurer. Pleurer la disparition d'un être cher.

Toute la famille est là, au complet, autour de toi.

Nous avons passé toute la journée-là. À la veillée. C'est un drôle de nom. « veillée ». Devons nous veiller sur toi ? Sur ton corps sans vie ? Je sais que toi aussi, tu veilles. Tu veilles sur moi. Sur nous.

Cette journée était silencieuse. Tout s'est déroulé en silence. Sans un mot. Qu'est-ce qu'on aurait pu dire ? Les mots ne peuvent soulager ces maux, Papa.


Je t'aime fort. 

Dear DadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant