Hexagone 4 - Vis de nouveau

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Il faisait froid quand Aïden prit conscience de ce qu'il venait d'arriver.

En ouvrant les yeux, il reconnut le Désert du Passage, plaine sablonneuse froide et implacable.

Il s'empressa de soulever son tee-shirt afin d'inspecter sa blessure, un trou béant dans son torse. Curieusement, pas la moindre goutte de sang ne coulait. Comme s'il n'était pas ici sous forme d'un être vivant. Il s'observa un peu et se rendit compte qu'il n'était plus habillé pareil qu'à la soirée mondaine. Il portait un simple tee-shirt noir et un pantalon ordinaire. Il était pieds nus.

Il se releva et commença à observer les alentours. Les lieux étaient vides. Un froid horrible parcourait les dunes de part en part.

Il se mit à marcher doucement, ne voulant pas trop forcer.

-Hey. Je suis là. Dit une voix féminine et familière.

Il se retourna et vit Esther. Elle semblait légèrement contrariée de voir Aïden.

-Toi... Alors c'était donc vrai.

-Il faut croire. Répliqua-t-elle.

Aïden sentit ses forces l'abandonner. Il se laissa tomber à genoux et fixa le sol entre ses jambes. Il se demandait ce qui pouvait bien arriver de pire. Il avait vraisemblablement été tué par Jeanna. Il avait perdu son combat contre elle et devait maintenant porter le poids de ne pas avoir pu empêcher le monde de basculer.

-Tu sais qu'il reste un espoir pour toi, non ? Demanda la femme, curieuse.

Grâce à ces mots, il se souvint. Le Désert de Passage, les trois épreuves, la possibilité de revenir parmi les vivants.

Il releva la tête et regarda la femme. Il l'observa plus en détails que la première fois. Elle était petite, un mètre soixante environs. Ses longs cheveux bruns et bouclés semblaient usés, endommagés. Son visage bien qu'harmonieux était fatigué. Ses yeux ne montraient plus vraiment ce regard gentil et plein de compassion qu'elle avait, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Elle avait le regard de ceux qui étaient profondément tristes. Il baissa les yeux, et vit ses pieds nus. Elle portait de gros bracelets en métal accrochés entre eux par des chaînes. Il mit un certain temps avant de remarquer l'imposante arme d'Esther. C'était une sorte de faucille ayant deux lames partant dans des directions opposées. Comme une sorte de mouette, se dit-il. Néanmoins, ses yeux revinrent vite aux chevilles enchaînées de la femme devant lui.

-Quelqu'un te force à rester ici ? Demanda-t-il, de but en blanc.

Esther sursauta et recula d'un pas, par réflexe.

-Tu dois commencer tes épreuves. Dit-elle, en voulant changer de sujet.

-Raconte-moi ton histoire. Lança-t-il, d'un coup.

Le visage de la femme se renferma.

Aïden se releva.

-Je ne passerai pas les épreuves sans savoir. Expliqua-t-il, déterminé.

Esther le fixa. Une grande détermination se lisait dans le regard du Porteur.

Elle posa sa double-faucille puis s'assit au sol.

Aïden se mit en tailleur.

Elle le fixa.

-J'ai vécu en tant qu'humaine il y a plusieurs siècles, je ne sais plus trop quand précisément. Dans le nord, là où il faisait le plus froid. J'ai été élevée dans les coutumes nordiques de l'époque. Dès mon plus jeune âge, on m'a mis une épée dans les mains. Très jeune, j'ai développé un certain talent pour tuer. Mais j'en voulais plus. Rester au village toute l'année et le protéger m'ennuyait. Donc une année, quand les hommes s'apprêtaient à partir, au printemps, je me suis cachée parmi eux et je suis partie. Quand ils ont remarqué ma présence, il était trop tard pour revenir en arrière. Alors mon père, en tant que chef, a décidé de me laisser rester. Pendant plusieurs mois, tout allait bien. On avançait, pillait, marchandait, voyageait. Mais tout le long de ce périple, on entendait parler d'un groupe de barbares qui sévissait. Méfiants, on a continué notre route jusqu'à croiser leur chemin. Je n'avais jamais pensé voir ça un jour. Nous pensions depuis le début qu'il s'agissait d'un petit groupe d'excellent combattants. Mais la réalité était toute autre. Une véritable armée. Des centaines et des centaines d'hommes qui aimaient le goût du sang plus qu'autre chose. La bataille fut rapide. Les hommes de mon village furent décimés complétement. J'ai fait la morte afin de ne pas mourir. Je pensais que ça allait me sauver. Mais ils passaient sur chaque corps pour leur asséner de nouveaux coups afin de vérifier s'ils étaient bien morts. Au bout d'un certain temps, l'un d'eux s'est approché de moi. Sans réfléchir, je lui ai sauté à la gorge pour la lui trancher. Un deuxième a rappliqué et je lui ai ouvert le ventre. C'est tout ce que j'ai pu faire. Ils m'ont attrapé et maintenu leurs prises sur moi tellement fort que même un dieu n'aurait pas pu les briser. Entendant mes cris, ils comprirent que j'étais une femme et eurent ce regard monstrueux. Je savais ce qui allait arriver et je voulais mourir du plus profond de mon être.

Hexagone: L'Ère des PorteursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant