Chapitre 4

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Je regardais mes sœurs rentrer accompagnées de ma mère, éberluée. Derrière elles se tenait Mickaël, mon beau-père. Mes parents se sont séparés quand j'étais au collège, mais ils ne se sont malheureusement pas quittés en bon termes. Mon père était excessivement jaloux et ma mère se sentait enfermée, et un jour, elle a explosé. Elle est partie, il ne l'a pas supporté et a éclaté aussi.

Soudain, ma petite sœur poussa un cri. Je me retournai et contemplai Lee Roy baver sur les escarpins de la blonde.

« Mais qu'est ce que c'est que ce truc ? Lâche moi sale bête ! Mais aide moi Antoine ! »

Ce Antoine même qui n'avait pas bougé depuis l'entrée de ma famille. Mickaël s'excusa pour elles et nous reprîmes nos esprits pour les saluer.

Dans mon salon se trouvait donc Jeanne, ma mère, une grande blonde dont tiennent mes petites sœurs et mon frère. Yeux marrons tirant sur le vert, la cinquantaine et toujours une prestance intimidante ; Mickaël, mon beau père, un homme en fin de quarantaine, cheveux noir et pas très grand, mais sous le charme de ma maternelle depuis un petit bout de temps ; Antoinette, ma sœur cadette, une blonde élancée aux yeux verts, nez fin et légèrement retroussé (celle qui se faisait baver dessus) ; et enfin Marie-Anne, la plus jeune, aussi blonde que les autres et aux yeux aussi marrons que ma mère, elle avait un physique dynamique et pour cause, elle pratiquait le basket-ball depuis son plus jeune âge.

Et puis il y avait Tête d'Anchois et moi. Le grand blond qui collait bien avec la partie blonde du tableau et la rousse qui collait bien avec la partie rousse du tableau. Celui qui était pas là. En effet, mon frère et ma sœur, l'aînée, n'étaient pas de la partie, ainsi que mon père. Mon père Marin, ex-basketteur, roux aux yeux verts ; mon frère Isaac, son portait craché en brun et Valérie, une crinière blond vénitien ondulant autour d'un visage rond aux yeux marrons. À croire que mes parents ont eu cette lubie des prénoms pourri après mon frère.

« Valérie et Isaac nous rejoignent demain, » m'informa Marie-Anne.

Ah bah voilà, maintenant je sais que la famille sera au complet. Oui, au complet, car mon père devait passer la semaine ici, accompagné par ma tante.

Je tirai mes sœurs à l'écart et mon cousin nous rejoignit rapidement.

« Houston, on a un problème, assurai-je.

- Tu parles du clebs qui m'a bavé dessus tout à l'heure ? Parce ça, c'est un problème. Qu'est-ce-qu'il vous est passé par la tête ? S'écria ma cadette.

- Non, mais il est trop mignon non ? M'extasiai-je avant de me reprendre. Bon, en fait, Papa passe la semaine à la maison avec Linda. Et vous avez débarqué à l'improviste comme ça, ça va pas passer avec Maman et Micka.

- Ah... ouais pas bête. Au pire, dis à Maman que la maison est infestée de rats, tu sais qu'elle supporte pas les rongeurs, suggéra la benjamine.

- Non, contre-attaqua Tête d'Anchois, on peut pas la dégager comme ça, c'est pas cool.

- Mouais, elle te fais flipper surtout... grommela Antoinette.

- Toi aussi, » lui rappelai-je.

Nous nous chamaillâmes encore un peu puis établîmes un plan.

Dès que nous fûmes revenus dans la pièce à vivre, ma mère me sauta dessus et m'étouffa de câlins.

« Ah mon bébé ! Ça fait combien de temps ?

- Deux semaines maman, lui répondis-je.

- J'ai bien fait de venir alors ! Avant que... enfin, j'ai bien fait, bafouilla-t-elle.

- Merci Maman, moi aussi je t'aime », lâchai-je en me décollant d'elle.

Même si ma mère était une femme d'apparence froide, elle était très sensible. Une petite larme coula sur sa joue, qu'elle effaça rapidement du bout des doigts.

« Bon, vous êtes mignonnes toutes le deux mais on est pas là pour chialer les chutes du Niagara, mais pour nous remonter le moral tous ensemble. Alors tout le monde sèche ses larmes et on se met un bon film. OK ? » déclara Marie-Anne.

Nous acquiesçâmes d'un « OK ! » général et toute la petite famille se dirigea vers le salon. Tête d'Anchois s'installa sur le petit fauteuil en cuir marron, ma mère s'assit près de Mickaël sur le canapé et Antoinette pris la dernière place libre dessus tandis que ma deuxième petite sœur s'affala sur le deuxième fauteuil. En soupirant, je m'assit par terre, le dos calé contre l'accoudoir du canapé orange et le chien sur les cuisses. Il s'est bien intégré celui là : dès qu'on est rentrés, il avait foncé sur le canapé, sauté dessus quelques minutes puis était reparti en direction de la cuisine, où il fit le tour des meubles présent. Puis la sonnette avait retenti et la suite, vous la connaissez.

Je choisis le film avec mes sœurs et, au grand dam des garçons, nous avons sélectionné Cry Baby. Mon cousin alla chercher de quoi grignoter et nous commençâmes le DVD. Aux moments de chant, ma mère et mes sœurs chantèrent avec moi alors que mon beau-père souriait et mon cousin râlait parce qu'il n'entendait plus. Je suis sûre qu'il l'aime, ce film, en fait. En même temps, il est génial, et Johnny Depp est une beauté.

Le soir, après avoir décidé qui dormirait où, je me retrouvais donc dans ma chambre avec mes deux sœurs, l'une avec moi dans mon lit et l'autre dans le petit sofa près de la fenêtre. Nous nous sommes débattues un long moment avec les draps pour finalement poser deux coussins et une couverture sur le canapé. Nous nous sommes couchées après deux bonnes heures de potins sur le lit, comme dans une soirée pyjama d'adolescente, en finissant les paquets de chips qui traînaient sur la table du salon.

J'appris que Marie-Anne avait un nouveau petit copain, qu'il était dans sa classe d'espagnol et qu'elle passait beaucoup de temps avec lui, qu'Antoinette avait aussi rencontré quelqu'un, une petite brune aux cheveux courts. De mon côté, c'était un peu plat à ce niveau là... Ils ont tous fuit quand je leur ai dit que j'avais un cancer.

« En même temps, qui aurait envie de s'engager avec une fille complètement timbrée qui va clamser quelques années plus tard ? Avais-je dit à mes sœurs.

- Une personne gentille et censée ? Avait-répondu la plus jeune, gentiment, en posant sa main sur la mienne.

- Bah oui, même si t'es un peu chiante, sur le ménage par exemple, c'est horrible comme t'es bordélique... enfin, même si t'es un peu chiante, ces mecs sont surtout trop cons pour se rendre compte que tu es géniale, protesta ma cadette.

- Carrément », avait renchérit Marie.

Sur ces paroles beaucoup trop belles et émouvantes pour mon petit cœur, je fondis en larmes. C'était un peu la goutte d'eau qui faisait déborder mon grand vase de sentiments. Je n'aurais pas su dire moi-même si c'était de la tristesse, de la joie, mais ce qui était sûr, c'est que j'avais complètement craqué. Avoir enfoui tout ça depuis l'annonce de la nouvelle, c'était dur, mais plus simple que de faire face. Me dire que ce n'était pas grave, que j'allais vivre follement le reste de mes jours était illusoire mais agréable. Les filles me blottirent contre elles et me racontèrent des anecdotes dingues au possible pour me faire rire.

À bout de forces, je finis par tomber dans les bras de Morphée.

Bérengère rime avec CancerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant