"– Effectivement, ça mérite un petit relooking tout ça", dit posément ma mère.
Sans un bruit, deux petites larmes coulèrent sur mes joues.
"– Ah mais non pleure pas Bergie !
– Moooh qu'elle est mignonne quand elle s'y met, ajouta mon aînée.
– Câlin général !" S'écria sa fille.Joignant le geste à la parole, elle me sauta dessus, rapidement suivi du reste de la famille. Tout le monde riait, même mon père, plutôt grognon ces temps ci.
Aller à Paris était l'un de mes petits rêves et aller à une GayPride faisait partie de la Liste avec un grand L. Je comptais quatre billets de trains.
"– Antoine, Antoinette et Marie-Anne, répondis ma mère a ma question muette. Isaac vous rejoindra la veille.
– Et nous on est trop vieux, pas trop notre truc quoi," ajouta ma tante.Je leur souriai franchement. Cette histoire de liste était sympa au début mais nous l'avions un peu délaissée depuis le traitement. Cette surprise était vraiment bienvenue, et tombait au bon moment. Je commençais à déprimer un peu.
"– Sinon c'est quoi cette histoire de shopping ? Vous partez sans nous ? Demanda la benjamine.
– Ma grande fille réquisitionne sa maman chérie le temps d'une après midi, claironna ma mère.
– Bah alors Bergie, les larmes et le shopping avec maman, promis, à Paris je t'achète des couches ! Ironisa mon frère.
– Ah ah ah. Lol. Du jamais vu ton humour Isaac. T'es sur d'avoir 28 (?) ans ?
– T'es pas mal non plus hein."Nous nous chamaillâmes ainsi un moment puis mon père nous appela à manger.
"– Et celui là ? Demanda ma mère en me tendant un blazer bleu marine.
– Trop stricte. On va à Paris, à la GayPride," pas à un entretien d'embauche.Elle haussa les épaules et reposa la veste avant de s'enfoncer dans les rayons.
Mon regard s'égara sur un robe verte, dans un coin du magasin. Un jupon en tulle s'arrêtant pile au niveau du genou était surmonté d'un large ruban faisant office de ceinture. Des micro-paillettes étaient incrustées dans le tissu du buste, remontant en de larges bretelles.
"–Elle t'irait à merveille, intervint ma mère.
– Je suis trop maigre pour porter ce genre de trucs.
– Pas du tout. Tu as toujours tes longues jambes et ta taille fine, argumenta elle. Allez, prend là et va l'essayer. J'arrive dans deux minutes."En souriant, je cherchais un modèle dans ma taille suis me dirigeais vers les cabines.
Alors que je remontait la fermeture éclair dans le dos du vêtement, le rideau de la cabine s'ouvrit et la tête de ma maternelle apparut dans un coin.
"– Je te l'avais dit. T'es magnifique là-dedans. Avec ton foulard sapin et un petite veste, ou même sans, tu seras encore plus belle ma chérie.
– Maman, comment tu m'as trouvée ? La coupai-je. Me dis pas que t'as fouillé chaque cabine...
– Je t'aurais rapidement trouvée, t'es au début. Et puis non, rassures toi, j'ai juste reconnu tes chaussures," assura-t-elle.Nous rentrâmes avec chacune deux sacs dans les mains. Rien de blâmable, mais juste assez pour avoir l'impression d'avoir refait sa garde-robe. Quelques sous-vêtements et accessoires en plus de la fameuse tenue. Une fois tout soigneusement rangé sur cintres et épuisée de cette course aux vêtements, je m'écroulai sur mon lit et m'endormis presque aussitôt.
Je fus réveillée par ma nièce, qui me proposait de rejoindre les autres pour jouer à la console. Lentement et non sans faire un détour par les toilettes, je descendis les escaliers et arrivai dans le salon en compagnie de la petite tout sourire.
Isaac, Antoine et Marie Anne nous attendaient, assis autour de la table basse.
"– Où sont Valérie et Antoinette ? Demandai-je.
– Courses avec Micka, répondit mon frère. Maman travaille dans le bureau, papa est dans la cuisine et tati lit dans sa chambre j'crois."Les autres acquiescèrent et je pris place à côté d'eux sur le canapé tandis que Karine s'assit sur les genous de Marie Anne.
Cette fois ci, mon cousin lança un jeu de combat qui ravit tout le monde. Dans ce genre de jeu, pas besoin de connaître par cœur les combinaisons, en appuyant sur toutes les touches n'importe comment, la victoire était à la portée de n'importe qui.
Environ trois quarts d'heure plus tard, les garçons râlaient parce que ma sœur et moi gagnions. Ils prônaient la triche et la non-technique, pour ne pas blesser leur fierté. Pendant ce temps, tout le monde était rentré, le repas cuisait et nous arrêtions la console, en plein débat la victoire féminine aux jeux de combat.
Après dîner, tout le monde se coucha de bonne heure. Mes sœurs et moi avions un peu discuté, je leur avais montré mes achats quand cinq petits coups rythmés rententirent. Nous souriâmes en reconnaissant le signal de notre enfance.
"– Mot de passe, chuchota la plus jeune.
– Yopopop muchacho !" Répondirent en chœur les deux garçons.Nous ouvrîment la porte en gloussant et ils entrèrent et se posèrent sur nos matelas.
"– Non mais vous croyez pas chez vous non plus hein," les menaça Antoinette et pointant vers eux un doigt manucuré.
Ils firent la moue sans bouger pour autant. Nous nous serrâmes tous les uns contre les autres. Après un long silence, j'entendis une protestation étouffée. Dans le noir, je ne voyais pas ce qu'il se passait mais il était facile de deviner qu'une bataille d'oreillers avait commencé. Restait à savoir qui l'avait instaurée.
Nous avions tous vingt ans passé, à l'exception de Marie Anne, mais on se comportait encore comme des adolescents. Ce séjour tous ensemble dans la maison d'enfance nous ramène dix ans plus tôt.
Je regardais notre petit groupe avec un sourire béat, plongée dans mes souvenirs, quand un oreiller vint s'abattre dans mon visage. Je basculai en arrière en me retrouvai comme une tortue sur le dos ; incapable de me relever. Je décidai d'en jouer et d'imiter le reptile sur sa carapace retournée, bras et jambes s'agitant lentement sur les côtés. À peine quelques secondes plus tard, les autres me rejoignirent.
Soudain, la porte s'ouvrit sur mon père.
"– Faites moins de bruit les cocos, on aimerait se reposer", nous sermonna-t-il.
Ne recevant pas de réponse de notre part, trop surexcités pour réagir, il alluma la lumière et nous trouva, tous, les quatre fers en l'air, le regardant avec de gros yeux. Il ria comme si tout ça était habituel, éteignit et ferma la porte pour retourner se coucher.
Une fois remis de nos émotions, les garçons retournèrent dans leur chambres, chacune de nous reprit son couchage attitré et nous mîmes peu de temps avant de nous endormir, le sourire aux lèvres.
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Bérengère rime avec Cancer
HumorÀ seulement vingt-six ans, Bérengère est atteinte d'un cancer incurable. Cependant, elle ne se laisse pas abattre et décide, avec l'aide de certains membres de sa famille, de réaliser une liste des plus extraordinaires. " T'as décidé de ce que tu va...