LA FUITE (2)

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La mère eu du mal à tout gober – je la suspecte même de ne pas avoir écouté – mais elle finit par lâcher un faible :

· Sortez de chez moi.

Je me levais et allais gentiment m'exécuter, mais un main me retint fermement dans la pièce. Asoë ne l'entendait pas comme ça.

· Non. Elle reste ici parce qu'elle est gentille, qu'elle me tient compagnie et que c'est mon amie. Si tu ne crois pas à quelque chose qui est omniprésent autour de toi et maintenant sous tes yeux, c'est ton problème, mais ne m'enlève pas mon amie.

Apparemment, sa mère non plus ne s'attendait pas à ce qu'elle s'exprime avec autant de ... facilité ? Intelligence ? Sincérité ? Cynisme ?

Elle n'avait pas neuf ans. Je ne la croyais pas. C'était im-po-ssible.

Maman était à la fois sous le choc de ma présence et sous le choc de la remontrance de sa déconcertante et très habile fille. Sur son visage passaient la colère, la béatitude, la réflexion ... Elle finit par trouver quoi répondre :

· Tu permets que j'aille discuter avec ton amie ?

Asoë me regarda comme pour demander la permission. Je lui souris, me dégageais doucement de sa poigne et sortis avec sa mère. Je refermais la porte derrière moi et me tint prête à affronter le courroux d'une personne qui me prenait très certainement pour une SDF (au mieux), menteuse et accro.

Mais non.

· Qui es-tu ?

Je ne savais vraiment pas quoi répondre à cette question. Bon, au point où j'en étais, je pouvais toujours tenter la vérité. Au pire je la tuerais.

Je rigole. Hein, c'est une blague !

· Est-ce que vous croyez en la mort madame ?

· Oui, bien-sûr, mais c'est une conséquence d'un vieillissement du corps ... c'est scientifique ...

· D'accord. Alors si vous préférez, je suis juste un fille de vingt-quatre ans, pas droguée, avec des papiers et une maison, qui est devenue amie avec votre fille.

J'avais essayé d'être la plus rassurante possible. Etant la Faucheuse, ce n'est pas ce dont j'avais l'habitude de faire. Mais maman avait la ferme intention de me faire sortir d'ici – en douceur.

· Si vous avez une maison, pourquoi n'y êtes-vous pas ? Et où avez-vous rencontré ma file ?

Que dire ... Je crois que j'étais bonne pour une bonne dose de mensonges. Mais en même temps j'avais VRAIMENT besoin de cette cachette (et je n'avais pas envie de quitter la gamine, mais chuut).

· J'ai fugué, votre fille m'a croisée devant chez vous et on est devenues amies. Je me suis installée et comme elle avait l'air d'adorer les histoires je me suis faite passer pour une gentille faucheuse pour lui faire plaisir sans l'effrayer.

Je fis une pause pour la ménager avant de continuer avec une moue.

· Mais je comprendrais tout à fait que vous n'ayez pas de place pour moi...

· Attendez, ce n'est pas ce que j'ai dit.

Yes ! Le mensonge est tellement simple comparé à la vérité !

· Pourquoi avez-vous fugué ? Vos parents doivent vous chercher, et la police, ...

Non non ! Si elle me propose d'appeler la police ou si elle prévient un service social je suis foutue ! C'est pas si facile tout compte fait de mentir. Surtout, être convaincante.

Mais où est passée la Faucheuse ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant