Chapitre 3 : Catastrophe

101 10 3
                                    


Retty et Fy ressortirent vite des vestiges de Namen. L'endroit fut bien terrifiant, bien que Retty en ressortit satisfaite, contente de ses nombreuses notes et croquis. Arrivées dans la grotte sphérique, les jumelles s'entraidèrent à reboucher l'entrée avec de la cobble. Mais une fois le trou comblé, le sol se mit à trembler, faisant s'écrouler le tas de pierre. Les deux jeunes filles échangèrent un regard perplexe. Il eut alors un silence parfait. Même le son de la caverne elle-même fut éteint. Seul le bruit du sang coulant dans les veines et les battements de cœur restèrent audibles. Il eut alors un bruit sourd, venant de l'extérieur, suivi d'un crissement étrange qui résonnait dans les tunnels, s'accentuant de plus en plus, jusqu'à devenir parfaitement reconnaissable :

« La grotte s'inonde ! » s'époumona Fy terrifiée.

L'eau pénétra à l'intérieur de la salle sphérique comme si une rivière était soudainement apparue, puis emporta tout sur son passage. La chute fut tellement violente qu'elle brisa l'autre extrémité du mur s'avérant creux. L'eau coula en rafale dans une immense crevasse, emportant les jumelles.

Retty se réveilla trempée. Elle était miraculeusement étalée sur une planche de bois qui flottait à la surface de l'eau sale. Elle regarda autour d'elle pour palper la situation. Elle se trouvait au fond de la crevasse. Une cascade perlait toujours de l'ouverture causée par la violence de l'eau déchainée. Elle retrouva ses esprits puis, folle de panique, se leva d'un coup sur son embarcation.

« Fy ? Fy ! Où es-tu ? » Hurla-t-elle au désespoir.

Retty fit alors apparaître deux auras de magie devant ses yeux, illuminant ses pupilles bicolores. Elle scanna lentement la surface de l'eau à la recherche d'une trace de vie puis son regard lumineux s'arrêta sur la cascade. D'un bond, elle plongea puis nagea en-dessous. Un tunnel naturel se trouvait juste derrière et commençait peu à peu à se remplir d'eau lui aussi. Elle pataugea jusqu'au fond, découvrant avec horreur et soulagement le corps inerte de sa sœur. Elle la ramassa pour la porter sur les épaules puis sortit gauchement du tunnel pour aller déposer la pauvre Fy sur sa planche de bois. Doucement, elle passa sa main sur son ventre, ses auras de magie toujours activées. Elle resta un instant immobile, sa lueur magique brillant de plus en plus fort. Fy se réveilla alors brusquement, crachant des trompes d'eau. Elle regagna un instant ses esprits puis fixa sa sœur ainée éberluée :

« Tes yeux... Tu es comme papa. » murmura-t-elle à l'intention des auras de magie toujours présentes.

Retty acquiesça en souriant puis se leva, scrutant les remparts de pierre. Elle utilisa encore un sort pour distinguer les différentes galeries souterraines à travers la roche. Elle rama alors de la planche pour repasser en dessous de la cascade. Le tunnel était à présent assez rempli pour naviguer à l'intérieur. Elle continua de ramer jusqu'au cul-de-sac puis se planta devant le mur. Elle tendit ses bras en direction de la pierre, paumes ouvertes, puis murmura une incantation. Ses auras s'illuminèrent alors intensément, puis le mur explosa sous le regard ébahi de Fy, découvrant un autre tunnel qui continuait vers le haut.

« Cette galerie mène vers une autre sortie plus en hauteur » déclara Retty.

Elle entraîna sa sœur, toujours en état de choc, puis elles débouchèrent au sommet de la montagne. Fy fut surprise de ne pas voir de neige coiffer le sommet puis elle se retourna pour admirer la vue sur le pays. Elle avala un cri d'effroi : la taïga qui entourait le récif montagneux n'était plus qu'un terrain hideux recouvert d'arbres couchés et arrachés. Le sol dur n'était plus qu'un tas de boue et de déchets et l'air était tellement humide que le boire était sûrement possible. Fy passa une main sur sa bouche pour se retenir de hurler. Retty resta calme, et se contentait d'analyser le paysage.

« Je... je ne vois pas comment autant d'eau aurait pu submerger notre caverne comme ça... bafouilla Fy en tremblant.

- Un raz de marée. » avoua la sœur.

Retty songea un moment qu'elles auraient pu déclencher une malédiction en dérangeant les morts dans les vestiges de Namen puis se ravisa : une terre corrompue pouvait très bien être à l'origine de cette catastrophe. Elle ne possédait pas encore l'expérience nécessaire pour utiliser ses pouvoirs afin de trouver l'origine du tsunami. Elle se contenterait de se documenter auprès de son père sur l'évènement.

L'adrénaline monta dans le sang des jumelles. Elles devaient retrouver leurs fidèles destriers. Ensemble, elles dégringolèrent le pic de pierre pour revenir à l'entrée initiale : rien. Paniquant de plus en plus, elles décidèrent de suivre la direction de la vague meurtrière et continuèrent de glisser vers le bas de la montagne. Elles trouvèrent alors Obsi, le cheval de Fy, coincé entre les branches noueuses d'un arbre couché. D'un vif coup d'épée, la propriétaire le dégagea avant de lui faire un câlin de soulagement. Mais Retty ne trouva aucune trace de son cheval. Elle se réduisit à utiliser son pouvoir pour le retrouver puis commença à chercher plus en profondeur. Enfin, après une demi-heure de recherche, elle capta la présence de son étalon derrière un buisson :

« Wind ! Je suis là, Wind ! » articula-t-elle.

Elle trancha le buisson en deux, découvrant derrière le corps ensanglanté de son cheval. Le cœur brisé, elle observa un instant la scène pitoyable. Son cheval immaculé agonisait dans son propre sang, une branche pointue traversait son cou et une pierre acérée était logée dans son abdomen. Retty tomba à genou devant l'animal, des larmes perlaient de ses yeux qui luisaient encore de magie.

« Ne me quitte pas Wind, je t'en prie ! » pleurnicha-t-elle.

Elle planta ses mains dans la boue, essayant de récolter un maximum de mana dans la nature.

« Je vais te sauver Wind, ne t'inquiète pas... » murmura-telle, noyée dans ses larmes.

Elle inspira un grand coup puis marmonna une incantation, puis une autre, puis encore une autre. Le sang s'arrêta de couler, mais il était déjà trop tard. Wind saignait depuis bien trop longtemps. La pauvre bête tressaillit un instant puis son corps se figea pour toujours, fixant le ciel gris qu'il ne voyait plus.

« Non, Non ! » Vociféra-t-elle.

Elle tomba alors sur le flan après avoir utilisé toute sa réserve de mana puis hurla à l'agonie d'une voix qui déchira le ciel.

Fy, alertée par son cri, accourue à sa rencontre. Elle retrouva Retty, lovée contre son destrier inerte, les bras croisées sur sa poitrine, tremblante de tristesse.

Fy dut passer la nuit sur place, laissant Retty récupérer son mana dépensé, toujours au côté du corps de Wind. Mais dans la nuit, elle dut séparer sa sœur de son cheval tant la puanteur commençait à devenir insupportable. Elle l'allongea dans sa tente, au milieu de plantes encore vivantes pour l'aider à récolter le mana de la nature. Elle alla ensuite enterrer dignement le cheval blanc. Elle lui fit une tombe avec les moyens du bord, inscrivit une petite épitaphe sur un panneau en bois, planta quelques fleurs puis alluma une torche qu'elle laissa brûler sur la pierre.

Le lendemain, après avoir récupéré suffisamment d'énergie, Retty se leva dès l'aube, suivie de sa sœur. Elles montèrent à deux sur Obsi, sacrifiant quelques provisions pour laisser de la place à Retty. Elles devaient rentrer au plus vite pour prendre des nouvelles des autres et demander plus d'informations à Digar. Fy dut puiser dans les dernières forces du cheval pour galoper jour et nuit jusqu'au biome mesa où elles arrivèrent. Il ne restait plus qu'un morceau de bois mouillé à l'emplacement de leur maison. Le reste des décombres flottaient dans la mer, éparpillés au pied de la falaise. Retty creusa un trou pour y mettre temporairement son cheval pour qu'il puisse récupérer puis se dégota deux autres chevaux pour partir immédiatement en direction de la savane.


Nouveau MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant